«Dirty Diesel»: Le Maroc n'est pas concerné par le scandale des carburants toxiques

Public Eye, une ONG suisse, a fait éclater un scandale retentissant. Des négociants helvétiques écouleraient des carburants toxiques à forte teneur en soufre dans le continent africain. Qu'en est-il du Maroc ?

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gazoil

C’est un scandale à l’échelle continentale. L’ONG suisse Public Eye a publié le 15 septembre un rapport explosif intitulé « Dirty Diesel : Les négociants suisses inondent l’Afrique de carburants toxiques ». L’enquête menée par l’ONG, qui a duré trois ans, révèle que des négociants suisses d’hydrocarbures profitent des faibles standards en Afrique pour y écouler un carburant à haute teneur en soufre, interdit en Europe pour sa nocivité.

Entre 2013 et 2015, Public Eye a prélevé des échantillons dans des stations-service en Angola, Bénin, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Sénégal et Zambie. Le constat est sans appel : les carburants livrés par les négociants suisses en Afrique sont dangereux. « La teneur en soufre de l’essence et du diesel vendus à la pompe est plusieurs centaines de fois supérieures à la limite admise en Europe. Les conséquences pour la santé sont dramatiques », précise l’ONG qui a mené son enquête sur quatre opérateurs helvétiques.

« La qualité africaine »

Les quatre négociants suisses, tous propriétaires de réseaux de stations-service en Afrique pointés par le rapport de Public Eye sont : « Trafigura et son félin Puma Energy, Addax & Oryx Group et sa branche aval Oryx Energies, Lynx Energy, opérant au Congo sous la marque X-Oil et Vitol et son enseigne Shell pilotée par le consortium Vivo Energy ».

Ces entreprises témoignent de l’importance des firmes helvétiques dans ce business, puisqu’elles sont responsables de 35 % des échanges internationaux. « Très actifs dans le pétrole africain, les grands négociants comme Vitol, Trafigura, Glencore, Mercuria et Gunvor sont devenus des géants. Vitol, par exemple, a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 168 milliards de dollars et possède davantage de navires pétroliers que BP ou Shell », affirment les enquêteurs de Public Eye. Ils ajoutent que les négociants traditionnellement simples intermédiaires « ont cherché, au cours des dernières années, à étendre leurs activités ». Pour ne prendre que l’exemple de Vitol et Trafigura, Public Eye affirme que ces deux opérateurs « ont fait d’importants investissements en Afrique, achetant entrepôts et réseaux de stations-service. À tel point qu’ils contrôlent désormais toute la chaîne de l’offre, de la raffinerie à la pompe en passant par l’affrètement et l’importation ».

Public Eye reproche à ces opérateurs d’utiliser « le blending » qui consiste à mélanger différents composants, appelés produits pétroliers intermédiaires. Cette pratique légale et courante dans le secteur est déviée, pour « produire délibérément un carburant toxique, à haute teneur en soufre, pour maximiser les bénéfices en profitant de la faiblesse des réglementations en vigueur dans certains pays ». Les opérateurs s’adaptent donc pour produire un carburant de « qualité africaine ».

blending

Qu’en est-il du Maroc ?

Si Trafigura, Addax & Oryx Group et Lynx Energy sont absents du marché marocain, ce n’est pas le cas de Vitol. En effet, Vivo Energy est le deuxième opérateur du marché qui revendique dans une déclaration récente à H24info une part de 23,5%. En termes de réseau, l’enseigne dispose de plus de 330 stations-service partout au Maroc.

Cela suffit-il pour conclure que le Maroc serait également touché par ce scandale ? « Il n’y a pas de carburants toxiques au Maroc », tranche Adil Ziadi, président du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM). « Ce qui est pointé du doigt par ce rapport concerne en premier lieu les normes tolérés par ces pays africains, ce qui n’est pas le cas du Maroc », note-t-il. Le Maroc a en effet procédé, en 2009, à la révision de la loi régissant la qualité des carburants commercialisés sur son sol pour ne tolérer sur le marché marocain que l’essence sans plomb et le gasoil 50 ppm en remplacement de toutes les autres qualités de carburants. En 2015, le ministère de l’Énergie et des mines a revu à la hausse ses exigences et a demandé aux opérateurs marocains de ne commercialiser que le carburant 10ppm à partir de 2016.

Nous sommes donc loin, du moins du point de vue législatif, des cas des autres pays africains évoqués par le rapport de Public Eye, et qui continuent d’autoriser la vente de carburants à haute teneur en soufre. « À l’échelle continentale, la limite moyenne s’élève à 2000 ppm, soit 200 fois le niveau autorisé en Europe (voir graphique). Certains pays comme le Mali ou le Congo-Brazzaville ont un seuil fixé à 10 000 ppm ! », s’exclament les enquêteurs de l’ONG.

soufre suisse afrique

Sur le volet législatif, le Maroc est certes aligné aux standards européens, mais la question du contrôle subsiste. La réglementation marocaine impose aux importateurs d’hydrocarbures la certification des produits avant le déchargement au niveau des ports. Mais de l’aveu même du ministère, « le cadre juridique actuel régissant le secteur pétrolier aval ne détermine pas explicitement les responsabilités des acteurs et des intervenants dans le secteur, notamment celles relatives au contrôle de la qualité des produits pétroliers ». Ce constat est fait par la tutelle au lendemain de la libéralisation du marché des hydrocarbures en 2015 dans la note de présentation qui accompagne un projet de loi, qui propose de remédier à cette insuffisance. « Le contrôle de qualité est verrouillé dans le sens où il y a des certificats de qualité qui sont accordés au niveau des ports de chargement et de déchargement sans oublier les contrôles effectués par le laboratoire du ministère de l’Énergie et des mines », précise à Telquel.ma Adil Ziadi. « Dans la note à laquelle vous faites référence, le ministère cherche à délimiter les responsabilités en cas de détérioration de la qualité des carburants sur le sol marocain et non de la qualité du carburant importé », conclut notre source.

En effet, le ministère de l’Énergie a déposé au SGG un texte portant modification de la loi sur l’importation, l’exportation, le raffinage, la reprise en raffinerie et en centre emplisseur, le stockage et distribution des hydrocarbures, pour y introduire des mesures plus strictes en termes de contrôle. Mais le texte n’a pas encore vu le jour. Il ne sera sûrement pas adopté au cours du mandat du gouvernement actuel qui prend fin dans quelques semaines.

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