Après l’annonce de la candidature du cheikh Abou Hafs à Fès, voilà que le parti de l’Istiqlal présente Hicham Temsamani Jad, en tant que tête de liste à Tanger. Un candidat pas comme les autres puisque cet ancien imam d’une mosquée de Tolède a été incarcéré en Espagne au lendemain des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca. Près d’un an plus tard, Temsamani est extradé vers le Maroc suite aux attentats de Madrid. Accusé d’être « impliqué dans les attentats de Casablanca », il a été finalement blanchi en 2005 par la justice marocaine.
Depuis, celui qui entretenait des liens avec la salafia jihadia a viré de bord. Au bout du fil, on retrouve un homme de 45 ans au verbe fluide, au ton sec et à l’accent prononcé du Machrek. « Si autrefois j’avais des idées bornées comme par exemple l’obligation du port du niqab pour les femmes, aujourd’hui j’ai évolué » affirme Temsamani. Et d’ajouter : « J’ai pu opérer des révisions idéologiques car j’ai appris de mes erreurs ».
De Tanger à Tolède
Hicham Temsamani est originaire de Tanger. Très jeune, il étudie les sciences islamiques aux côtés des « Al Benssedik », une grande famille d’ouléma et de prédicateurs, dont l’éminent membre n’est autre que feu cheikh Abdelbari Zemzami. Au début des années 1990, Temsamani devient imam et prédicateur dans une mosquée dans la ville de détroit. « Il a toujours été modéré dans ses propos » se souvient son ami Abou Hafs. Il se lie d’amitié avec Mohamed Fizazi, prédicateur virulent et ancien détenu salafiste. « On a grandi dans la même ville, et notre amitié coulait de source », raconte Temsamani.
Après une décennie passée à prêcher dans sa mosquée, l’imam tangérois plie bagage et s’installe en 2000 à Tolède, une ville du centre de l’Espagne, où il officie en tant qu’imam d’une mosquée à l’invitation de plusieurs centres islamiques. Suite à quoi, la Ligue du monde musulman le désigne comme l’un des meilleurs prédicateurs d’Espagne et le nomme dans plusieurs de ses centres en Espagne, Italie, Belgique et France. Celui qu’on appelle alors « Rouaïm » sillonne l’Europe pour y donner cours et conférences. « Au Maroc, il était inconnu car ce n’est pas un cheikh, mais en Europe, il inspirait le respect » commente le politologue Mohamed Rami.
Le 16 mai : le coup de massue
Mais après trois années paisibles, les attentats du 16 mai 2003 chamboulent la vie de Temsamani. Interpellé suite à ces attaques terroristes, Robert Richard Antoine Pierre, alias Abou Abderrahmane, est condamné la même année à la prison à perpétuité pour son implication dans ces attentats. Lors de son interrogatoire, Abou Abderrahmane aurait soufflé aux autorités marocaines le nom de Hicham Temsamani Jad, selon plusieurs médias. « Je connaissais Robert car il venait prier dans la mosquée où j’officiais, mais ça s’arrêtait là. De plus, il n’a jamais fait de déclarations où il me cite dans ses PV » nous confie-t-il
À la demande de l’État Marocain, il est arrêté pour implication dans les attentats de Casablanca. Incarcéré « sans motif » en Espagne, selon Abou Hafs, il y reste détenu avant que les attentats du 11 mars 2004 de Madrid ne lui valent une extradition express au Maroc. « En prison, j’étais interrogé par trois États : l’Espagne, la France et l’Italie, et rien n’a été retenu à mon encontre. Même chose au Maroc ». Et d’ajouter : « Je n’ai jamais rejoint la salafia jihadia, c’est la presse qui a construit un mythe dessus. J’étais un simple sympathisant de la cause palestinienne et contre l’occupation de l’Irak par les États Unis… Si je soutiens la résistance, je suis contre les interventions armées dans les territoires qui ne sont pas en conflit ». Selon le politologue Mohamed Rami, « Temsamani avait, certes, des contacts avec la salafia jihadia mais n’a aucun rôle direct au niveau de ce courant ».
Ce fin connaisseur de l’islam restera provisoirement incarcéré à la prison de Salé avant d’être acquitté par la justice. Abdelkrim Chadli, ancien détenu salafiste, garde un bon souvenir de Temsamani. « C’est quelqu’un de pacifiste et de respectueux ». Abou Hafs, son ami et complice, explique que « malgré ce qu’il a enduré, il est sorti de prison avec l’idée de combattre le radicalisme, car il y a vu des jeunes sombrer dans le salafisme ». Le prédicateur retourne à Tanger où il officie comme imam dans une mosquée et donne des cours de sciences religieuses dans plusieurs autres établissements de la ville du détroit. « Si j’étais vraiment un salafiste dangereux, les autorités m’auraient interdit d’exercer mon métier » affirme-t-il.
Du PRV à l’Istiqlal
Après sa sortie de prison, l’imam fait profil bas. Le temps passe et il faudra attendre 2013 pour entendre parler du très discret Temsemani. L’homme est suggéré par Abou Hafs au Parti de la renaissance et la vertu. « Il a répondu présent le jour de la tenue du congrès constitutif du parti mais, depuis, on ne l’a plus revu » se souvient Mohamed El Khalidi, secrétaire général du PRV. Selon la même source, Temsamani « n’a pas été convaincu par la politique, du fait de son caractère. C’est quelqu’un de réservé et timide et je peux vous dire qu’il n’apprécie pas trop les discussions politiques enflammées ». Pour le principal intéressé, son retrait furtif du PRV a été motivé par des considérations d’ordre logistique. « On n’avait même pas de siège à Tanger, comment vouliez vous que je puisse travailler en bonne et due forme ».
Aujourd’hui, Hicham Temsamani Jad compte bien s’investir en politique pour, dit-il, « la dignité humaine et la réinsertion dans la vie quotidienne ». « Comme les différents anciens détenus salafistes qui se sont engagés en politique, Temsamani se cherche encore. Mais on peut le considérer comme un homme politique avec un background islamiste » analyse Rami. Aurait-il des chances de percer dans ces élections ? Mohamed Rami répond par la négative. « L’exercice politique est nouveau pour eux et il lui sera difficile de concurrencer le PJD ».
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