Le conseil de gouvernement qui s’est déroulé le 9 janvier était consacré à l’examen du retour du Maroc au sein de l’Union africaine qui devrait être entériné par un vote de l’assemblée générale de l’organisation panafricaine réunie les 30 et 31 janvier.
Si l’offensive diplomatique marocaine a réussi à convaincre les deux tiers du continent (le Maroc a obtenu le soutien de 38 des 54 membres de l’UA), le royaume fonctionne aussi sans gouvernement ni parlement depuis trois mois. Cela peut-il ralentir ou handicaper son retour au sein de l’institution ?
Qui est responsable des engagements internationaux du Maroc ?
La question s’est déjà posée lors de la tournée africaine de Mohammed VI fin 2016 et lors de laquelle une dizaine de conventions internationales ont été signées par les ministres du gouvernement sortant, censés gérer les affaires courantes seulement.
L’expédition des affaires courantes, si elle est précisée par la loi organique relative à la conduite des travaux du gouvernement, suscite de multiples débats parmi les juristes quant à sa substance: qu’est-ce qui est affaire courante et qu’est-ce qui ne l’est pas?
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La signature et la ratification des traités internationaux sont des prérogatives royales, selon les dispositions de l’article 55 de la constitution. Ce point figure d’ailleurs l’ordre du jour du Conseil de gouvernement tenu le 9 janvier à Rabat, et du Conseil des ministres prévu le 10 janvier à Marrakech. Présidé par le roi, ce dernier Conseil devrait examiner le projet de loi 01-17 relatif au retour du Maroc à l’UA.
Passage obligé par le parlement… qui ne siège pas encore
Les accords engageant les finances de l’Etat nécessitent l’approbation du parlement. C’est bien évidemment le cas pour l’adhésion du Maroc à l’Union africaine, dont le budget est fourni par les Etats-membres. Or, dans l’attente de la constitution d’une majorité parlementaire et d’un gouvernement par Abdelilah Benkirane, le parlement ne siège pas. Il n’est donc pas en mesure d’accomplir le travail législatif qui débloquerait la situation. « L’absence de gouvernement ne devrait pas poser de problème, à condition que le parlement siège« , précise le constitutionnaliste Mustapha Sehimi.
Des appels ont d’ailleurs été lancés par plusieurs députés et formations politiques pour former les instances et les commissions du parlement afin de démarrer le travail législatif, victime collatérale du blocage gouvernemental.
En effet, l’un des points d’achoppement dans les négociations menées par Abdelilah Benkirane concerne la composition des instances du parlement. La présidence de ce dernier, ainsi que la composition des commissions qui y siègent continuent de diviser les partis politiques. La nécessité d’adopter toute loi en commission avant de la faire passer en séance plénière exclut donc la convocation d’une session extraordinaire comme le prévoit la constitution.
Mehdi Bensaid, membre du PAM (opposition), ancien député et président de la commission parlementaire des Affaires étrangères, abonde dans ce sens. « Il faut que la loi passe à la fois par la commission et par l’assemblée plénière pour acter définitivement l’entrée du traité dans l’ordre législatif interne. Il est donc nécessaire de constituer le parlement et ses instances. Il peut y avoir – et il y a dans d’autres pays – une crise gouvernementale sans que cela n’influe sur le travail du parlement, d’autant que le retour du Maroc au sein de l’Union africaine est un sujet qui rassemble au-delà des clivages partisans », détaille-t-il.
Peut-on donc parler d’une course contre la montre, à moins de trois semaines de la grand-messe africaine à Addis-Abeba? « L’intégration du traité dans l’ordre législatif interne ne devrait être qu’une formalité. Il s’agira sans aucun doute du premier projet de loi examiné et adopté par les députés lors de cette législature« , nous explique Mustapha Sehimi.
De même, pour Mehdi Bensaïd, si le parlement n’est pas constitué et en mesure d’adopter la loi d’ici le début du sommet de l’UA, « cela ne fera que reporter de quelques mois son adoption dans l’ordre juridique interne. L’adhésion à l’UA et ses instances est aussi un processus politique. Cependant, il est souhaitable que la situation se débloque rapidement afin que la diplomatie marocaine puisse investir les instances administratives de l’Union ».
Comment se déroule l’adhésion à l’Union Africaine ?
L’adhésion à l’Union africaine est un processus en 3 étapes, nous explique Mustapha Sehimi. « La première étape est une étape politique. Le Maroc a déclaré son intention de revenir au sein des instances africaines à travers le discours du roi à Dakar à l’occasion de la fête du Trône ». Suit une deuxième étape, procédurale, « effectuée le 23 septembre lorsque Taïeb Fassi-Fihri et Salaheddine Mezouar ont remis à Mme Zuma la demande d’adhésion du Maroc, qui est actuellement instruite par les Etats-membres ». Une fois cette démarche effectuée, le retour du Maroc au sein de l’Union africaine doit ensuite être examiné devant l’assemblée de l’institution panafricaine et recueillir la majorité des votes des Etats-membres lors du sommet qui se tiendra les 30 et 31 janvier à Addis-Abeba.
Le Maroc est l’un des rares Etats à ne pas être intégré dans son espace institutionnel continental. Alors que l’offensive diplomatique marocaine en direction du reste de l’Afrique est une réussite, son retour au sein de l’institution panafricaine ne semble plus être qu’une question de semaines. C’est alors une politique de la chaise vide, adoptée depuis 33 ans, qui prendra subitement fin.
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