Executive-Partner du Cabinet Mazars et Président de la Commission Afrique et Sud-Sud de la CGEM, Abdou Souleye Diop nous donne sa lecture de la visite qu’entame le roi au Sénégal ce dimanche 6 novembre et de la symbolique du discours qui sera prononcé à l’occasion de la Marche verte depuis Dakar. Tribune.
Le 6 Novembre 2016 est une date à marquer d’une pierre blanche dans les relations entre le Sénégal et le Maroc et dans l’enracinement du Maroc dans son continent africain. Fait inédit, pour la première fois depuis 41 ans, le souverain marocain prononce le discours de l’anniversaire de la Marche verte hors du sol Chérifien. Cet évènement majeur, qui a permis au Roi Hassan II, à travers un acte historique, de mobiliser prés d’un demi million de marocains pour une marche pacifique lui permettant de parachever son intégrité territoriale en récupérant les provinces sahariennes de l’occupant espagnol constitue un des évènements majeurs de communion du peuple marocain.
La symbolique d’un discours
« L’Afrique est au cœur de la politique étrangère et de l’action internationale du Maroc… Il s’agit d’un processus irréversible », avait affirmé le souverain dans le message du 17 juillet adressé aux chefs d’Etat de l’Union Africaine. Le choix de prononcer son discours à la nation hors du Maroc, et en particulier à partir de Dakar, capitale du Sénégal, n’est pas fortuit mais doit être lu et compris comme une volonté résolue de consacrer la dimension africaine de la Vision et politique mise en œuvre par le Roi Mohamed VI.
La portée symbolique d’un discours aussi important où le Roi du Maroc s’adresse à son Peuple a partir d’un pays frère est aussi un message au citoyen marocain. Il confirme, s’il était encore nécessaire, l’importance de la dimension stratégique des relations avec les autres pays du continent et en particulier le Sénégal.
Lors des festivités du 40ème anniversaire de la marche verte, Sa Majesté le Roi Mohamed VI, depuis Laâyoune, dans son discours, consacrait le Sahara marocain comme point d’enracinement du Maroc dans le continent africain : « Le Maroc s’engage aujourd’hui à faire du Sahara marocain un centre d’échanges et un axe de communication avec les pays africains sub-sahariens et à mettre en place les infrastructures nécessaires à cet effet ».
A la même occasion, il annonçait un très vaste programme d’investissement dans un ensemble d’infrastructures dédiées essentiellement à la connectivité du Maroc avec les pays d’Afrique sub-saharienne : port de Dakhla, ligne ferroviaire Marrakech-Lagouira, double voie Tiznit-Dakhla, investissements solaires et éoliens interconnectés avec les autres réseaux africains, hub aérien de Dakhla pour l’Afrique, etc.
Ce discours du 6 novembre 2015, après celui d’Abidjan de 2014 qui posait les bases du nouveau modèle de coopération Sud-Sud avec une « Afrique qui doit faire confiance à l’Afrique » trouve son prolongement naturel dans le discours de Dakar du 6 novembre 2016.
C’est aussi l’occasion de répondre par les actes à « certains pays (qui) continuent à prétendre que le Maroc n’a pas vocation de représenter l’Afrique, parce que sa population ne serait pas majoritairement noire. L’Afrique ne se résume pas à une couleur…. Je connais l’Afrique et ses cultures mieux que ne peuvent le prétendre beaucoup d’autres », avait à ce juste titre écrit Mohamed VI aux Chefs d’Etats de l’UA le 17 juillet 2016.
Dans la lignée des pères fondateurs
Au-delà d’une vision, d’un modèle de coopération Sud-Sud pour l’Afrique, d’un engagement total en matière de solidarité, d’un accompagnement cultuel, l’action du Roi du Maroc est d’abord basée sur une excellente connaissance du continent et de ses cultures. Non seulement il a vécu à travers les années la construction du continent mais encore, il a sillonné différents pays, leurs avenues, rues, ruelles et pistes, leurs marchés, leurs mosquées, leurs hôpitaux, a été à la rencontre des populations de l’Afrique profonde. Il suffit de discuter avec Khadim (vendeur d’artisanat au marché Sandaga), Lamine (mendiant en fauteuil en face du Lagon), Alphonse (du marché de Cocody), ou Jacques (le chauffeur gabonais) pour réellement comprendre le sens de cette expression. Un modèle de coopération dont le socle est avant tout la communion des peuples et le brassage des cultures.
Il ne pouvait en être autrement. Mohamed V son grand père a assuré la dimension politique de l’engagement du Maroc dans la construction africaine au lendemain des indépendances : la fondation de l’unité africaine à partir de la conférence de Casablanca aux cotés des autres pères de l’unité africaine : Senghor, Nkrumah, Nasser, Sékou Touré, etc.
Hassan II son père a fortement contribué à l’émancipation des peuples et la stabilité des différentes régions du continent. N’oublions pas le rôle important joué par le Roi Hassan II dans les indépendances du Mozambique, du Cap-Vert, de l’Angola, du Zimbabwe ou de la Namibie.
Mohamed VI a apporté la dimension économique, sociale et humaine aux relations du Maroc avec le reste du continent. En misant sur les investissements, une coopération économique gagnant-gagnat et équilibrée, doublée d’une implication sociale à travers la Fondation Mohamed VI pour le développement durable ou encore la Fondation Mohamed VI pour la Solidarité. Ceci sans compter l’implication cultuelle dans la constitution de l’Union des Oulémas africains ou la formation des imams ainsi que les nombreuses tournées menées à travers le continent (dont la dernière en octobre 2016 en Afrique de l’Est qui a connu un succès retentissant) qui permettent à Sa Majesté de réellement communier avec les populations au grand dam de ses services de protocole.
Ce rappel historique de l’action des souverains marocains est essentiel pour comprendre la réelle dimension et portée de l’action du Roi Mohamed VI sur le Continent. D’abord il s’agit d’une action assumée dans la continuité et qui transcende les générations de souverains marocains. Ensuite, le Maroc, indépendamment de son implication institutionnelle, a été acteur de toutes les étapes de la construction africaine. Enfin, le Maroc et son souverain n’ont jamais été autant impliqués dans le continent qu’aujourd’hui, même n’étant pas dans les instances de l’Union Africaine.
Sénégal, un relais diplomatique
Le choix particulier de Dakar est aussi très important dans la symbolique. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici les liens séculaires entre nos peuples, ni les excellentes relations que nos différents Chefs d’Etat ont entretenus, ces sujets étant de notoriété publique.
Mais si l’on se réfère uniquement à l’époque contemporaine, pendant la longue absence du Maroc de la scène de l’Organisation de l’Unité Africaine puis de l’Union Africaine, le Sénégal avec le Gabon ont été les principaux porteurs de sa diplomatie par procuration auprès de ces instances. Et sans surprise, le Sénégal a été un des premiers pays à applaudir la demande de retour du Maroc dans sa famille institutionnelle africaine et à demander immédiatement l’exclusion de la pseudo-RASD de l’Union Africaine. Le Sénégal sera aussi parmi les porteurs de la demande de réintégration du Maroc à l’UA.
Comme toujours dans ses actes, Mohammed VI a l’art de prendre tout le monde au dépourvu et d’avoir plusieurs coups d’avance et la décision de prononcer ce discours de Dakar ne déroge pas à la règle. Aux sénégalais de mesurer à sa juste valeur l’honneur qui nous est fait par le Roi du Maroc et aux africains d’avoir le décodeur qui leur permette d’en avoir la bonne lecture.
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