« Le secteur artistique est foisonnant au Maroc, mais les jeunes artistes se retrouvent parfois bloqués par manque d’organisation dans la production » assène Manuèle Debrinat-Rizos, chargée des relations internationales à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre de Lyon en France, lors des États généraux de la culture organisés dans les anciens abattoirs de Casablanca du 10 au 12 novembre.
Des lacunes à combler
La politique culturelle du ministère de Mohammed Amine Sbihi a été de construire des infrastructures, qui se sont multipliées à travers le pays. « Le problème, c’est qu’il faut des gens pour gérer une équipe, construire une programmation et inviter des artistes » a souligné Manuèle Debrinat-Rizos. L’enjeu est maintenant de gagner en professionnalisme dans le montage et la conception de projets.
Pour Ijou Cheikh Moussa, professeure à l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (Isadac), il faut « non seulement connaître l’histoire de la culture marocaine, mais aussi les règles pour les droits d’auteurs et gérer un contrat juridique, entre autres ».
« Les Marocains qui sont dans le domaine de la culture ignorent comment lever des fonds et gérer les finances d’une entreprise culturelle » déplore un consultant français qui travaille au Maroc depuis plusieurs années. Des compétences qui existent dans de nombreux domaines, mais qui font défaut dans les milieux culturels. Certains vont donc les chercher à l’étranger.
Alors que les jeunes Marocains sont critiqués pour être habitués à attendre des financements directs de l’État, Manuèle Debrinat-Rizos les a appelés à créer leurs propres structures : « Il faut y aller ! Montrez que vous pouvez prendre de l’espace et vous détacher des grandes infrastructures institutionnelles. »
Créer son entreprise culturelle
Pour aider les jeunes à se lancer, un incubateur d’entreprises culturelles est en train de naître sous l’impulsion de l’association française AMI, en partenariat avec Racines et deux autres organisations du Liban et d’Afrique du Sud.
En France, ce concept existe à Marseille depuis déjà huit ans. « Près de cent très jeunes entreprises sont passées par notre incubateur. Pour les deux premières générations, on observe un taux de pérennité des projets de 70 % » détaille son fondateur, Ferdinand Richard, à Telquel.ma. L’objectif n’est pourtant pas de répliquer exactement le même modèle, mais bien de se rencontrer pour que chacun « organise son incubateur selon le contexte et les conditions économiques, politiques et culturelles propres à son pays » a-t-il précisé.
Au Maroc, l’incubateur devrait ouvrir ses portes en janvier 2017, « une fois que les financements seront confirmés » a expliqué El Mehdi Azdem, coordinateur du projet pour l’association Racines. « Nous allons non seulement offrir un espace de co-working, dont manquent les entrepreneurs culturels, mais nous allons aussi les aider sur les plans juridique, administratif et communicationnel » a ajouté celui qui désire réunir une dizaine de porteurs de projets culturels.
Se former en réseau
Cet incubateur est aussi l’occasion de s’ouvrir à des programmes étrangers et de se former en réseaux locaux et régionaux. Des réseaux qui manquent au Maroc. « J’ai le sentiment que l’avenir du pays est à trouver dans le continent africain » a lancé Ferdinand Richard. « Le Maroc ne doit pas toujours se tourner vers les États-Unis ou l’Europe où le marché est saturé. Il a un rôle à jouer en Afrique, et pour cela il faut créer des réseaux ». En plus de gagner en mobilité, des projets en commun sont réalisés et donc de trouver des financements communs afin de faire des économies d’échelle.
Les ateliers de travail avec le Liban et l’Afrique du Sud ont donc été prolongés de deux jours après les États généraux de la culture. Le but est de pouvoir tisser des liens forts avec le secteur culturel à Beyrouth et Johannesburg.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer