Barack Obama : « Le monde que je veux laisser à mes filles »

Barack Obama est un bon orateur, doublé d'un féministe. Dans une lettre publiée sur le site glamour.com, le président expose sa vision de la vie, sa relation avec sa femme et sa fille, et son envie de voir tous les clichés sexistes volatilisés.

Par

Pete Souza/Maison Blanche

Dans une lettre publiée en exclusivité sur le site glamour.com, Barack Obama livre une analyse détaillée du paysage politique et social américain, mais aussi de la vision parentale de l’enfance et de l’éducation. Le président y révèle ses convictions de féministe et parle de la nécessité de lutter contre les clichés concernant les femmes.

D’abord, le président rappelle le poids lourd de la fonction suprême : « Il y a beaucoup d’aspects difficiles dans la fonction présidentielle. Mais il y a des avantages aussi. Rencontrer des gens extraordinaires à travers le pays. Se tenir dans un bureau où vous aurez à faire une différence dans la vie de notre nation (…) Pendant de nombreuses années, ma vie a été consommée par les longs trajets de chez moi à Chicago à Springfield, Illinois, en tant que sénateur de l’État, puis à Washington, en tant que sénateur américain. Il est souvent signifié que je devais travailler encore plus pour être le mari et le père que je veux être. »

Et d’ajouter : « Mais pour les sept derniers ans et demi, ce trajet a été réduit à 45 secondes, le temps qu’il faut pour aller de mon salon dans le bureau ovale. En conséquence, je suis en mesure de passer beaucoup plus de temps à regarder mes filles grandir et devenir d’intelligentes, drôles, gentilles et merveilleuses jeunes femmes. »

Pete Souza/Maison Blanche
Pete Souza/Maison Blanche

Obama expose aussi les difficultés liées à l’âge adulte : « Cela n’est pas toujours facile, de les regarder se préparer à quitter le nid (familial). Mais une chose qui me rend optimiste pour elles, c’est ce moment extraordinaire d’être une femme. Les progrès que nous avons réalisés au cours des cent dernières années, cinquante ans, et même au cours des huit dernières années, a rendu la vie de mes filles encore meilleure qu’elle ne l’était pour mes grands-mères. Et je dis cela non seulement en tant que président, mais aussi en tant que féministe. »

Le chemin ardu vers la promotion des droits des femmes

Ainsi à travers son témoignage, le président américain revisite l’histoire de son pays : « Au cours de ma vie, nous sommes passés d’un marché du travail qui limitait les femmes à des emplois souvent mal payés à un moment où les femmes représentent environ la moitié de la population active, mais sont aussi à la tête de tous les secteurs, du sport à l’espace, en passant par Hollywood jusqu’à la Cour suprême. J’ai vu comment les femmes ont gagné la liberté de faire leurs propres choix sur la façon dont elles mènent leurs vies, sur leurs corps, leurs formations, leurs carrières, leurs finances. Le temps est révolu où elles avaient besoin d’un mari pour obtenir une carte de crédit. En fait, les femmes, qu’elles soient mariées ou célibataires, sont devenues, plus que jamais financièrement indépendantes. » Et de souligner avec instance : « Il ne faut pas minimiser l’importance du chemin parcouru. Ce serait un mauvais service à tous ceux qui ont passé leur vie en combattant pour la justice. En même temps, il y a encore beaucoup de travail que nous devons faire pour améliorer les perspectives des femmes et des filles ici et partout dans le monde. »

« En fait, le changement le plus important, est peut-être le plus dur de tous, c’est de nous changer nous-mêmes », énonce le président des États-Unis.

Pete Souza/Maison Blanche
Pete Souza/Maison Blanche

L’égalité femmes-hommes, une nécessité

Obama appelle, aussi, à soutenir le rôle positif de la société. Il faut, selon lui, promouvoir le respect mutuel et combattre les stéréotypes et préjugés. « Trop souvent, nous sommes coincés par des stéréotypes sur la façon dont les hommes et les femmes devraient se comporter. Une de mes héroïnes est la députée Shirley Chisholm, qui était la première Afro-Américaine à concourir pour la nomination présidentielle dans un grand parti. Elle a dit : « Le stéréotype émotionnel, sexuel et psychologique des femmes commence quand le médecin dit : “c’est une fille”. Nous savons que ces stéréotypes affectent la façon dont les filles se voient à partir d’un très jeune âge, en leur faisant sentir que si elles ne regardent pas ou agissent d’une certaine façon, elles sont en quelque sorte moins dignes. En fait, les stéréotypes de genre nous touchent tous, quel que soit notre sexe, notre identité de genre ou notre orientation sexuelle. »

Et de rappeler des épisodes de sa vie antérieure : « Dans ma vie, les personnes les plus importantes ont toujours été des femmes. J’ai été élevé par une mère célibataire, qui a consacré une grande partie de sa carrière en faveur de l’autonomisation des femmes dans les pays en développement. Je regardais ma grand-mère, qui m’a élevé, qui a fait son chemin dans une seule banque. J’ai vu comment Michelle a équilibré les exigences d’une carrière bien remplie et élevé une famille. Comme beaucoup de mères qui travaillent, elle s’inquiète des attentes et des jugements de la façon dont elle doit gérer les compromis, sachant que peu de gens mettraient en doute mes choix. Et la réalité est que quand nos filles étaient jeunes, j’étais souvent loin de la maison pour servir la législature de l’État, tout en jonglant avec mes responsabilités de professeur de droit. Je peux regarder le passé et voir que (…) le fardeau disproportionné et inéquitable est tombé sur Michelle. »

Amanda Lucidon/Maison Blanche
Amanda Lucidon/Maison Blanche

Désapprouver les stéréotypes, les redites et les lieux communs

Il rappelle, au passage que « ces mêmes stéréotypes ont touché ma propre conscience en tant que jeune homme. J’ai grandi sans père et je passais beaucoup de temps à essayer de comprendre qui j’étais, comment le monde me percevait, et quel genre d’homme je voulais être. Il est facile d’absorber toutes sortes de messages de la société à propos de la masculinité et de penser qu’il y a une bonne et une mauvaise façon d’être un homme. Mais en vieillissant, je me suis aperçu que mes idées sur le fait d’être un gars dur ou un mec cool ne me reflètent pas. Elles étaient une manifestation de ma jeunesse et de l’insécurité. La vie est devenue beaucoup plus facile quand j’ai simplement commencé à être moi-même. »

Obama invite dans sa lettre à bousculer l’ordre établi : « Nous devons continuer à changer l’attitude qui tolère le harcèlement systématique des femmes, qu’elles marchent dans la rue ou osent aller en première ligne. Nous devons continuer à changer l’attitude qui enseigne aux hommes de se sentir menacés par la présence et le succès des femmes. »

Obama n’oublie pas aussi les clichés qui pèsent sur les hommes : « Nous devons continuer à changer l’attitude qui loue des hommes qui changent une couche, qui stigmatise les papas à temps plein, qui pénalisent les mères qui travaillent. Nous devons continuer à changer l’attitude qui valorise le fait d’être confiant, compétitif et ambitieux dans le lieu de travail, sauf si vous êtes une femme. Alors vous devenez trop autoritaire, et tout à coup ces mêmes qualités que vous pensiez être nécessaires pour le succès finissent par vous freiner. »

Combattre le racisme et impulser le rôle de la famille

Les Noirs n’étaient pas en reste du discours présidentiel : « Nous devons continuer à changer une culture qui jette une lumière particulièrement impitoyable sur les femmes et les filles de couleur. Michelle en a souvent parlé. Même après avoir atteint le succès dans son propre droit, elle formulait encore des doutes. Elle devait se soucier de savoir si elle était bien convenable ou avait agi de manière correcte. »

Pete Souza/Maison Blanche
Pete Souza/Maison Blanche

Quant à sa fonction de père, une tâche ardue, il raconte : «  En tant que parent, élever vos enfants au-dessus de ces contraintes est un processus d’apprentissage constant. Michelle et moi avons élevé nos filles à parler quand elles constatent un double standard ou se sentent injustement jugées en fonction de leur sexe ou de la race, ou quand elles remarquent que cela arrive à quelqu’un d’autre. Il est important pour elles de voir des exemples dans le monde qui leur montrent l’étendu de leur choix. Et oui, il est important que leur père soit un féministe, parce que maintenant c’est ce qu’elles attendent de tous les hommes. »

Il faut combattre le sexisme, dit le président : « C’est la responsabilité des hommes de combattre le sexisme. Conjoints, partenaires et amis, nous avons besoin de travailler dur et être intransigeant sur la création de relations véritablement égales. »

Pete Souza/Maison Blanche
Pete Souza/Maison Blanche

« Les bonnes nouvelles sont que je constate à travers tous mes voyages dans le pays, comme partout dans le monde, que des gens repoussent les clichés éculés sur les rôles de genre (…) Notre génération refuse d’être enchaînée par les anciennes façons de penser. Et il faut comprendre que forcer les gens à adhérer à des notions dépassées ou à des notions rigides sur l’identité n’est positif pour personne, ni homme, ni femmes, ni gays, ni hétéros, ni transgenres ou autres. Ces stéréotypes limitent notre capacité à simplement être nous-mêmes. C’est cela la base du féminisme du XXIe siècle : l’idée que quand tout le monde est égal, nous sommes tous plus libres. »