Le retour à l’Union Africaine, c’est maintenant !

Ce n’est plus qu’une question de jours avant le retour du Maroc au sein de l’Union africaine. Déjà, les plans d’action en tant qu’État membre se dessinent.

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Khamsa ou khmiss sur le Maroc. Sauf coup de théâtre, le royaume deviendra le 55e État membre de l’Union africaine (UA). En attendant de devenir le 54e (suivez mon regard), espèrent les diplomates marocains… C’est le grand retour africain, après 32 ans d’absence, au sein de l’organisation issue de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), dont le Maroc a été un État fondateur en 1963 avant de la quitter en 1984, deux ans après l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). La réintégration du Maroc, initiée par une demande remise par Rabat le 22 septembre à la commission de l’UA, sera vraisemblablement actée moins de six mois plus tard, pour le 28e sommet de l’UA qui réunit les chefs d’État et de gouvernement africains des États membres, les 30 et 31 janvier à Addis Abeba, en Éthiopie. Mohammed VI fera d’ailleurs le déplacement. En coulisses, on s’affaire pour ne pas rater le rendez-vous, mais aussi pour préparer les premiers pas du Maroc dans sa famille retrouvée.

Ratification express

Pour ce retour, on aurait pu imaginer une anxiété haletante jusqu’à la dernière minute, suspendue au vote des États membres. Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal a en fait lui-même coupé court au suspense. « Le Maroc est assuré de son adhésion à l’Union africaine, et ce avant même la tenue du sommet d’Addis Abeba« , a-t-il déclaré lors d’un point presse en marge du sommet Afrique-France le week-end du 14 janvier, à Bamako. Deux jours plus tôt, c’est le Chef du gouvernement marocain désigné, Abdelilah Benkirane, qui annonçait que “le roi [irait] à Addis Abeba pour défendre l’adhésion du Maroc à l’Union africaine”, dans une déclaration flairant déjà bon le succès.

Quelques détails de procédure restent néanmoins à régler. En interne, l’article 55 de la Constitution de 2011 prévoit que le roi “signe et ratifie les traités. Toutefois, les traités de paix ou d’union […] ou ceux engageant les finances de l’État ne peuvent être ratifiés qu’après avoir été préalablement approuvés par la loi.” Branle-bas de combat au parlement qui, depuis son élection le 7 octobre et jusqu’au matin du 16 janvier, n’avait pas encore élu ses instances. Ni une ni deux, la Chambre des représentants a élu son président, Habib El Malki. Le lendemain, les groupes parlementaires étaient en place, le bureau et les commissions élus. Le surlendemain, la commission des affaires étrangères, puis la Chambre des représentants adoptaient à l’unanimité le projet de loi numéro 01.17 pour l’approbation de l’Acte constitutif de l’UA, dit de Lomé, ainsi que ses amendements. La Chambre des conseillers en a fait autant.

Le sens du timing

S’il y a urgence, c’est que la conjoncture est propice au retour du Maroc. “L’admission est décidée à la majorité simple des États membres”, dispose l’article 29 de l’acte de Lomé. Ni tambour ni trompette, “la décision de chaque État membre est transmise au président de la commission qui communique la décision relative à l’admission à l’État intéressé, après réception du nombre de voix requis”, précise encore le texte. La présidente de la commission, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini Zuma, a un certain temps bloqué la demande écrite du Maroc, transmise en septembre dernier. Après intervention du président de l’UA, le président tchadien Idriss Déby, le document circule finalement sur le continent depuis début novembre. En 1984, 35 pays préféraient compter le Polisario au sein de l’UA plutôt que le Maroc. Lors de la 27e session, à Kigali (Rwanda), 28 membres de l’UA ont signé une motion pour demander le départ (l’exclusion ?) de la RASD. Aujourd’hui, ce pourrait être plus d’une quarantaine de pays qui seraient favorables au retour du Maroc. Ils exprimeront leur position officielle le 30 janvier, à huis clos, en ouverture de la 28e réunion ordinaire de la conférence de l’UA à Addis Abeba. Les adversaires du Maroc, de moins en moins nombreux, tentent toujours de faire valoir des arguments juridiques pour retarder son retour. Ce devrait néanmoins être le couronnement des actions de la diplomatie marocaine, engagées depuis le constat d’échec de la politique de la chaise vide.

Coup de pied dans la fourmilière

On ne se rend pas chez son grand-père que l’on a boudé depuis 32 ans, en conditionnant sa venue au bannissement d’une pièce rapportée que l’on ne peut pas supporter, mais qui n’a pas manqué une réunion de famille, et dont le grand frère régale les convives. De même, le Maroc n’a pas demandé le départ de la RASD dans sa requête d’adhésion à l’UA. En revanche, il ne fait aucun doute que l’objectif à moyen, voire à court terme, est d’obtenir l’exclusion du Polisario. La diplomatie marocaine se dit désormais persuadée que si le conflit du Sahara est réglé au sein de l’UA, il sera réglé aux yeux du monde. C’est que le poids de l’Union africaine et son intégration dans les instances internationales ne sont plus les mêmes qu’il y a 30 ans. Or, pour régler la question au sein de l’institution, il peut être intéressant d’y placer ses pions, ou en tout cas de ne pas abandonner des postes clés à des pays hostiles. Typiquement, le commissaire à la paix et la sécurité de l’UA, Smail Chergui, est algérien. Nkosazana Dlamini Zuma occupait le poste avant de devenir présidente de la commission. Le Conseil de la paix et de la sécurité (CPS) est l’organe décisionnel permanent de l’UA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. C’est lui qui a nommé le Mozambicain Joaquim Alberto Chissano comme envoyé spécial de la présidente de la commission pour le Sahara occidental en juin 2014.

Au sein de l’organisation panafricaine, le Maroc aura plus que jamais son mot à dire. En jouant les bons élèves jusque-là, le 29e sommet en juillet pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase plus offensive. D’autant que par sa contribution financière, il pourrait très vite devenir un membre incontournable. Le barème de la conférence prévoit que les États membres participent au budget de l’UA “à hauteur de leur capacité de paiement”. Sauf pour les cinq premières puissances économiques qui, elles, supportent 60% du budget à parts égales. Avec 105,1 milliards de dollars de PIB en 2015, selon le FMI, le Maroc était la sixième économie africaine derrière le Nigéria, l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Algérie et l’Angola. Le véritable objectif à court terme est d’intégrer le top 5. Le budget 2016 de l’Union africaine s’élevait à 417 millions de dollars, dont 170 millions apportés par les États membres, et 247 millions par les partenaires internationaux.

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