Benkirane : «Hammad Kabbaj est un homme éclairé et mesuré»

Bien qu'il assure continuer à combattre le « Tahakoum », Abdelilah Benkirane a été sur ses gardes et prudent lors du grand oral de Sciences Po, ce samedi 17 septembre.

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© Yassine Toumi

C’est un Abdelilah Benkirane prudent qui a été ce samedi 17 septembre l’invité du grand oral des anciens de Sciences Po et de l’école Centrale et Supélec en partenariat avec Telquel Medias et Akhbar Al Yaoum. Mesuré et sur ses gardes, le chef du gouvernement a tranché avec ses précédentes sorties médiatiques dont l’improvisation était le mot d’ordre. Abdelilah Benkirane a bien préparé cette sortie qui survient dans un contexte tendu. Ce grand oral du chef de gouvernement est la première sortie depuis la cure de silence qu’il s’est imposée suite au discours de la fête du trône dans lequel le souverain l’a épinglé. C’est aussi, une sortie qui survient quelques jours seulement après le recadrage de son meilleur allié Nabil Benabdellah par le cabinet royal. Avant chaque réponse, Benkirane jetait un coup d’oeil à ses petites fiches jonglant soigneusement entre sa casquette de chef du gouvernement et celle de secrétaire général du PJD.

Abdelilah Benkirane © Yassine Toumi 2

Rapidement, les sujets qui fâchent ont été évoqués. Dans l’affaire du communiqué royal, le chef du gouvernement a tenu à être clair. Tout en affichant son soutien à Nabil Benabdellah qu’il considère comme « un leader politique fidèle à son roi et à sa patrie », Benkirane explique que « Sa Majesté n’aime pas qu’on parle de ses conseillers ». Il en sait quelque chose, lui qui a été obligé au début de son mandat à présenter des excuses aux conseillers du roi suite à une interview accordée au journal Assabah. Pour autant le patron du parti de la lampe a tenu à adresser un message à qui de droit « est-ce que le Tahakoum a disparu ? ». « Bien sûr que non, et tant qu’il n’a pas disparu, je continuerai à le combattre », a-t-il asséné.

Ensuite Abdelilah Benkirane est revenu brièvement sur l’histoire du PJD avant de commencer à expliquer le contexte dans lequel il a été nommé chef de gouvernement et ses priorités : rétablir les équilibres macro-économiques et rétablir la paix sociale. « En 2012, parfois on ne trouvait pas de quoi payer les fonctionnaires. Le ministre des Finances de l’époque était obligé de contracter des dettes », raconte-t-il pour expliquer les décisions qu’il a prises concernant la caisse de compensation. « Cette réforme a économisé au Maroc entre 2012 et 2016 100 milliards de dirhams », fait savoir Abdelilah Benkirane. Il a tenu aussi à revenir sur la réforme des retraites dont il s’est dit fier : « j’aurai pu ne pas faire appliquer la réforme des retraites et il y avait de quoi justifier cela rien qu’en brandissant le refus des partenaires sociaux. Mais je l’ai fait et j’en suis fier. Et si les fonctionnaires ne votent pas pour moi, je l’accepte ». Il a même rapporté un échange entre lui et Christine Lagarde directrice générale du FMI. « Nous ne vous dictons pas les politiques, c’est vous qui nous les inspirez », aurait dit Lagarde à Benkirane.

Quant à la paix social, Benkirane est revenu sur « les grèves arbitraires » dans les tribunaux, les collectivités locales et l’éducation. Le chef du gouvernement a expliqué qu’on ne pouvait pas continuer comme ça, d’où la décision de la « ponction sur les salaires des grévistes ». Cette décision a « rationalisé le recours à la grève ». Il assume les décisions qui ont mené à l’augmentation des factures de l’eau et de l’électricité. « Quatre millions de familles en situation difficile ont été exclues de l’augmentation », a-t-il nuancé.

Abdelilah Benkirane © Yassine Toumi 6

Sur le volet des élections, il s’est expliqué sur la brouille qui existe entre son parti et le ministère de l’Intérieur, dont le dernier épisode en date est l’invalidation de la candidature  de Hammad Kabbadj à Marrakech. «Je supervise les élections, mais je suis soumis, en tant que secrétaire général, au pouvoir de l’Etat». Il a expliqué que Kabbadj pouvait saisir la justice, mais il a préféré s’adresser au roi. Un Hammad Kabbadj qu’il a qualifié par ailleurs de «modéré et éclairé» et qu’il a le droit de se présenter comme tous les Marocains aux élections.  Pour autant, Benkirane a ajouté «est ce que le ministère de l’intérieur est un ministère normal?  On l’appelait la mère de tous les ministères.  Vous croyez que Benkirane qui est arrivé au pouvoir en 2011 peut changer ce ministère qui ramenait parfois un premier ministre de sa chambre à coucher pour assister à une réunion dont il ne savait rien? Vous vous attendez à ce que moi je puisse le changer ? Benkirane ne changera pas ce ministère, parce que l’intérieur est habité par un esprit (rire dans la salle)».

Abdelilah Benkirane © Yassine Toumi 13

Cependant, il a expliqué : «quand j’appelle le ministre de l’Interieur, il vient me voir. Il me consulte lors de la nomination des préfets et je peux lui proposer des noms». Message : le ministère de l’Intérieur change lentement, mais il change.

Finalement sur la prochaine coalition gouvernementale, le secrétaire général du PJD a expliqué que «seul le PPS est sûr d’être un de nos alliés. Pour les autres, les discussions sont toujours en cours. Mais je peux vous dire que nous n’allons pas nous allier avec le PAM», a conclu le secrétaire général du parti de la lampe.

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