Tout a commencé par une simple chronique, publiée dans l’édition du 19 octobre du quotidien Akhir Saâ. Son auteur, c’est Abdelkarim El Qamch, chroniqueur et militant pour la laïcité. Il y évoque les hadiths rapportés par les célèbres érudits Muslim et Boukhari, qu’il remet en cause car, selon lui, « portent atteinte à l’image du prophète » nous résume le chroniqueur. Il n’en fallait pas plus pour qu’une levée de boucliers des milieux salafistes soit déclenchée. Ces milieux accusent le chroniqueur d’avoir « insulté le prophète de l’islam », n’hésitant pas à l’excommunier de manière à peine voilée, le qualifiant même de “zindiq” (hérétique, renégat). Pourtant, la chronique, objet de cet emballement, a été publiée dans un premier temps sur Hespress, en février 2015, sans qu’elle suscite ces réactions véhémentes. Le texte de la chronique polémique, intitulée « Vous ne croyez pas en Dieu, mais en la politique », évoque El-Boukhari, un érudit auteur d’un livre de recueil de paroles (Hadiths) authentiques du Prophète Mohammad, et le confronte à l’esprit du coran, relevant ce qu’il considère comme étant « des contradictions ». Le chroniqueur, toutefois, ne s’attaque à aucun moment à la personne du prophète ou à son message.
Malgré cela, Abdelkarim El Qamch fait l’objet de menaces de mort. Il a, depuis, porté plainte contre Howiyapress, un portail électronique réputé proche des salafistes, qui a relayé les accusations d’atteinte au prophète. Il a également demandé la protection des autorités.
Après l’avoir accusé de blasphème, le média précité a publié une série d’articles critiquant la chronique d’El Qamch. Le dernier en date est une tribune signée par Hammad Kabbadj, le prédicateur qui devait représenter le PJD à Marrakech dans les dernières législatives avant que sa candidature soit invalidée par les autorités. L’ancien disciple de Maghraoui traite le chroniqueur d’« obsédé sexuel » [sic]. « Ils se sont même mis à signaler mon compte Facebook, provoquant sa suspension. Ils veulent “m’exécuter” dans le monde virtuel » déplore El Qamch, non sans une pointe d’humour.
Après les attaques en ligne, viennent les menaces directes et franches, essentiellement à travers des vidéos que Telquel.ma a choisi de ne pas publier en raison de leur contenu choquant et violant. Le 21 octobre, c’est un imam à Nador, Mohamed Bounis, qui va franchir le Rubicon en professant des imprécations contre le chroniqueur : « Que Dieu précipite son châtiment ! ». El Qamch a également reçu des menaces de mort de la part d’un inconnu « par téléphone », nous-a-t-il confié.
Le même jour, des dizaines de salafistes ont organisé un sit-in à Fès sous la bannière de la coordination locale de la Commission pour la défense des détenus salafistes. Le chroniqueur y a été traité de « chien de la laïcité ». Une manifestation où les « modernistes et laïques » ont été copieusement insultés, accusés de vouloir « nuire à l’islam ».
« J’ai écrit plus osé que ça ! »
Les sorties des salafistes font rapidement tâche d’huile et « inspireront » de simples internautes sur YouTube : « chien », « mécréant », « minable » : les réprobations fusent. Le 22 octobre, l’ancien détenu salafiste, cheikh Hassan Kettani, sort d’un long silence et publie une vidéo sur sa chaîne YouTube. Invectivant à son tour Abdelkarim El Qamch, il appelle à « l’intervention du commandeur des croyants ». Le cheikh salafiste se montre comminatoire : « Quand la sanction de la Chariaâ n’intervient pas, ce type de personnes saisissent l’occasion pour parler librement, ils ont trouvé le chemin facile (…) Ce ne sont pas des modernistes, ce sont les fils de Satan ».
Habitué aux joutes verbales avec les islamistes, Abdelkarim El Qamch ne s’attendait toutefois pas à cette improbable tournure des événements. « J’ai écrit des choses plus osées et cela n’a jamais causé pareille polémique », s’étonne-t-il. Les personnes qui ont réagi violemment à son article « ne l’ont pas lu », estime-t-il. « J’ai envie de sortir et de dénoncer en public l’ignorance de ces gens là (…) mon article défend une image éclairé de l’islam » claironne-t-il. Pour l’heure, Abdelkarim El Qamch bénéficie du soutien de l’association Damir, qui a appelé à la protection des penseurs et à la criminalisation du “takfir”.
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