Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a émis son avis sur le projet de loi 27 14 relatif à la lutte contre la traite des êtres humains. Les propositions et recommandations énoncées par le CNDH dans cet avis ont pour objectif de mettre en œuvre « des dispositions du préambule de la Constitution mais aussi des observations finales et recommandations adressées par les institutions et organes internationaux » relatives à ce phénomène. Mais aussi de préciser : « Certaines définitions et dispositions contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants » figurant dans ce projet de loi.
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Dans son avis, le Conseil affirme avoir « constaté la non-insertion dans le projet de loi des termes spéciaux relatifs à la traite des personnes en particulier » dans l’article 1er du projet de loi. Il recommande au législateur de « renforcer les dispositions de cet article en introduisant un nouvel alinéa pour définir la traite des personnes comme étant une exploitation d’une situation de vulnérabilité, d’esclavage, des pratiques similaires et de victimisation secondaire de la victime » comme prévu par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Exempter les victimes des peines pour infractions liées à la traite
Le CNDH se penche également sur le consentement de la victime de la traite des personnes et propose d’introduire une disposition au quatrième paragraphe de l’article 448-1 du code pénal en vertu de laquelle « le consentement de la victime est indifférent dans le cas des infractions constituant la traite ». Il recommande par ailleurs « de supprimer la référence (faite dans la dernière phrase de l’article) à une éventuelle volonté ou à l’absence d’une menace, toutes choses susceptibles, d’engager la responsabilité pénale et civile de la victime de la traite ».
Le Conseil recommande, en outre, d’introduire une disposition dans l’article 82-5-1 du Code de procédure pénale, « en vertu de laquelle est garantie aux victimes la possibilité d’un rapatriement librement consenti, indépendamment de leur participation à d’éventuelles actions en justice ». D’une manière générale, les victimes de la traite « devraient être exemptées des peines encourues pour prostitution, pour immigration illégale et pour d’autres infractions connexes résultant de la traite », explique le CNDH
Différencier les sanctions en fonction de la gravité des infractions
L’institution dirigée par Driss Yazami, pointant du doigt l’absence de condamnation aux travaux forcés parmi les peines prévues par le Code pénal, souhaite que soit « abrogée la mention qui y est faite dans l’article 448-1 de la loi qui prévoit l’exclusion de la définition du « travail forcé » des travaux correspondants découlant d’une décision judiciaire ».
De même, le CNDH recommande « la reformulation » de l’article 448-2 du projet du Code pénal « en renforçant ses dispositions par la prise en considération de la personnalité de l’incriminé et des conséquences de la gravité de l’infraction ». Le Conseil veut aussi que le législateur « différencie les sanctions en fonction de la gravité des infractions » et ceci, parce que la non-distinction des différentes formes d’infractions de traite « ferait courir le risque que certaines peines paraissant lourdes ne soient pas appliquées ».
Protéger des témoins d’infraction de la traite
Le conseil qui soutient les mesures d’incitation des témoins à dénoncer les infractions liées à la traite, telles qu’intégrées à l’article 448-12, encourage toutefois « la mise en place de mesures institutionnelles de protection et de mise à l’abri des témoins ». Il recommande donc d’introduire au niveau de l’article 3 du projet de loi une disposition dans l’article 82-7 du Code de procédure pénale « afin d’assurer la protection des témoins, des experts et des dénonciateurs en ce qui concerne les infractions de traite des personnes ».
Enfin le CNDH recommande de réintroduire, comme stipulé dans une version antérieure de l’avant-projet de loi, une disposition «habilitant le Conseil à exercer les attributions du rapporteur national indépendant en matière de lutte contre la traite des êtres humains ». Le Conseil « ne souhaite pas adhérer à la commission nationale » mais veut « travailler étroitement avec les autorités concernées et les organisations de la société civile » pour collecter les informations nécessaires à l’élaboration de son rapport.
Rappelons que le projet de loi 27 14 relatif à la lutte contre la traite des êtres humains, adopté par le parlement le 31 mai dernier, a été contesté par une partie de la société civile. L’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) avait considéré que le texte « était loin de constituer une loi globale et qu’il a été réduit tout juste à un avenant au code pénal et la loi sur la procédure pénale ». Des remarques qui n’ont pas suffi à faire changer d’avis les députés.
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