Après la tempête des élections législatives, l’heure est au bilan pour la Fédération de la gauche démocratique (FGD). L’alliance de gauche a réussi à remporter deux sièges : un dans la circonscription Rabat-Océan par Omar Balafrej et l’autre à Casablanca-Anfa, que s’est adjugé Mustapha Chennaoui. Le premier ayant réussi à rafler 8 048 voix alors que le deuxième a récolté 7 697 des suffrages. « Nos résultats sont plutôt positifs, on a réussi une avancée spectaculaire », nous explique Omar Balafrej, futur député sous les couleurs de la FGD et directeur du Technopark Casablanca. Le politologue Mohamed Madani abonde dans le même sens : « C’est une Fédération porteuse d’espoir qui a réussi à avoir ces deux sièges. La FGD s’est présentée comme une alternative et c’est un résultat prometteur ». Pour le politologue Mustapha Sehimi, l’avancée de la FGD est à relativiser : « Il faudrait nuancer le score de la FGD car elle a tablé sur vingt sièges. Et comme on juge par rapport aux objectifs, on ne peut pas dire que c’est un succès ». Il ajoute que l’entrée de l’alliance de gauche au Parlement est une « reconnaissance institutionnelle ». Et de confirmer : « Ils vont pouvoir se faire entendre et enrichir ainsi la voix du pluralisme ».
Selon la Commission nationale de recensement, la FGD a réussi à rafler plus de 164 000 voix (soit 2,83 % des suffrages exprimés). Un score en deçà du seuil électoral, fixé à 3 %, qui n’a pas permis à Nabila Mounib, secrétaire général du PSU (membre de l’alliance FGD) sur la liste nationale d’accéder au Parlement. Pour Mustapha Sehimi, si la figure de proue de la campagne électorale de la FGD est sortie bredouille de ces législatives, c’est surtout à cause d’« une erreur de positionnement ». « Les dirigeants de la FGD étaient tellement sûrs d’avoir un bon score que Nabila Mounib a été placée sur la liste nationale. Et c’est une mauvaise évaluation » estime-t-il.
Omar Balafrej, lui, s’interroge sur les irrégularités qu’a connues le scrutin. « C’est une perte pour le Maroc d’être privé de personnes compétentes comme Nabila Mounib au Parlement. Mais malheureusement, j’ai beaucoup d’appréhension sur la fiabilité des listes nationales. On a recensé plusieurs cas de malversations, des agents d’autorité qui ont incité les gens à voter pour le PAM ». Un élément qui aurait donc inversé la tendance et empêché Nabila Mounib d’avoir un siège au Parlement, selon le député fraîchement élu.
Une popularité virtuelle ?
Au delà de la figure de Nabila Mounib, l’emballement sur les réseaux sociaux au profit de la Fédération n’a pas été reflété au niveau des urnes. « Une bulle médiatique, ça ne fait pas de voix. Il y a eu un emballement des réseaux sociaux et de certains cercles. Une certaine bourgeoisie de Rabat et de Casablanca, prétendument ouverte et qui votait pour le PJD auparavant, a choisi cette fois-ci la FGD » détaille Sehimi. Le politologue estime exagérée l’ampleur du soutien des jeunes envers la Fédération : « Les trois quarts ne sont même pas inscrits sur les listes électorales ! ». Si Omar Balafrej reconnaît que beaucoup de sympathisants de la FGD n’y sont pas inscrits, il insiste sur l’évolution qu’a enregistrée la FGD au cours de ces élections : « Certes, on n’a eu que deux sièges, mais on a fait de très bons scores un peu partout au Maroc. Comparé avec les communales, on a doublé, voir triplé le nombre de voix dans plusieurs circonscriptions. Comme à Meknès par exemple [la FGD a eu plus de 6 400 voix, ndlr] ou encore à Boulmane où on a raté le siège à 200 voix près [la FGD a eu dans cette circonscription 3 012 voix, ndlr ] »
Autre talon d’Achille de la FGD selon Sehimi : son discours qui n’attire pas les électeurs issus des couches populaires. « Ils ont axé leur campagne sur des thématiques comme la monarchie parlementaire, le modèle économique, etc. Faire campagne avec ce type de discours à Akkary [quartier populaire à Rabat, ndlr] n’intéresse personne ». Le politologue Mohamed Madani a une différente lecture des résultats de la FGD. Selon lui « il faut prendre en compte l’histoire du parti, qui a boycotté les élections législatives de 2011 », mais aussi « le fait qu’il n’ait pas de relais sur le plan local. L’entrée au Parlement est une nouveauté pour ses composantes ».
Peut-on donc espérer un retour en force de la FGD pour les prochaines élections législatives de 2021 ? Omar Balafrej est confiant : « On peut devenir la première force politique du Maroc […] Mais il faudrait que l’on reste sur la même lignée que cette campagne. Que l’on soit surtout sur le terrain, comme le fait le PJD ». Mohamed Madani est dans la même veine : « La FGD peut s’inscrire dans la durée car elle se positionne comme une alternative. Aujourd’hui, il y a un capital sympathie mais il faut que ça soit accompagné par un travail de structuration ».
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