Combiner COP22, Affaires étrangères et RNI «c’était inhumain», affirme Mezouar

Salaheddine Mezouar s'explique sur son agenda de président de la COP22 et nous livre également son sentiment sur ses responsabilités en tant que ministre des Affaires étrangères.

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Salaheddine Mezouar © Yassine Toumi / TELQUEL

 

Vous êtes très pressé, mais prenez un peu de temps pour nous dire comment allez-vous, Si Mezouar.

Je vais très bien. Je suis très motivé parce qu’il y a un état d’esprit extraordinaire et une envie d’aller vite. Les négociateurs travaillent d’arrache-pied. L’Agenda de l’action est en train de mobiliser énormément. Les activités dans l’espace dédié à la société civile sont extrêmement riches.

L’innovation également : beaucoup d’initiatives, beaucoup d’idées. Les acteurs non étatiques sont en train de prendre une dimension extrêmement riche. Ladite dimension est importante pour accompagner la politique publique des États.

Les participants veulent que cette édition de la COP de Marrakech marque un point d’inflexion après l’entrée en vigueur de l’accord de Paris. Tout le monde a envie de voir des choses concrètes se développer dans quatre ou cinq volets essentiels : la question des financements, la question de renforcement des capacités, la question de l’adaptation, la question du développement durable en relation avec les territoires, le rôle des acteurs non étatiques et sa définition dans un cadre structuré. Tout cela donne à la COP une richesse et une fraîcheur après l’accord de Paris. Son entrée en vigueur est un extraordinaire message politique.

Quels sont « les progrès déjà réalisés » par la COP22 et que vous avez évoqué le 9 novembre dans un communiqué ?

Parmi les progrès déjà réalisés, on trouve l’entrée en vigueur de l’accord de Paris. L’annonce, le 10 novembre, par l’Australie de sa ratification démontre que cette dynamique est toujours en cours.

Les négociations avec les différents négociateurs connaissent, elles aussi, une bonne avancée. L’Agenda de l’action, qui est la nouveauté de cette COP, démontre aussi cette volonté d’aller vite et de s’imbriquer dans la dynamique universelle de la question du climat.

Universelle, vraiment ? Les États-Unis, un des plus gros pollueurs de la planète, viennent d’élire un climato-sceptique comme président. Vous y avez réagi de manière ferme et optimiste dans un communiqué. Mais au sein de la délégation américaine, sous le choc, on dit tout de même que si demain on leur demande d’entamer le processus pour sortir de l’accord de Paris, ils n’auront pas le choix. Qu’est-il prévu dans ce cas-là ?

Je ne préjuge pas, parce que quand je regarde la réalité sur le terrain aux États-Unis, je vois 40 États et 300 villes qui sont déjà engagés. Même le retrait de l’accord nécessite quatre ans. Je préfère ne pas présager et garder le calme. Mon rôle en tant que président de la COP est de garder le cap, de maintenir la mobilisation et cet engagement collectif.

On attendra l’entrée en action de la nouvelle administration américaine pour engager les discussions autour de cette question-là. Il y a des slogans de campagne, et c’est normal. Ensuite, il y a les réalités. Donc je reste optimiste. C’est mon rôle de président de la COP et je vais l’assumer en tant que tel.

Le début des négociations a été houleux. La Turquie a demandé la suspension des travaux pour réclamer le changement de l’ordre du jour. Est-ce que, pour vous, la Turquie est un pays développé ou un pays en voie de développement ?

[NDLR : La Turquie désire être retirée de la liste des pays développés de la CNUCC, et d’être considérée comme un pays en voie de développement. Cette demande avait déjà été soumise à la présidence française, mais n’a pas abouti. Elle permettrait à la Turquie d’accéder aux fonds climat pour financer l’atténuation de ses émissions de carbone et son adaptation aux changements climatiques]

C’est un débat. Je tiens à remercier la Turquie d’avoir été souple, flexible et compréhensive. Je m’étais engagé à la transparence, j’ai engagé les discussions en plénière.

Qu’allez-vous apporter de plus à travers cette COP22 ?

On a décidé ensemble d’un processus de dialogue informel et ouvert. Cet engagement, nous sommes en train de le respecter. Maintenant, il faut laisser le temps au temps, et laisser les acteurs agir. Mon rôle est un rôle de facilitation, mais le président de la COP n’a pas pour mission de dire « ça c’est blanc et ça c’est noir ». C’est un processus et nous devons dégager des éléments de consensus. C’est mon rôle.

Un mot sur l’aventure humaine qu’est cette COP ? On voit le comité marocain bouger dans tous les sens. Comment le vivez-vous ?

Il est monté en puissance avec le temps. Beaucoup qui ont eu des responsabilités dans certains pôles n’étaient pas forcément issus du monde des COP et de l’environnement. Mais ils ont assuré leurs missions de manière brillante. On sait ce qu’on veut, on sait comment mener cette COP. Il y a une concertation et une interaction quotidiennes, une remontée d’information qui se fait de manière systématique. Je suis très heureux de travailler avec cette équipe, qui est une équipe engagée. Ce genre de manifestation nécessite de l’engagement, du dévouement. Toute l’équipe fait un travail extraordinaire.

Vous aviez trois casquettes cette année. Ministre, président du RNI et président de la COP. L’année prochaine, est-ce que vous allez être uniquement président de la COP ?

Maintenant, je n’en ai plus que deux. J’en ai déjà retiré une. C’est ma nature, je m’investis dans les responsabilités qui sont les miennes. Il est vrai que concilier les trois était un exercice inhumain. C’est inhumain de mener trois chantiers énormes en même temps. C’est beaucoup de temps, de disponibilité, d’énergie. La présidence de la COP c’est quelque chose de sérieux, car c’est un engagement vis-à-vis du monde. Je m’y investis aujourd’hui, j’assume également mes responsabilités de ministre des Affaires étrangères tant que je le suis. Demain, je ne sais pas ce qu’il se produira. Peut-être que je vais assumer de nouvelles responsabilités. De toutes les manières, je donnerai le meilleur de moi-même partout où je serai, en étant le plus sincère et le plus efficace possible.

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