À la surprise générale, le roi Mohammed VI a annoncé, le 12 décembre, une nouvelle opération massive de régularisation des migrants sans-papiers. À l’image de la campagne exceptionnelle qui avait permis la régularisation de 25 000 migrants en 2014, la nouvelle opération devrait se dérouler sur le même modèle et sera immédiatement lancée, même si le nombre exact de migrants concernés n’a pas encore été révélé. En attendant des informations officielles, Telquel.ma fait le point sur la politique migratoire du Maroc
1- Combien de sans-papiers reste-t-il au Maroc ?
Actuellement, il est difficile d’estimer le nombre migrants en situation irrégulière. Ils étaient quelque 35 000 personnes avant la première opération de régularisation. 25 000 parmi eux ont obtenu un titre de séjour. Aujourd’hui, ils sont estimés « entre 10 000 et 15 000 personnes en situation irrégulière, si on ajoute les migrants arrivés sur le territoire après la fin de la première opération et ceux qui étaient présents sur le territoire mais qui ne se sont pas présentés » détaille Hicham Rachidi du Gadem (groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants).
2- Nouvelle régularisation, quand et comment ?
Le terme « immédiat » utilisé par le roi Mohammed VI montre l’urgence de cette nouvelle phase de régularisation. « Cela pourrait même ne pas attendre la formation du nouveau gouvernement » nous explique Hicham Rachidi.
Le début de la nouvelle campagne se ferait donc sans délai. « Théoriquement, la logistique est toujours là parce que les bureaux des étrangers qui ont été mobilisés pour la première phase, [83 bureaux sur tout le territoire national], seront réactivés rapidement », explique la même source.
Pour ce qui est des conditions préalables, aucun changement ne devrait être noté puisque la Commission nationale chargée de la régularisation et l’intégration des migrants a annoncé que la nouvelle régularisation « se déroulera selon les mêmes conditions que la première phase, qui avait concerné environ vingt-cinq mille personnes ».
3- Le Maroc, seul pays du sud à adopter cette politique
En décidant de régulariser la situation de 25 000 migrants sans-papiers en 2014, le Maroc est devenu le seul pays du sud à avoir opté pour une telle démarche. L’Espagne avait également adopté cette politique en 2005 en régularisant près de 700 000 étrangers, parmi lesquels des Équatoriens (20,33 %), des Roumains (17,22 %), des Marocains (12,51 %) et des Colombiens (8,24 %).
4- Deux régularisations exceptionnelles, deux contextes
La précédente régularisation a été annoncée suite à des rapports critiques d’ONG sur la politique migratoire au Maroc, mais aussi suite à des fais divers qui avaient entraîné une polémique sur une montée des violences à l’encontre des migrants subsahariens. Le Gadem avait, à plusieurs reprises, déploré une « pratique persistante de la répression à l’encontre des populations migrantes, engendrant des drames humains, des morts chaque année, des violations des droits les plus élémentaires ».
Pour cette deuxième opération, un autre élément de contexte régional domine l’actualité. L’Algérie voisine a mené la semaine dernière une vague d’arrestations sur son sol visant des migrants subsahariens. Plus de 260 Maliens, expulsés d’Algérie lors d’une vaste opération visant des migrants africains, sont arrivés à Bamako dans la nuit du 11 au 12 décembre, et un grand nombre ont accusé les forces de sécurité algériennes de violences, selon l’AFP. France 24 parle d’une « chasse à l’homme noir ».
5- Bilan chiffré de la première campagne
En 2014, sur 28 000 demandes, 25 000 personnes ont été régularisées. « Les autorités ont donné une suite positive à 85,53 % des 27.649 demandes de régularisation déposées », selon un document publié en septembre 2016 par le ministère chargé des MRE et des Affaires de la migration.
Cette démarche concerne principalement les Sénégalais, qui représentent près d’un quart des demandeurs (24 %), suivis des Syriens (19 %), des Nigérians et des Ivoiriens (16 %), la plupart de ceux qui ont reçu leur cartes de séjour sont originaires, par ordre d’importance, de Syrie, du Sénégal, de la République démocratique du Congo (RDC) et de Côte d’Ivoire. Rabat est la ville qui a enregistré le plus de demandes, avec plus de 8 400 dossiers déposés.
6- Les enseignements tirés de la première campagne
Durant la première phase, Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l’Homme, avait relevé les différentes défaillances de l’opération. Parmi celles-ci, figurent « la difficulté de prouver la durée du séjour pour bon nombre d’immigrés ou encore leur lien de mariage avec les Marocain(es) ». Autre point ayant entravé le bon déroulement de l’opération, la différence d’appréciation « des pièces justificatives d’un bureau d’étrangers à l’autre ».
De même, certains bureaux ont adopté une large souplesse concernant les pièces justificatives, alors que d’autres étaient plus exigeantes. Une commission avait été mise en place en 2015 pour procéder à l’examen de plus de 8 000 demandes qui avait reçu un avis défavorable dans le cadre de cette opération.
La commission était composée du ministère chargé des MRE et des affaires de la migration, du ministère de l’Intérieur, du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l’Emploi, de la délégation interministérielle aux droits de l’Homme, d’acteurs associatifs et d’autres personnalités. Suite à l’examen des demandes rejetées, « il y a eu la présentation d’une requête pour assouplir les critères pour les personnes dont les demandes ont été rejetées en première instance » expliquait Hicham Rachidi en octobre 2015 à Telquel.ma
7- Ce que prévoit la société civile pour la prochaine campagne
Au sein de la société civile, l’on espère que la priorité sera donnée à environ 4 000 personnes, dont la demande a été rejetée lors de la première opération de régularisation. « Ils rentreront ipso facto dans la deuxième phase de l’opération de régularisation, encore faut-il que les personnes concernées soient encore installées au Maroc » précise Hicham Rachidi du Gadem.
Selon ce dernier, la société civile suggérera « la régularisation des migrants qui ne s’étaient pas présentés lors la première phase de régularisation en prétextant qu’il s’agit d’un piège ou d’un moyen pour les autorités de [les] localiser ». S’il est difficile d’estimer leur nombre, le responsable associatif estime qu’ils seraient « près de 10 000 personnes ».
Seront concernées également les personnes « rentrées irrégulièrement au Maroc après la fin de la première campagne, soit à partir de 2015 mais aussi celles ayant des difficultés à renouveler leur titres de séjour » note Rachidi. « Les régularisations doivent également s’accompagner de politique de la ville et de l’emploi pour favoriser l’intégration une fois ces personnes régularisées », a-t-il ajouté.
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