La sentence est tombée. Microchoix se retrouve en liquidation judiciaire, selon un jugement du tribunal de commerce d’Oujda datant du 8 février 2017, et révélé par Medias24 le 13 mars. Selon nos confrères, le tribunal estime que la situation de la société de distribution de matériel informatique est « irrémédiablement compromise » à cause d’une « dette de 40 millions de dirhams« .
La liquidation est aussi étendue au patrimoine personnel de tous les dirigeants dont le PDG et fondateur Khalid Saâdi, explique Medias24. Les gérants de la société doivent combler de façon solidaire l’intégralité du passif de l’entreprise puisque la faute est mise sur le compte de leur mauvaise gestion. « Une expertise ordonnée par le parquet fait observer que ces derniers ne maîtrisent pas les normes de gestion financière, ce qui a affecté l’état de la société« , rapporte la même source.
Tous les dirigeants se retrouvent donc face à une déchéance commerciale sur cinq ans: ils sont interdits de « diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute société ayant une activité économique« , explique Medias24. « Les concernés ont fait appel de l’extension de liquidation et de la déchéance commerciale« , selon nos confrères.
L’affaire Microchoix, qui s’apparente à une faillite de plus, est en réalité une véritable énigme pour tous ceux qui ont suivi le parcours de cette entreprise érigée en success-story régionale. Comment la star de la vente de matériel informatique en est-elle arrivée là?
Une entreprise qui décolle
Khalid Saâdi a lancé Microchoix, spécialisée dans la vente de matériel informatique en 2004. MRE, il avait déjà créé la société Microchoix.fr en France en 1999, avant de revenir au Maroc pour fonder Microchoix.ma. Mais pas n’importe où. Il choisit Oujda, sa région d’origine. Simple site d’e-commerce à ses débuts, la société prend de l’ampleur et ouvre sa première boutique en 2006. Trois ans plus tard, le fonds d’investissement de la région de l’Oriental (FIRO) entre dans le capital de Microchoix à hauteur de 20 millions de dirhams. « La société dans laquelle nous sommes entrés faisait 50 millions dirhams de chiffre d’affaires et elle a approché les 200 millions en quatre ou cinq ans« , se rappelle, encore impressionnée, une source proche du dossier.
Le FIRO détient alors 30% du capital. Le reste se partage entre les deux associés, Khalid Saâdi (38,5%) et Houssam Bouzekri Alami (31,5%). Ces derniers avaient déjà fondé ensemble l’entreprise française Euro Soft Solution (ESS) en 1997. Tout semble donc aller pour le mieux. Les deux entrepreneurs ont la confiance des banques et des fournisseurs.
Les points de vente se multiplient. En octobre 2015, Microchoix disposait de 14 magasins employant 140 salariés dans tout le territoire. Entre temps Houssam Bouzekri Alami, qui n’était qu’un simple associé, rejoint le management de la société en 2012. Directeur de franchises, il en ouvre cinq entre Fès, Meknès, Rabat et Casablanca. Si les succursales fonctionnent, le chiffre d’affaires et les résultats se tassent déjà à cette période. « Ce n’est pas ce qu’on voulait, mais c’était une société qui progressait alors que le secteur du numérique était en difficulté à partir de 2011« , confie une source proche du FIRO.
Le tournant
Le vent tourne en 2015. La période d’investissement du FIRO arrive à échéance et le fonds réfléchit à sa sortie de capital. « Nous avons vendu nos parts en juillet 2015 à l’actionnaire principal, sans qu’il en ait les moyens. Il s’est donc endetté« , confie notre interlocuteur au sein du fonds d’investissement. Khalid Saâdi rachète alors la part de capital du FIRO pour 20 millions de dirhams en plus de la plus-value, grâce à un emprunt sur quatre ans.
Toutes nos sources s’accordent sur le fait que c’est à cette date que commencent les difficultés de Microchoix. « Les banques se sont inquiétées quand le fonds est sorti du capital« , nous explique une source proche du dossier. « Elles ont serré les vannes en divisant par six son encours, alors que la société avait des magasins à fournir et à approvisionner« . La société est confrontée à des problèmes de trésorerie et d’endettement qui ont un impact sur ses fournisseurs que l’entreprise n’arrive plus à payer. À cela s’ajoute la concurrence exacerbée à laquelle elle n’arrive plus à faire face.
« Dès l’été 2015, il était devenu plus difficile d’obtenir les paiements », témoigne le responsable de Masaramo, un des fournisseurs de Microchoix, spécialisé en accessoires d’informatique et de téléphones. « Je n’arrivais plus à avoir personne au téléphone, ils répondaient au bout de 20 ou 30 coups de fil. Je suis même allé les voir à l’improviste, sans succès« , raconte-t-il.
Lire aussi : Microchoix renforce son capital
Le chiffre d’affaires de Microchoix chute: de 169 millions de dirhams en 2014, il tombe à « 120 ou 130 millions » un an plus tard, se rappelle notre source sans vouloir préciser le taux d’endettement. L’entreprise spécialisée dans la vente de matériel informatique relève alors son capital à 14,9 millions de dirhams en octobre 2015, en opérant une augmentation de capital de 3,5 millions. Cependant, injecter des fonds ne suffit pas.
La dégringolade
À l’été 2016, les magasins commencent à fermer les uns après les autres, comme témoigne L’Économiste. Le site de Microchoix connaît le même sort, et des médias constatent que le patron Khalid Saâdi ne répond plus au téléphone. Le responsable du fournisseur Masaramo décide alors d’aller en justice et porte plainte pour récupérer son argent. Commence alors une vente aux enchères au profit de ce fournisseur.
D’autres font la même démarche, comme Yak Electronics qui veut récupérer ses 309.000 dirhams, nous explique l’huissier de justice en charge du dossier. « La vente aux enchères de bureaux, chaises, PC, tablettes a commencé le 27 février 2017 après deux expertises. Nous avons terminé la semaine dernière« , explique-t-il sans être encore en mesure de déterminer la somme totale qui a été dégagée de cette opération. Il nous révèle que d’autres ventes aux enchères sont entamées, notamment par la Banque populaire.
Un management douteux
Au-delà de la mauvaise gestion financière établie dans le jugement, nos sources concordent à dire qu’il y aurait eu des erreurs de stratégie de la part du patron de Microchoix. « Il avait tracé des objectifs ambitieux d’ouverture de magasins, sans mesurer l’investissement et les charges fixes que cela représenterait« , explique une source proche du dossier. « Dès 2013-2014, le FIRO a adressé au management plusieurs mises en garde et alertes afin qu’il ralentisse la cadence des investissements« .
D’un autre côté, Houssam Bouzekri Alami nous confie qu’il y avait des problèmes de management. Alors qu’il était le premier associé de Khalid Saâdi, il n’est resté que deux ans au sein de l’équipe. « Je suis parti, car j’étais contre la manière de gérer l’entreprise par Khalid Saâdi », explique-t-il en évoquant de multiples « ordres et contre-ordres ». C’est ainsi qu’en 2014, il quitte ses fonctions sans pouvoir récupérer ses actions. « Khalid Saâdi m’a assuré qu’elles étaient bloquées par le FIRO », nous affirme-t-il. Cependant, il nous confie ne plus être en contact avec le patron de Microchoix, qui a disparu de la circulation et avec qui nous n’avons pas pu établir le contact.
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