Depuis plusieurs semaines, l’Algérie a lancé une véritable offensive diplomatique vers les pays du Golfe alliés traditionnels du Maroc. Le premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal s’est rendu, le 15 et 16 novembre en Arabie saoudite accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires algériens. Durant cette visite, qu’il a qualifiée de « succès », le responsable algérien a rencontré le roi Salmane ainsi que plusieurs ministres et hauts responsables. « Nous allons, avec nos frères saoudiens, vers des relations stratégiques qui nous permettent de préserver nos intérêts mutuels et de défendre l’islam, dont certains veulent ternir l’image » a déclaré Sellal, rapporté par Radio Algérie. La visite algérienne au pays des al-Saoud s’est conclue par la signature d’un mémorandum d’entente commercial et a permis au président du Forum des chefs d’entreprises algérien, Ali Haddad, d’emprunter un discours entendu ailleurs : « L’Algérie est la porte de l’Afrique. Nous pouvons par conséquent élaborer des investissements communs en Afrique ».
Coopération sécuritaire
Après Abdelmalek Sellal, c’est le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, qui s’est rendu dans quatre autres pays du Golfe à savoir Oman, les Émirats arabes unis, Bahreïn ainsi que le Qatar. Dans ces différents pays, l’Agence de presse officielle algérienne, APS, a annoncé des partenariats « dans divers domaines », et signalait la volonté du pays de coopérer au niveau sécuritaire et en matière de lutte contre le terrorisme dans la région.
Lors de l’étape qatarie de cette tournée, le Premier ministre et ministre de l’Intérieur qatari, Cheikh Abdallah Benacer al-Thani, a assuré qu’il comptait « œuvrer à la consolidation de la coopération et du partenariat entre l’Algérie et le Qatar dans les secteurs public et privé […] avec d’autres pays amis notamment africains ».
Positions divergentes
Le Maroc a-t-il à s’inquiéter de cette offensive algérienne ? « La stratégie de l’Algérie manque de cohérence » pointe El Hassan Boukentar, professeur de droit international à l’Université Mohammed V de Rabat. En effet, le voisin de l’Est diverge sur de nombreux points avec les pays de la région puisqu’il ne participe pas à la guerre au Yémen. Il a, aussi, maintenu ses relations diplomatiques avec le régime de Bachar El Assad, tout en refusant de considérer le Hezbollah comme une organisation terroriste. Des positions qui sont opposées à celles adoptées par les pays du Golfe et le Maroc.
Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI), estime que les monarchies du Golfe ont plus besoin du Maroc que de l’Algérie d’un point de vue politique. « Depuis le printemps arabe, les monarchies se sont senties menacées ». Une menace qui, selon lui, explique la proximité entre les pays du Golfe et le Maroc ainsi que la prise de position du royaume en faveur du Bahreïn suite à des tensions entre le petit pays insulaire et l’Iran. « Il existe une solidarité entre les monarchies arabes, il n’y pas de souci à se faire dans ce sens pour le Maroc » conclut le président de l’IMRI.
Crise algérienne
« À moins que la situation de blocage politique liée à la maladie du président donne lieu à un changement politique brutal qui ne rentre pas dans la logique politique, je vois mal comment l’Algérie pourrait aujourd’hui engager, sans avoir les mêmes options politiques ni une stratégie globale, une offensive susceptible de contrecarrer le Maroc » estime, pour sa part, El Hassan Boukantar.
L’offensive diplomatique d’Alger semble plus se baser sur des considérations internes que de politique internationale. « Face à la crise à laquelle elle fait face avec la dégringolade des prix du pétrole, l’Algérie peut-elle se targuer d’avoir les moyens pour mener sa stratégie ? À moins de donner une illusion de contrecarrer l’offensive marocaine qui se base, elle, sur des réalisations ». À Alger, les hydrocarbures représentent 96 % des exportations, près de la moitié de son PIB et 60 % des recettes budgétaires de l’État. Ces recettes ont été sérieusement affaiblies, de l’aveu même d’Ahmed Ouyahya, conseiller personnel et directeur du cabinet du président Abdelaziz Bouteflika, qui a déclaré à la presse que depuis la baisse des prix du pétrole en juin 2014, « les recettes du pétrole ont diminué de 67 à 27 milliards de dollars ».
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