Ce 26 décembre s’est ouvert, devant l’annexe de la cour d’appel de Salé, la première audience du procès des événements sanglants de Gdim Izik qui avaient endeuillé la ville de Laâyoune avant six ans. Aux abords du tribunal, deux groupes de manifestants se faisaient face, départagés par un cordon sécuritaire. Des éléments des Forces auxiliaires et plusieurs policiers séparaient les dizaines de proches des détenus qui criaient des slogans hostiles à la justice marocaine et un autre groupe, essentiellement composé de proches des victimes. Une ambiance tendue qui traduit l’extrême sensibilité du procès. À l’intérieur du tribunal, les vingt-trois prévenus sahraouis se tenaient assis, séparés par un box en verre de la centaine d’avocats venus au procès. Avocats, observateurs et journalistes étrangers, menus de casques de traduction, suivaient de très près les plaidoyers des deux bords.
À l’issue de cette audience qui a duré trois heures, la chambre criminelle près l’annexe de la cour d’appel de Salé a décidé le report au 23 janvier 2017 de l’examen de l’affaire. Un report motivé par la décision des juges de permettre à la défense de préparer sa plaidoirie, par la convocation de Mohamed Ayoubi, seul prévenu poursuivi en état de liberté et par l’examen de la requête liée au droit des familles des victimes de se constituer partie civile.
Outre l’aspect médiatique et sensible de l’affaire, cette audience revêt également un caractère symbolique, car elle incarne la fin des tribunaux d’exception. Cette première séance intervient donc après l’annulation par la cour de cassation des jugements précédemment émis par le tribunal militaire de Rabat, qui avait condamné les personnes poursuivies des peines allant de 20 ans de prison ferme à des peines de prison à vie. L’ouverture de ce procès intervient après la réforme de loi relative à la justice militaire entérinée en mars 2015 par le Parlement. En vertu du nouveau texte, les civils ne pourront plus être jugés par un tribunal militaire, à moins que leurs crimes ne se soient commis en temps de guerre.
Cette première séance s’est déroulée sous la présence massive des forces de l’ordre au moment où les familles des victimes et celles des prévenus ont emprunté deux portes différentes pour accéder au tribunal. Des slogans politiques ont été entonnés par les proches des prévenus. « Pas de légitimité pour les tribunaux marocains », criait l’un d’eux. À l’extérieur de la cour, les familles des victimes ont mis en garde contre « la politisation du dossier », tout en appelant à ce que justice soit faite concernant leurs proches qui ont perdu la vie lors de ces événements.
Plusieurs avocats ainsi que des personnalités politiques ont également pris part au procès, à l’instar des avocats Abdelkabir Tabih (USFP), Abdellatif Ouahbi (PAM), Abdellatif Ouammou (PPS) et Abdessamad Idrissi (PJD). Tous sont venus défendre les familles des victimes.
« L’audience s’est déroulée dans des conditions normales. Toutes les parties ont bénéficié du même traitement. Concernant la constitution de partie civile, le tribunal ne s’est pas encore prononcé », a déclaré Abdellatif Ouahbi. Se constituer partie civile pourrait être un des acquis des familles des victimes depuis que le procès a été renvoyé en civil. Une procédure qui a suscité de vifs débats entre ces familles et la défense. Le procès a, quant à lui, été ouvert aux journalistes, suscitant l’ire d’un des prévenus qui s’en est plaint aux juges, les séances étant habituellement interdites d’être filmées. Ce dernier à rétorqué que « la transparence du procès constitue un gage pour son bon déroulement ».
Pour rappel, les incidents de Gdim Izik remontent aux mois d’octobre et novembre 2010 lors du démantèlement du camp éponyme, avaient fait onze morts dans les rangs des forces de l’ordre, dont un élément de la Protection civile, ainsi que 70 blessés parmi les forces de l’ordre et quatre civils. Des dégâts matériels dans les établissements publics et les biens privés ont été également constatés.
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