« Avec une Soudanaise, je pourrais avoir plus de communication. Avec une Marocaine, j’ai plus de compréhension », raconte Soulayman, réfugié soudanais marié à une Marocaine. Un si long chemin – Paroles de réfugiés au Maroc est riche de ces comparaisons entre peuples, de ressentis, de reproches, de remords et d’espoirs. Riche de la vie racontée par ceux qui ont fui la mort. Dans l’ouvrage du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) réalisé en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’auteur, Jalil Bennani, transcrit les témoignages de trente réfugiés, venus de Syrie, de Palestine ou du Congo par exemple. Ici, pas de longues phrases, pas de figures de style, seulement des mots simples.
Pas de généralités non plus, seulement des aventures uniques. Unique comme celle d’Abdelkader Erythréen dont l’exil a été facilité lorsqu’il a présenté à l’ambassadeur du Maroc en Syrie ses connaissances sur le rôle d’Abdelkrim Khattabi dans la guerre du Rif. Certains ne cessent d’être reconnaissant envers le Maroc qui les accueille, alors que d’autres déplorent les conditions de vie offertes, quelques uns sont intégrés et ne comptent plus leurs amis marocains, alors que d’autres ne fréquentent que leurs compatriotes… Si des grandes lignes sont à tirer ce sont celles de la langue et de la religion comme lien entre les peuples. Ces appartenances mises à part, chaque réfugié interagit différemment avec le royaume et sa population.
Le Maroc peut être un choix (sa stabilité, sa culture peuvent attirer) ou non. Yilmaz, originaire du Turkestan oriental, a lui payé des passeurs pour atteindre les Etats-Unis mais a finalement été déposé à Tanger. Il s’est d’ailleurs cru un temps… au Canada. Beaucoup de réfugiés sont arrivés au Maroc comme simples étudiants étrangers, alors que la guerre a éclaté ensuite dans leur pays d’origine. Ce n’est pas le cas de Diane, cette jeune Centrafricaine. Elle est ses deux filles sont venues s’installer au Maroc alors que son mari (et donc l’ensemble de sa famille) était menacé. Au Maroc, elle poursuit ses études de pédiatre et vit grâce à l’aide de ses collègues et patrons. Elle se sent intégrée, est invitée lors des fêtes religieuses et a de bonnes relations avec les voisins, mais se fait insultée dans la rue.
Des réfugiés n’arrivent pas à comprendre pourquoi les Marocains font une distinction entre eux et les personnes originaires du sud du Sahara. Comme Gloria, 47 ans, qui « lorsqu’elle se sent repoussée par le voisinage, pense au fait que les Marocains sont acceptés au Congo ». Ou Boubakar, qui constate qu’ « au Maroc on fait semblant d’être amis mais ce n’est pas ça ».
De son côté, Soulayman, arrivé au Maroc en 1989, se sent maintenant plus Marocain que Soudanais. Il vit de petits boulots, aimerait ouvrir sa boutique mais n’a pas l’apport pour. Il est exaspéré par les migrants prétendant à tort qu’ils sont du Darfour. Comme lui, beaucoup pensent finir leur vie au Maroc, tant ils s’y sentent bien.
Malgré leur carte de réfugié, certains continuent de faire des allers-retours entre plusieurs Etats, comme Ibrahim, qui se rend parfois en Algérie où il est plus facile de trouver un emploi.
« D’une part on accueille bien les ‘ frères ‘, arabes ou musulmans, d’autre part, on taxe d’étrangers les Africains qui demandent assistance, loin de leur patrie d’origine. Aux uns on demande leur nom, leur de provenance et leurs besoins. aux autres on ne pose pas de question, on manifeste de l’indifférence ou du rejet », résume l’auteur de l’ouvrage. Et de faire remarquer que « les Marocains peuvent alors reproduire des attitudes que leurs propres compatriotes subissent en France, ce qui pose toute la question de relents coloniaux dans la société marocaine ».
Le livre, préfacé par un Anis Birou humain et Driss El Yazami qui conte sa propre expérience d’émigré, est disponible en librairie.
Les réfugiés au Maroc |
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Plus de 6 000 personnes sont sous mandat du HCR au Maroc (environ 1 900 demandeurs d’asile et près de 4 300 réfugiés et personnes en besoin de protection internationale). Les plus nombreux sont de loin les Syriens ( 2 927 personnes en avril 2016), suivis des Ivoiriens, des Congolais de RDC, des Yéménites et des Camerounais.[/encadre] |
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