« Je ne serai pas Chef de gouvernement ». Lucide, Mohamed Sajid ne se fait pas d’illusion sur le poids de son parti, arrivé septième aux dernières élections législatives. L’enjeu pour lui est ailleurs : redorer le blason de l’Union constitutionnelle (UC) et présenter « une nouvelle façon de faire de la politique ».
À peine arrivé à la tête du parti du cheval en avril 2015, il est le premier à prendre officiellement position contre l’agression des deux filles d’Inezgane, le lynchage homophobe à Beni Mellal ou encore le blocage des appels VoIP par l’ANRT. Voilà qui secoue l’image de ce parti administratif « à l’ADN conservateur ». Le 19 septembre, au moment où les partis promettent monts et merveilles aux électeurs, lui choisit encore de se démarquer. À un habituel programme électoral truffé de chiffres, il préfère une charte d’une centaine de mesures qui traduisent sa vision du développement : « On a pris un peu le contrepied de ce qui se fait d’habitude, en évitant d’annoncer des chiffres mirobolants ou de fausses promesses, mais en considérant les choses dont les Marocains ont besoin dans leur vie quotidienne. »
Et ce ne sont pas les arguments qui manquent pour convaincre les médias venus assister à sa conférence de presse : « Que veut dire le taux de croissance pour quelqu’un qui vit dans la misère et dans quelle mesure améliorera-t-il son quotidien ? Un parti promet aujourd’hui un taux de croissance de 6%. En 2011, durant la même période, il promettait 7%. De 2011 à 2016, ce taux s’est évaporé pour arriver, au mieux, à 1,5%», lance-t-il, taclant au passage Abdelilah Benkirane. Quid de sa stratégie pour les lé- gislatives ? « S’implanter là où le parti était absent et présenter des candidats de qualité, conscients de leur rôle de député », répond Sajid. Objectif : une présence plus forte au parlement. Et ce n’est pas tout. « On pourra peut-être participer à un gouvernement », nous confie le chef de file de l’UC.
Après 18 ans à tourner en rond, le parti du cheval revient donc au galop. « Il y a péril en la demeure » « Si j’étais Chef de gouvernement, je n’aurais pas le temps de me consacrer à des querelles politiciennes stériles », explique l’ancien maire de Casablanca. Et de brandir illico ses priorités : la lutte contre le chômage des jeunes, d’abord. « Cela commence par leur éducation, leur formation et leur embauche. Pour créer de l’emploi, il faut investir ». Pour convaincre son monde, Sajid a concocté pas moins de 100 mesures. Économie, société, gouvernance… tout y passe. Côté économie, il fait preuve d’originalité en mettant en avant la création d’une banque d’investissement publique pour accompagner le développement des entreprises TPME « lors des phases d’amorçage et de développement qui demandent certaines prises de risques. Ces mêmes entreprises devraient, propose la charte du parti, bénéficier de taux de TVA plus faibles sur les biens d’investissement. » Pour ne pas faire de jaloux, il lance l’idée d’une baisse de l’IS pour toutes les entreprises marocaines. « Il faut qu’il y ait un climat de confiance et moins de charges fiscales qui handicapent notre compétitivité», préconise le patron de l’UC, qui ne délaisse pas le secteur informel auquel il souhaite tendre l’hameçon des incitations fiscales. De même qu’il n’envisage pas la suppression des subventions destinées au sucre, à la farine et au gaz. « Soit on crée les conditions pour que le citoyen ait plus de moyens soit on opte pour l’assistanat. Je préfère la première solution. » Et de glisser au passage une petite critique au gouvernement : « Les produits pétroliers ont été décompensés, car le cours du pétrole était bas, mais on n’a pas supprimé les subventions destinées au sucre, à la farine et au gaz, car les prix des matières premières n’ont pas baissé. »
Passons à l’autre proposition, encore plus originale : l’abandon du prélèvement à la source de l’Impôt sur le revenu au profit d’une déclaration par les salariés. « Cette mesure permet d’offrir une trésorerie de pouvoir d’achat d’une année aux ménages.» Quid du Plan Maroc Vert, de la Vision 2020 et de la stratégie industrielle ? « Toutes ces stratégies, qui existaient bien avant ce gouvernement, ont besoin d’être orchestrées, dynamisées et corrigées par une institution, qui s’appelle l’institution du Chef de gouvernement », lance-t-il doctement, reprochant, au passage, à Benkirane d’avoir délaissé le secteur du tourisme. Promesses à la jeunesse Contrat de premier emploi, bourses d’emplois, création de postes en partenariat avec les régions, généralisation du stage et du bac professionnel après le collège… autant de mesures défendues pour venir à bout du chô- mage des jeunes. « Ce qui est intéressant, c’est le partenariat public-privé. Aujourd’hui, il peut contribuer à améliorer l’enseignement et la formation. Ça peut être utile dans beaucoup de secteurs, comme la santé, l’éducation, les infrastructures, l’équipement… »
Voilà pour la carotte que tend Sajid aux jeunes. Mais il y a aussi le bâton, dont la principale mesure est « la répression des agressions urbaines avec port d’armes blanches, des actes de violence pour des raisons idéologiques ou politiques ou des actes de violence collective, en intégrant ces éléments comme circonstances aggravantes » Une proposition qui trouve son fondement dans la montée du phénomène de “Chraâ Iddik”. Les délinquants « juvéniles » auront droit à un « encadrement » dans des centres paramilitaires pour apprendre… la « discipline et le savoir-vivre.» Pas touche aux libertés « Il y a énormément d’excès liberticides dans le Code pénal en vigueur et celui qu’on projette d’adopter. C’est un texte qui sanctionne des libertés individuelles, domaine où l’État n’a pas à intervenir ». C’est ce que nous déclarait Mohamed Sajid en juin dernier, soutenant l’abrogation de l’article 222 qui punit de prison l’inobservance du ramadan en public. Aujourd’hui, le ton est moins tranché : il faut amener les gens à converger vers le même idéal du développement de notre pays, avec la liberté de pensée et la liberté de conscience de chacun. « Des réformes ont été entreprises par notre pays sur le plan sociétal, rien ne nous empêche de faire en sorte d’aller vers plus de cohérence», prêche l’ancien maire de la métropole.
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