Les relations tumultueuses de Fidel Castro avec le Maroc

Ami de Mehdi Ben Baraka, parrain de la gauche marocaine, et allié de l’Algérie,… Les relations de Fidel Castro avec le Maroc n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille.

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« Le commandant en chef de la révolution cubaine est décédé à 22 h 29 ce soir », a annoncé la mine dépitée, Raul Castro, président de Cuba, sur l’antenne de la télévision nationale, dans la soirée du vendredi 25 novembre. Raul Castro avait succédé à son frère au pouvoir en 2006. À l’âge de 90 ans, la figure de la révolution cubaine a rendu l’âme, paisiblement, à La Havane après avoir survécu à pas moins de 600 tentatives d’assassinat, notamment de la part de la CIA. Le Conseil d’État, organe suprême de l’exécutif cubain, a décrété neuf jours de deuil national, jusqu’au 4 décembre. Pendant cette période cesseront les activités et spectacles publics et le drapeau national sera mis en berne. Les cendres de Fidel Castro seront enterrées le 4 décembre prochain à Santiago de Cuba, ville de l’Est et berceau de la révolution, après une procession de quatre jours à travers l’île.

L’allié de l’Algérie

Avec la mort du « Líder Máximo », une page de l’histoire de Cuba se tourne. « Castro était un homme d’une grande popularité au Maroc grâce à la révolution cubaine contre le régime du général Batista en 1959 », souligne Mohamed El Yazghi, l’ancien premier secrétaire de l’USFP. Il ajoute : « avant 1963, les relations diplomatiques avec Cuba ont été bonnes. Rappelons que le Maroc avait accepté de maintenir la ligne d’aviation qui va de Moscou et passe à Rabat pour aller à La Havane contrairement à l’embargo américain. Aussi, le royaume était fournisseur de Cuba en céréales».  Mais à partir de 1963, rappelle El Yazghi, les relations de Fidel Castro avec les officiels Marocains se sont détériorées lorsque Cuba a basculé du côté des Algériens. « À cette période, le général algérien Ben Bella entretenait une relation très forte avec Fidel Castro. Le père de la révolution cubaine a donc décidé d’apporter son soutien militaire à l’Algérie dans son conflit avec le Maroc », explique Mohamed El Yazghi.  Lors de la guerre des Sables qui a opposé en 1963 le Maroc à l’Algérie de Ben Bella, « Líder Máximo » avait apporté son aide militaire et logistique à l’Algérie (voir vidéo). Pour sa part, Mustapha Brahma, secrétaire général du parti Annahj Addimocrati explique les raisons de ce soutien : « cela a été fait pour des raisons idéologiques. L’Algérie venait d’acquérir son indépendance avec un mouvement de libération incarné par le Front de Libération. La guerre a été vue comme une agression un pays gouverné par un mouvement de libération. Tous les partis communistes et les partis de gauche ont été à cette époque du côté de la jeune Algérie ».

Ben Barka, l’éternel camarade

Pour sa part, l’historien et chercheur Hossab Hab raconte, « en 1965, Fidel Casto avait proposé à Mehdi Ben Barka, leader de la gauche marocaine, d’être l’organisateur et le président de la conférence tricontinentale qui allait réunir l’Afrique, l’Asie et l’Amérique Latine ». Et même si la conférence a bien eu lieu en janvier 1966, l’absence de Ben Barka a limité la portée de cette conférence, qui n’a pas eu le succès escompté. El Yazghi en témoigne, «j’étais invité à La Havane pour participer à l’anniversaire de la révolution. La réunion a été tenue, mais elle ne pouvait pas aboutir». Depuis cette date, Fidel Castro tient pour responsable le régime marocain de la mort de Ben Barka. Le Parti communiste de Cuba, dont le premier secrétaire général était Fidel Castro, a, d’ailleurs, pour tradition d’observer une minute de silence à la mémoire de Ben Barka lors de ses congrès.

Le soutien de Fidel à l’Algérie n’a pas pour autant ébranlé l’estime qu’il a auprès de la gauche marocaine. «Il sera resté toute sa vie fidèle à ses principes, défenseur infatigable de l’indépendance de son pays et de la liberté de son peuple et solidaire avec fougue de la cause des peuples démunis à travers le monde. Il restera pour nous un grand militant dont nous regretterons seulement ses positions erronées sur la cause nationale du peuple marocain pour le parachèvement de son intégrité territoriale», a déclaré Nabil Benabdellah, secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) sur sa page facebook  en présentant « ses condoléances les plus attristées et celles du PPS  au peuple cubain ».

Le Sahara, pomme de discorde

Le regret de Benabdellah est partagé par tous les politiciens marocains. Selon nos interlocuteurs, l’erreur la plus grave de Cuba reste son manque à l’appel du royaume lors de sa récupération de Sakia El Hamra et Oued Addahab en 1965. « C’était une faute grave de la part de Cuba de ne pas soutenir le peuple marocain pour retrouver son unité territoriale. Depuis les relations officielles se sont détériorées » , regrette également Mohamed El Yazghi.  Cuba de Fidel Castro avait même reconnu l’autoproclamée RASD (République arabe sahraouie démocratique) en 1980. Dans le cadre de son internationalisation, le parti communiste cubain participait à la formation des étudiants du Polisario. Le parti communiste de Cuba qui dirige le pays depuis sa création en 1965 avait également ouvert ses universités aux jeunes cadres de la « RASD ». Mohammed El Yazghi affirme pourtant que : « le soutien de Cuba à la RASD n’est pas aussi systématique qu’auparavant. Ils sont aujourd’hui plus modérés vis-à-vis du Maroc. L’État cubain voit très bien que les pays qui soutiennent toujours la RASD ne sont plus que 14 au lieu de 86 nations auparavant ».

Après l’avènement au pouvoir de Raul Castro en 2006, Cuba tente de s’ouvrir davantage à l’international. « On espère que les relations diplomatiques entre le Maroc et Cuba reprennent. Cela nous aiderait à nouer à nouveau nos relations avec le parti communiste cubain », escompte Mustapha Brahma. Quelque soit les avis sur Fidel Castro, c’est bien un personnage qui a marqué l’histoire. Lors du tournage de son documentaire-portrait de Fidel Castro « Looking for Fidel » en 2004, le réalisateur américain Oliver Stone avait déclaré : « Vous pouvez le haïr, mais vous ne pouvez pas l’ignorer, Castro est une force de l’Histoire ».

 

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