Entrer dans une galerie au beau milieu de Casablanca et se retrouver dans un champ de galants de nuit (Mesk Ellil), voilà le point d’accroche qu’a choisi le plasticien Hicham Berrada pour introduire « Ellil », sa première exposition solo au Maroc. Dans la lignée de son travail autour de la transformation, la nature et son ascendance sur la chimie, l’artiste présente une série de tableaux de paysages factices (en plaques chromatiques et sans peintures), vidéos et installations. « Ce que je donne à voir existe. Dans mes œuvres j’essaie de changer quelques paramètres dans un système naturel pour essayer de mieux le comprendre » nous explique Hicham Berrada.
Le parcours commence avec « Paysages » une série de quinze tableaux petit format réalisés sur des supports chromatographiques. Inspiré par le procédé de la chimie analytique, l’artiste a décomposé le corps de différents liquides en y rajoutant un solvant. Les composantes de ces liquides étaient séparées en couches distordues de couleurs. Cela donne une série de paysages végétaux chimiquement sublimés.
Dans l’espace de la galerie, « Paysages » donne écho à « Les oiseaux », une vidéo d’un paysage nocturne filmé aux abords de la villa Medici à Rome où l’artiste a effectué une résidence en 2013. Filmée en plan fixe et dans le noir, la végétation immobile est illuminée par une étrange source de lumière, autour de laquelle rôdent des mouettes. L’artiste a ainsi choisi de rompre avec la dynamique statique du paysage en plaçant un spot géant de lumière autour duquel les oiseaux rodent, nous explique Nawal Slaoui, fondatrice de l’espace CulturesInterface.
La lumière après les ténèbres
Pour l’occasion, une partie de la galerie a été condamnée (avec une porte en verre translucide) afin de mettre en place l’installation « Mesk Ellil ». Littéralement et comme son intitulé l’indique, l’œuvre de Hicham Berrada est composée de galants de nuit (Mesk Ellil, en arabe), dont les fleurs n’éclosent que la nuit. Les arbustes sont agencés partout dans l’obscure salle d’exposition. De prime abord, nous sommes happés par l’odeur diffuse des plantes. Les galants de nuit ne vont pas faner au bout de deux jours d’exposition, un dispositif lumineux a été installé afin de recréer le cycle naturel de la plante (le jour et la nuit). Pour l’artiste, cette œuvre est « un morceau de nature et non pas une représentation ».
Dans la même salle, trône l’installation « mon château ». Dans un aquarium lumineux, l’artiste a mis en place un château de cartes en fer. Des composantes chimiques ont été ajoutées afin d’accélérer (plus ou moins) la corrosion du métal. De fines couches de rouille blanche s’entassent sur le château de cartes mais aussi sur la surface de l’aquarium. « La viabilité de l’œuvre a été estimée par un expert à 400 ans » nous explique la galeriste de l’artiste. L’usure ne tient finalement qu’à une simple réaction chimique.
On reste dans le même élément avec la vidéo « Les fleurs » qui a été placée dans un boxe de projection. Visuellement fortes et captivantes, les images qui défilent brouillent les pistes sur leur nature. Si on ne nous aurait pas soufflé que c’est une masse liquide de nanoparticules de fer, on y aurait vu que du feu. Dans la vidéo, une sphère de liquide couleur métal crépite sous la forte pression de l’air. Le geste est beau. Et si le parcours de l’exposition « Ellil » s’achève, l’aura et la finesse de cette expérimentation sensorielle vous accompagneront, sans nul doute.
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