L’expulsion en 1975 de Marocains du territoire algérien est connue, la disparition de certains d’entre eux l’est beaucoup moins. L’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) s’est penchée sur la question et en à peine trois mois de recherche, a découvert deux cas de disparition. C’est d’ailleurs cette question qu’elle a portée à la connaissance des Nations unies. Le 21 septembre, avec l’Association des Marocains expulsés d’Algérie (ADMEA), elle a fait un exposé à l’intention du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), organe onusien situé à Genève, avant de lui demander officiellement l’ouverture d’une enquête. « C’est la première fois qu’on discute de cet événement avec des instances internationales », commente Boubkeur Largou, président de l’OMDH.
Hasna, 12 ans…
Parmi les deux cas : celui d’Hasna K, née à Meknès mais résidant à Alger. Elle avait 12 ans au moment des faits. Elle était à la frontière, côté algérien, en compagnie de ses parents et de son frère jumeaux le 14 novembre 1975 quand elle a été arrêtée par des policiers algériens parce qu’elle contestait le vol d’une personne handicapée par les autorités, d’après le récit que l’OMDH a recueilli auprès de son frère, encore en vie.
L’autre disparition répertoriée par l’OMDH est celle d’Omar Z, née en Algérie en 1929. Sa famille a été expulsée en novembre mais lui a été arrêté dès septembre, avant d’être emprisonné à Sidi Bel Abbes. Ses proches n’ont jamais eu de nouvelles.
L’OMDH réclame une indemnisation des familles concernées, la détermination des responsabilités et la présentation d’excuses par l’Algérie. Un vœu ambitieux étant donné les relations politiques liant les deux pays ? Pour Boubkeur Largou, le politique ne doit pas interférer dans le règlement de cette question. « Il existe des contentieux de propriété entre les deux États, mais la disparition forcée est un crime contre l’humanité, ce n’est pas politique, c’est une autre donne », estime-t-il.
Des Algériens expulsés du Maroc et vice-versa
Des contentieux qui portent sur les deux territoires. En 1973, lors de la nationalisation des terres, des Algériens propriétaires de terres agricoles au Maroc se sont vus retirer leur droit de propriété, avant d’être expulsés. Des centaines de personnes seraient concernées, d’après le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères cité par le site Tout sur l’Algérie. Le responsable donne une précision de taille, d’après lui « les propriétaires européens ou relevant d’autres nationalités touchés par cette même mesure [la marocanisation des terres, ndlr] ont été indemnisés à l’exception des propriétaires algériens lésés ». Un événement qui a d’ailleurs été évoqué par le représentant algérien à Genève, raconte Boubkeur Largou. « Il a demandé pourquoi l’OMDH ne défendait que les victimes marocaines mais nous n’avons pas eu de plainte de la part d’Algériens », narre le président de l’association, qui nous précise, tout de même optimiste, que ce responsable aurait reconnu l’intérêt de débuter une discussion avec son homologue marocain sur la question.
Trois ans plus tard, c’est au tour de l’Algérie d’expulser ses résidents marocains, certains installés depuis des décennies, très bien intégrés dans la population, et propriétaires. « À la sortie de l’école, mon père m’a dit qu’on partait au Maroc […] on n’a même pas eu le temps de dire au revoir à notre grand-mère », se rappelle, en pleurs, une concernée lors d’une conférence filmée. D’après les chiffres repris par l’Etat marocain, 350 000 personnes (45 000 familles) auraient été victimes de ce déplacement forcé. Ils ont d’abord vécu « entassés » (d’après le président de l’OMDH) dans des camps de fortune installés dans l’Oriental, certains sont restés dans cette localité, « ceux qui avaient de la famille dans d’autres régions sont partis », se rappelle notre interlocuteur.
Selon les informations de l’OMDH et de l’ADMEA, beaucoup de ces personnes auraient été embauchées comme gardiens lors de leur arrivée au Maroc (alors que certains occupaient des emplois qualifiés en Algérie). Mais aujourd’hui à la retraite, ils n’ont plus revenu ni logement. Il y a un mois, les deux associations ont envoyé un courrier à Abdelilah Benkirane pour l’interpeller sur six cas de personnes âgées se trouvant dans une grave situation.
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