De quoi sera fait le bâtiment de demain ?

Au lendemain de la COP22, les professionnels du bâtiment tentent de trouver des alternatives écologiques.

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Le projet d'éco-village d'Amizmiz, aux environs de Marrakech, veut construire une ville entièrement en terre crue. Crédits : page web d'Earth Developement.

Avec 25 % de la consommation énergétique totale du pays, le bâtiment représente l’un des secteurs les plus énergivores au Maroc, selon les chiffres de l’Agence nationale pour le développement de l’énergie renouvelable et de l’efficacité énergétique au Maroc (ADEREE). Le secteur du BTP est donc directement concerné par les nouveaux enjeux environnementaux. Le béton est particulièrement pointé du doigt pour sa forte consommation en énergie à la fabrication et de ses mauvaises performances thermiques.

En réponse à ce problème, certains groupes se mettent au green-building qui intègre des méthodes de construction durable. Le constructeur doit utiliser des matériaux et des techniques qui ont un faible impact sur l’environnement et la production de déchets. Cela nécessite donc d’imaginer les répercussions qu’auront la construction mais également l’utilisation et la déconstruction du bâtiment. Le green-building est donc construit avec des matériaux naturels.

L’alternative de la pierre ponce

C’est ce que propose le groupe Menara Holding à travers sa filiale Menara Ponce. L’idée ? Utiliser la pierre ponce comme matériau de construction. Importée directement de Turquie, de Grèce et d’Italie mais transformée au Maroc, cette pierre volcanique est « très légère » et « naturellement isolante », explique Jean Charles Damblin, directeur gestion des projets de Menara Holding : « Un parpaing en pierre ponce pèse deux fois moins lourd qu’un parpaing en béton. Tous les calculs concernant la fondation du bâtiment seront donc réduits en conséquence, rendant le bâtiment plus léger et donc moins énergivore à la production», ajoute-t-il.

D’autre part, contrairement aux isolants vendus sur le marché aujourd’hui, dont le traitement au four consomme beaucoup d’énergie et pollue, la pierre ponce a une qualité isolante naturelle répondant à la réglementation thermique de construction marocaine : « Elle a une très bonne inertie thermique, c’est-à-dire qu’elle conserve la chaleur en hiver et la fraîcheur en été sans besoin de chauffage ou de climatisation », souligne Jean-Charles Damblin. Si le bloc de pierre ponce est plus onéreux qu’un bloc béton standard, la différence est vite rattrapée par cette économie réalisée sur les isolants, note l’expert.

Des casbahs en terre crue

Or la pierre ponce, bien qu’elle soit transformée localement, nécessite d’être importée ce qui engendre une consommation supplémentaire d’énergie. C’est pourquoi certaines entreprises marocaines ont songé à utiliser des matériaux naturels locaux. C’est le cas du projet d’éco-village d’Amizmiz, une petite ville située au sud-ouest de Marrakech. L’éco-cité est construite uniquement en pisé, un système constructif à base de terre crue. « C’est un matériau recyclable à l’infini qui ne nécessite aucune consommation d’énergie liée au transport, puisqu’il se trouve en abondance directement sur le site », explique Mohamed Oussama, président d’Earth Developement, une entreprise marocaine spécialisée dans la construction durable, qui pilote le projet. Tout comme la pierre ponce, la terre crue a également une très bonne inertie thermique.

L’équipe projette de construire 3 000 logements, dont des R+2 sous forme de casbah, construits uniquement à partir de ce matériau technique de la terre comprimée. Selon le directeur, les marocains et les gens en général ont tendance à dénigrer ces techniques traditionnelles de construction au profit de techniques plus modernes, comme le béton « qui a l’air plus solide en apparence mais qui pollue surtout beaucoup plus ». Et d’ajouter : « Avec ce projet, on veut prouver aux gens qu’on peut avoir des hauteurs importantes avec des matériaux de construction locaux et totalement recyclables ».

Pour Mohammed El Anbassi, architecte et co-fondateur de l’association éco-construction et architecture durable, cette sensibilisation du grand public n’est pas possible sans la participation de l’État, dont il juge l’engagement « quelque peu hypocrite »« Le ministre de l’Habitat félicite les grands projets d’éco-cités, comme ceux de Zénata et Ben Guerir. Mais ces projets n’ont rien de durable. Ils sont fait à partir de matériaux qui consomment énormément d’énergie à la production, comme les isolants par exemple». Pour lui, l’État ne doit pas réglementer l’efficacité énergétique mais les matériaux de construction eux-mêmes : « La réglementation thermique actuelle oblige les constructeurs à utiliser des isolants. Voilà ce qu’il faut modifier! Mais ça ne sera pas possible tant que l’État sera dépendant du puissant lobby industriel, qui n’a aucun intérêt économique à ce que des projets comme celui-ci se généralisent », a-t-il conclu.

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