Faire la queue avant d’acheter son ticket. S’enfoncer dans un siège moelleux dans une salle bondée. Regarder les bandes-annonces avant d’être englouti par le noir et se laisser emporter dans une histoire. Sortir engourdi. Autant de petits plaisirs que les Marocains ont dû délaisser : ils sont près de 80 % à affirmer ne pas être allé au cinéma les douze derniers mois. « Ce n’est pas que le cinéma est boudé, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de salles » s’exclame Aadel Essaadani, coordinateur général de l’association Racines. « De plus de 300 salles au Maroc dans les années 80, on est à 30 salles actuellement. Dans certaines villes, les gamins n’ont jamais vu un cinéma de leur vie ! » s’inquiète-t-il.
Une étude réalisée par l’association Racines, qui se consacre au développement culturel au Maroc et en Afrique, décrypte les habitudes des Marocains, après avoir interrogé 1.237 personnes dans douze régions du Maroc. Les résultats sur la fréquentation des cinémas sont inquiétants.
Le nombre d’entrées au cinéma est en chute libre : Après 2,5 millions entrées en 2010, les cinémas n’en ont enregistré que 1,84 million en 2015, selon la Centre cinématographique marocain (CCM). Pas étonnant quand l’étude montre que seulement 2,3 % des Marocains sont allés plus de dix fois au cinéma l’année dernière. Plus de 70 % des Marocains ne savent pas s’il a des salles de cinéma à proximité de chez eux.
« Les autorités se sont concentrées sur la production et non pas sur la diffusion. Les salles n’ont pas été rénovées » signale Aadel Essaadani. Une commission a accordé 10 millions de dirhams pour rénover les cinémas..Une somme dérisoire selon le coordinateur de l’association, « alors que seul l’achat d’un projecteur numérique coûte un million de dirhams ».
Des disparités géographiques
Le manque d’infrastructures se ressent, surtout dans les régions isolées. Les habitants de la région de Tanger-Téouan-Al Hoceima sont ceux qui vont le plus au cinéma (1,19 personne de cette région est allée dans une salle). Vient après la région de Casablanca-Settat, avec une moyenne de 0,97 personne.
Toutefois, les habitants de Dakhla-Oued-Eddahab et Laâyoune-Saguia Al Hamra boudent complètement les salles obscures. Principal motif : la distance. 13,4 % ont affirmé qu’ils étaient au courant de l’existence d’une salle de cinéma à une distance de plus de 10 kilomètres ou 30 minutes de chez eux, contre 5 % à cinq minutes de chez eux. « Les grands complexes sont privilégiés, en dehors de la ville. En plus de payer son ticket, il faut donc prendre la voiture et le budget devient encore plus élevé », dénonce le responsable de l’association Racines.
Une sortie peu habituelle
Sortir le soir n’est pourtant pas une habitude qui effraie les Marocains. Mais ils ne sont que 1,4 % à consacrer leurs sorties le soir et en fin de semaine pour aller au cinéma.
Pour leurs sorties nocturnes, les Marocains préfèrent visiter leurs familles (20.8 %), leurs amis (19.4 %), se promener (16.4 %), aller au café (15.4 %) et pratiquer le sport (10.7 %). Pour regarder un film, il est alors plus simple de rester chez soi .
Le cinéma est surtout une activité de jeunes. Les 26-35 ans sont ceux qui vont le plus au cinéma. Ils sont plus d’un tiers à se déplacer jusque dans les salles, alors que les 56-65 ans ne sont que 1,9 %. « Le cinéma est un prétexte pour avoir un espace d’intimité pour les couples » estime Aadel Essaadani. Pour que le cinéma réintègre les habitudes des Marocains, il faudrait alors qu’ils aient accès à des infrastructures.
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