Moulay M’hammed Elalamy: Sur les traces du père

Nommé directeur général de Saham Assurance, il est sur des rails qui pourraient le conduire à succéder à son père, Moulay Hafid Elalamy. Portrait.

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Moulay M’hammed Elalamy: Crédit: DR

A quelques jours de son 27e anniversaire, Moulay M’hammed Elalamy prend les rênes opérationnelles de la principale filiale du groupe créé il y a 17 ans par son père, le ministre Moulay Hafid Elalamy. La démission du président directeur général de Saham Assurance, Ahmed Mehdi Tazi, a été actée en conseil d’administration le 5 janvier. Il quitte ainsi le groupe après 12 ans de bons et loyaux services, cédant son fauteuil à un duo pour piloter la compagnie d’assurance qui a réalisé 4,53 milliards de dirhams de chiffre d’affaires en 2015. Nadia Fettah Alaoui, en présidente du conseil d’administration, assurera les fonctions supports et poursuivra l’élaboration de la stratégie qu’elle a contribué à bâtir en tant que directrice générale déléguée de Saham Finances. Moulay M’hammed Elalamy, en tant que directeur général, mettra les mains dans le cambouis pour tenir les objectifs.

Diplômé depuis à peine 5 ans, dans le groupe familial depuis 2013, l’ascension du fils du “président” est fulgurante. La doit-il à sa filiation ou bien à des qualités managériales hors du commun ? Sa naissance a assurément placé Moulay M’hammed sous des cieux propices. Il occupe un poste clé au sein de Saham parce qu’il y a été préparé et parce que son arrivée dans le groupe a correspondu avec le départ de son président de père, qui se consacre désormais à sa fonction de ministre de l’Industrie et du Commerce. En revanche, depuis qu’il figure dans l’organigramme de Saham, le fils Elalamy a gagné ses galons à la loyale au sein du groupe familial, qu’il pourrait ne plus quitter.

Au nom du père

Moulay Hafid Elalamy et MhmmaedLorsque nous l’avons contacté pour la rédaction de cet article, Moulay M’hammed Elalamy nous a répondu qu’il préférait “rester discret”. “Je viens tout juste d’être nommé. Je préfère attendre de faire le tour du propriétaire avant de m’exprimer dans les médias”, explique-t-il très cordialement. C’est quasiment au mot près la réponse également servie à Stratégie & Management qui a réalisé, en 2014, l’un de ses rares portraits. Démasqué, il se justifie : “Je préfère que mes actions parlent pour moi plutôt que mes paroles”. Impossible alors de ne pas faire le rapprochement avec cette autre phrase, prononcée par son père qui n’a pas non plus souhaité s’exprimer sur les nouvelles fonctions de son fils, mais qui déclarait à TelQuel, en juillet 2016, dans son bureau du ministère de l’Industrie, qu’“il y a deux façons de travailler. Soit faire des sorties pour faire plaisir aux médias, soit travailler […] Je suis un homme d’affaires. Je ne crois qu’à la preuve.”

Jusque dans sa gestion de la presse, Moulay M’hammed Elalamy est bien le fils de son père. La ressemblance ne s’arrête pas là. Même gabarit, mêmes intonations de voix, même courtoisie, quoique plus constante et spontanée chez le fils. Ce dernier a aussi hérité du daltonisme paternel et on jurerait que certains de leurs souliers viennent du même chausseur.

À bonne école

Fils aîné d’Amina Douiri et de Moulay Hafid Elalamy, Moulay M’hammed avait cinq ans lorsque son père a fondé Saham. Ceux qui l’ont fréquenté au collège et au lycée à l’Ecole américaine de Casablanca témoignent, prudemment, que dès l’adolescence ils savaient qu’ “il finirait un jour dans le groupe”. Au cours de ce cursus anglophone, son père l’aide à choisir ses cours, mais c’est Moulay M’hammed qui insiste pour terminer son lycée en Suisse, à l’Institut Le Rosey. Il décroche son baccalauréat en 2008 dans le légendaire internat à 500 000 dirhams l’année. Les Roséens de sa promotion demeurent aujourd’hui ses amis les plus proches, bien qu’éparpillés dans le monde, où ils ont repris des affaires familiales, percé dans la finance, ou bien entamé une carrière d’artiste-peintre.

Pour ses études supérieures, il s’installe au Canada où ses parents se sont rencontrés. À Vancouver, à l’Université de British Columbia, il obtient un bachelor de commerce en quatre ans, dont deux passés dans des écoles partenaires : Sciences Po Paris et Harvard. Il effectue son stage de fin d’études au bureau parisien de Boston Consulting Group, où il acquiert la rigueur méthodologique des consultants et goûte
aux journées de travail qui se terminent à 2 heures du matin.

Il intègre un programme pour jeunes diplômés au sein d’Abraaj Capital, qui vient alors d’acquérir 18% de Saham Finances. C’est pourquoi il prête une oreille attentive quand le fonds d’investissement émirati présente son programme aux diplômés de l’université. Après un long processus de recrutement au cours duquel ses résultats scolaires sont épluchés, il rejoint Abraaj en private equity. Il est affecté au bureau d’Istanbul où la place Taksim est alors en ébullition.

Coaché par Bendidi

Un an plus tard, il abrège son contrat avec Abraaj car il y a du changement au sein de Saham. Moulay Hafid Elalamy est nommé ministre de l’Industrie et du Commerce et va devoir s’éloigner des affaires. Le président met en place l’équipe à laquelle il devra faire confiance pour gérer le groupe en son absence. Son fils en fait partie, jugeant qu’il a fait ses preuves sur de grosses opérations de fusion-acquisition à Istanbul.

Moulay M’hammed Elalamy rejoint Saham en 2013 comme chargé de mission auprès du nouveau directeur général délégué Saad Bendidi, qui l’utilisera pour ses compétences en “fusacq” acquises chez Abraaj. Mais Saad Bendidi joue aussi le rôle de mentor pour le fils Elalamy. Ingénieur, rompu à l’assurance au Maroc, l’ex-PDG de l’ONA prend la nouvelle recrue sous son aile, qui le suit comme son ombre pour apprendre le métier. Et marquer son territoire. Il n’avait jusque-là jamais mis les pieds au siège de Saham sur le boulevard Zerktouni à Casablanca. Il prend rapidement ses marques et connaît bien la maison lorsqu’il est nommé PDG de la filiale Saham Assistance quelques mois plus tard.

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Enfant de la pépinière

C’est là que Moulay M’hammed Elalamy va véritablement prouver aux yeux du groupe qu’il n’est pas là uniquement parce qu’il est le fils du patron. Saham Assistance sera son os à ronger pour se faire les dents. La filiale ne représente alors que 3 % du chiffre d’affaires du groupe (293 millions de dirhams) et vient à peine de s’implanter à l’étranger, en Côte d’Ivoire. L’entreprise offre des services qui s’apparentent à de l’assurance simplifiée. Une bonne entrée en matière pour comprendre le métier, sans prendre de risque non plus.

Avec les années, la boîte est devenue la pépinière du groupe. Mehdi Tazi est passé par là, Mahmoud Oudrhiri aussi. Moulay Hafid Elalamy lui-même, en son temps, a présidé Mondial Assistance, devenue Saham Assistance. Moulay M’hammed Elalamy mise sur les ressources humaines et fait monter des jeunes dans la hiérarchie, où ils cohabitent avec des collaborateurs ayant une expérience de trente ans dans le métier. Le jeune manager fait tourner la boîte, voyage beaucoup. Il crée même un SAMU public-privé à El Jadida, qui n’est pas sans rappeler le lancement de SOS Médecins à Casablanca par son père quelques années plus tôt.

Moulay M’hammed Elalamy surprend son monde. Aujourd’hui, Saham Assistance couvre 17 pays et réalise 450 millions de dirhams de chiffres d’affaires, soit 4,5% de celui du groupe. En 2015, ses efforts sont récompensés, il est nommé secrétaire général du groupe Saham. Il reprend ses réflexes stambouliotes en gérant notamment, de bout en bout, la montée en puissance du Sud-africain Sanlam dans le capital de Saham Finances, en décembre 2016.

Chassé-croisé

SAHAM__Yassine_Toumi_2_12112015100414En devenant directeur général de Saham Assurance, Moulay M’hammed Elalamy abandonne ses fonctions précédentes. L’annonce du départ de Mehdi Tazi est intervenue deux jours après celle d’un redressement fiscal de Saham Assurance pour un montant de 130 millions de dirhams. “Cela n’a aucun rapport avec ma démission, assure Mehdi Tazi. Ma décision était déjà prise au milieu de l’année 2016, avant le contrôle fiscal. Le redressement n’est pas le résultat d’une mauvaise gestion, mais de risques fiscaux qui découlent de lois inapplicables dans la réalité. Je suis resté jusqu’en début d’année pour assurer la transition et la négociation des nouveaux contrats”, explique le désormais ex-PDG de Saham Assurance.

C’est lui qui a suggéré à Moulay M’hammed Elalamy de postuler à son ancien poste. “Il fallait quelqu’un pour prendre la suite. Je l’ai fortement encouragé, car il était la personne la plus adéquate. Il n’aurait pas démontré ses capacités, on aurait pu dire des choses, mais il a fait ses preuves chez Saham Assistance. Il est jeune, dynamique et d’une maturité rare pour son âge. Et puis, c’était assez naturel. Il a vocation à rester peut-être ad vitam æternam dans le groupe, en tout cas plus longtemps que les autres managers”, poursuit Mehdi Tazi, toujours dans les bureaux pour assurer la transition.

Son clan

Dans ses nouvelles fonctions, Moulay M’hammed Elalamy redescend techniquement dans la hiérarchie du groupe. Reculer pour mieux sauter ? Il n’est plus que l’un des 32 managers des compagnies d’assurance du groupe. La plus grosse, néanmoins. Et la plus emblématique dans le cœur de métier du groupe. Il est entouré pour cela de l’état-major de Saham, et notamment, pour la partie assurancielle, d’Emmanuel Brulé, DGA de Saham Finances et ancien de AIG à Londres. Peut-il compter sur les conseils de son père ? Pas au quotidien. Chez Saham, on raconte que Moulay Hafid Elalamy n’est plus au courant des dossiers actuels. En revanche, en sa qualité de manager, Moulay M’hammed Elalamy bénéficie, quoique moins souvent que Mehdi Tazi, des leçons particulières du président. Celles au cours desquelles Elalamy père répète qu’“il faut traiter les sujets en profondeur, pas en surface”, “l’éthique et le travail avant tout” ou encore que “l’important dans une réunion ce n’est pas ce qui est dit, mais ce qui n’est pas dit”. En sa qualité de fils, il a d’ores et déjà été imprégné de la philosophie d’un père, écrivain et luthiste à ses heures, qui aime à lui répéter qu’“apporter à son prochain vaut mieux que posséder”. De trois ans sa benjamine, sa sœur Anissa, étudiante en management de l’éducation à Hong-Kong, pourrait elle aussi un jour rejoindre le groupe.

Management. Une affaire de famille

À 27 ans, Moulay Hafid Elalamy occupait lui aussi déjà de hautes responsabilités, en tant que vice-président de la compagnie d’assurances canadienne Saint-Maurice. Une entreprise familiale aussi, où l’actuel ministre de l’Industrie découvre avec stupeur que le rejeton du président a commencé dans le groupe en distribuant le courrier. Il a visiblement été convaincu par la méthode, qu’il a tout de même adaptée au contexte marocain tant la progression de Moulay M’hammed Elalamy a été rapide. “Quand vous avez une épicerie, vous pouvez mettre votre fils à la caisse et le tour est joué. Mais dans un groupe comme Saham, vous ne pouvez pas simplement dire ‘Je vous présente mon fils, c’est votre patron’,” explique un proche de la famille. Outre le fils, une poignée d’autres Elalamy s’activent chez Saham, mais jamais en relation directe avec le président. “Ce serait trop difficile à gérer”, raconte l’un d’entre eux, qui assure avoir suivi le même processus de recrutement que ses collègues.

 

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