À la fin de sa mission qui l’a conduit au royaume du 16 novembre au 1er décembre, le Fonds monétaire international (FMI) a dressé les priorités pour l’économie marocaine. Parmi les points évoqués, l’institution financière a noté la vulnérabilité des banques marocaines au risque de concentration des crédits bancaires et réitéré ses inquiétudes quant aux risques associés à l’expansion des banques marocaines en Afrique . Une observation elle avait déjà formulée en février 2015.
Une crainte également exprimée par Abdellatif Jouahri, le wali de Bank Al-Maghrib (BAM) en mai 2015, lors d’une réunion avec les patrons de BMCE Bank, d’Attijariwafa bank et de la Banque populaire, pour les inciter à plus de vigilance. Jouahri a attiré l’attention sur l’expansion effrénée des banques marocaines sur le continent, qui peut conduire à des risques systémiques et a appelé à renforcer les positions des institutions financières dans les filiales africaines déjà existantes au lieu de s’implanter dans d’autres pays. Autrement dit, la forte exposition des établissements de crédit en Afrique pourrait donner lieu à une sous-capitalisation.
Convertibilité des monnaies et instabilité politique
« Je dirais qu’il y a quatre niveaux de risques majeurs » lance d’entrée Hicham Bensaid, directeur du département Risques d’Euler Hermes Acmar, contacté par Telquel.ma. L’un des risques est lié à la convertibilité des monnaies et plus précisément la perte de la valeur de certaines monnaies africaines. « On peut penser, par exemple, au naira nigériane, au cédi ghanéen, au rand sud-africain ou encore au dinar tunisien qui ont subi des pertes de valorisation du fait du choc des prix des matières premières (or, platine, pétrole, etc.) » nous explique Hicham Bensaid.
Autre risque évoqué : l’environnement global des affaires. Dans le dernier rapport Transparency International sur la corruption dans le monde, plusieurs pays africains dont le Congo, Madagascar, Guinée, RDC mais aussi le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui sont les locomotives du continent, n’ont connu aucune amélioration dans ce domaine. De même, selon le rapport Doing Business de la Banque mondiale qui mesure la qualité de l’environnement des affaires, les pays africains anglophones sont plus favorisés que les francophones où les banques marocaines sont les plus présentes, car il leur est plus facile de créer des entreprises, de dédouaner leurs importations et d’obtenir le paiement de leurs créances. « Certes, il y a du potentiel dans ces pays, mais l’environnement des affaires y reste très perfectible » nous explique le directeur du département risques d’Euler Hermes.
Toujours en ce qui concerne les risques liés à l’implantation des banques marocaines dans les pays africains, l’instabilité politique est pointée du doigt. « Malheureusement, le continent est connu pour les coups d’État et les putschs plus ou moins déclarés, qui peuvent affecter les investissements des banques » indique notre source.
Le risque du marché, qui est « intrinsèquement lié à toute activité financière » a été également évoqué. Ce risque n’est cependant pas imputable aux seuls pays africains. « Il existe [le risque, NDLR] en Suède, en Suisse ou en France. Il s’agit des pertes qui peuvent résulter des fluctuations des prix, des instruments financiers qui composent un portefeuille. Il peut porter sur le cours des actions, les taux d’intérêts etc. » nous décrit Bensaid.
Accepter « de perdre de l’argent au début »
Plusieurs solutions sont envisageables pour mieux cerner l’environnement et les risques dans ces pays, selon le responsable de l’institution spécialisée dans les solutions d’assurance-crédit. Il faut, selon lui, développer « une diplomatie politico-économique qui permet de mieux connaître ces pays et de rassurer les investisseurs, notamment via les ambassades du Maroc sur place et les déplacements royaux en Afrique. »
De même, pour lui, les banques marocaines doivent aussi aller dans ces pays « avec la volonté de découvrir et de perdre un peu d’argent au début pour mieux en gagner par la suite ». « Il est quasiment impossible de pénétrer un marché sans accepter de perdre de l’argent au début surtout une institution financière », précise-t-il.
Enfin, il préconise « un lobbying de la part des grands groupes marocains » pour que leurs investissements soient protégés dans ces pays
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