Neuf. C’est le nombre de sièges, répartis sur trois circonscriptions électorales, qui sont à obtenir dans la province de Marrakech lors des prochaines élections législatives. La ville ocre devrait être, à l’image du reste du royaume, le théâtre d’un affrontement entre le PJD et le PAM. Le parti de la lampe y dispose d’une bonne assise puisqu’il contrôle la majorité des conseils communaux de la ville, dont le président du conseil n’est autre que le PJDiste Mohamed Larbi Belkaid. De l’autre côté, le PAM émerge comme un favori de par sa forte présence dans les zones rurales. Le prédécesseur du maire actuel Belkaid n’est autre que la PAMiste Fatima Zohra Mansouri, tête de liste dans la circonscription de Marrakech-Médina qui a présidé aux destinées de la ville entre 2009 et 2015. Plongée dans une bataille électorale qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Rencontre avec le « bataillon des femmes »
Nous nous rendons tout d’abord au siège régional du parti de la lampe, situé à proximité de la gare routière de Bab Doukkala. Nous y sommes accueillis dans la salle des réunions par le directeur de la campagne électorale du parti à Gueliz Ahmed El Moutassadik, qui se montre confiant. Pour le responsable, le PJD est déjà assuré « d’obtenir trois sièges sur neuf. L’enjeu, désormais, est d’obtenir deux sièges supplémentaires. Notre parti jouit d’une bonne réputation en raison de notre bonne gouvernance au niveau régional ». Côté organisationnel, le PJD veille sur tout : « Nous avons mobilisé plusieurs équipes. L’une distribue les flyers du parti, une autre surveille les dépassements des concurrents tandis qu’une troisième se charge de présenter les réalisations du gouvernement. D’autres équipes s’occupent de la mobilisation, de la logistique et des médias » nous explique Ait El Haj Lhssen Yousef, enseignant et candidat dans la circonscription de Guéliz, appelé à la hâte pour remplacer le salafiste Hamad El Kabbaj, dont la candidature a été invalidée.
La visite au siège du parti est terminée. Direction : la commune rurale de Tamansourt en compagnie d’un groupe trois femmes surnommé « le bataillon des femmes du PJD » par les cadors du parti. Ce régiment spécial se compose d’Amina Laâmrani Idrissi, deuxième de la liste menée par Ait Lhaj Lahcen Youssef, Ichraq El Bouyousfi, pharmacienne figurant en sixième place de la liste nationale féminine et sa consœur, Jawida Aouid, responsable de la jeunesse du parti à Marrakech. Ce trio est également impliqué dans la gestion de plusieurs communes à Marrakech puisque Amina Laâmrani est vice-présidente de la province de Menara ; Ichraq El Bouyousfi occupe la même fonction dans la commune de Gueliz tandis que Jawida Aouid est vice-présidente de la commune d’Ennakhil.
À Tamansourt, c’est dans la maison d’un militant du parti, transformée provisoirement en base de campagne, qu’un groupe de femmes se rassemble autour du fameux « bataillon ». Une discussion s’engage alors sur les aspects positifs de l’aide accordée aux veuves en situation de précarité ainsi que la mise en place de du Régime d’assistance médicale, connu sous le nom de RAMED. Étaient également abordées les procédures de vote ainsi que les manières pour contourner les éventuelles manœuvres des adversaires du PJD. Une fois ces discussions terminées, le groupe se scinde et entame une opération de porte-à-porte afin d’encourager les femmes à voter pour la lampe. La plupart des militantes du PJD rencontrées ont été initiées à la politique lorsqu’elles étaient dans les rangs de l’USFP, une tradition familiale pour la plupart d’entre elles. Toutefois, elles considèrent le PJD comme un parti « sérieux et crédible ».
Le PAM mise sur des candidatures « symboliques »
Le PAM, déterminé à faire barrage au PJD et à voir ses listes triompher, dispose d’un siège régional de campagne se situant dans le quartier de Targa. On y retrouve le secrétaire général de la formation Ilyas Elomari qui, même s’il paraît fatigué, goûte à la saveur singulière de la campagne électorale. Celui qui tient les rênes du PAM a accepté de nous accorder quelques minutes pour nous parler des deux têtes de listes féminines présentées à Marrakech. Il s’agit de l’ancienne maire de Marrakech Fatima-Zohra Mansouri, qui mène la liste du tracteur dans la circonscription de Marrakech-Médina et de Jamila Afif, tête de liste du parti dans la circonscription de Guéliz. Le choix de ces candidates n’est pas anodin puisque le PAM « souhaite envoyer un message clair à [ses] adversaires. [Il veut] montrer à l’opinion publique [qu’il est] un parti moderniste qui a confiance en ses militantes », atteste Ilyas Elomari.
Ceux candidates pourraient permettre au PAM de réaliser son objectif minimum de « remporter plus de trois sièges à Marrakech » affirme Ilyas Elomari. L’optimisme est également de mise pour Khalid Ajdiri, directeur de campagne de Fatima Zahra Mansouri, qui estime que sa formation « a un fort capital sympathie dans la ville de Marrakech » qui permet au PAM d’adopter une nouvelle stratégie pour approcher les électeurs : « Nous avons fui les festivals et le show. En petits groupes, on explique notre programme à travers la jeunesse de notre parti qui a bénéficié de multiples ateliers » révèle Ajdiri. Cette démarche pourrait permettre au PAM de décrocher cinq des neuf sièges destinés à Marrakech, selon le directeur de campagne.
Notre rencontre avec Ilyas Elomari et l’équipe de Fatima-Zahra Mansouri coïncide avec une sortie de militants du parti dans les communes rurales de Tasseltant, de Tamansourt et à Sidi Youssef Benali. En plus de l’importante logistique déployée, le parti au tracteur mise également sur une organisation qui se veut sans faille : « Nous rationalisons notre travail et nos efforts. Notre journée débute à dix heures par une brève réunion où nous mettons au point notre programme quotidien. Vers 20 heures se tient une deuxième réunion durant laquelle nous évaluons et envoyons des notes à la cellule chargée de la communication. Celle-ci entre ensuite en contact avec les médias locaux et nationaux et s’assure de notre mobilisation quotidienne sur les réseaux sociaux ».
À tout cela vient s’ajouter une présence massive dans les ruelles de l’ancienne médina, où Fatima-Zahra Mansouri mène campagne. Les centres de proximité retiennent l’attention : « Cela nous permet d’expliquer le programme du parti aux citoyens et de les convaincre de voter pour nous. Nous sommes ouverts de huit heures à 20 heures ». À l’image du PJD, le PAM sait aussi s’appuyer sur ses militantes : « Elles sont chargées de parler aux femmes et de les convaincre » nous indique le militant sexagénaire du parti au tracteur.
Les salafistes arbitrent la confrontation
Dans cette course aux voix entre le PJD et le PAM, les mouvements salafistes jouent aussi un rôle. Du côté du parti à la lampe, les adeptes du cheikh Hammad El Kabbaj ont été ouvertement convoités. Lors d’un entretien accordé par ce dernier dans le siège de son association situé place Assaâda, le cheikh affiche son soutien au PJD : « Je ne suis pas membre des instances du PJD mais j’appelle les gens à voter pour le parti de la lampe. Benkirane est un homme patriotique et honnête ».
Du côté du parti au tracteur, on a préféré s’assurer le soutien de certains disciples du cheikh Maghraoui. Un soutien qui a, d’ailleurs, suscité de nombreux remous au sein de l’association Prédication pour le coran et la sunna que dirige le cheikh. Interrogés au sujet du PJD, deux proches du Cheikh Maghraoui, Mohammed Ait Motaii et Hassan Nabaoui ne cachent pas leur « dégoût » pour le parti de la lampe, qui s’est distingué par « son ingratitude » envers l’association.
Les rivalités électorales entre le PAM et le PJD ont atteint leur summum à Marrakech, tant au niveau organisationnel que politique, et la guerre fait rage entre les deux partis. Chacun d’eux confirme avec les termes les plus forts qu’il est largement favori pour remporter la majorité des sièges en jeu. Les électeurs se prononceront le 7 octobre.
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