La Cour des comptes tacle dans son dernier rapport sur les établissements et entreprises publics (EEP) la gouvernance dans les conseils d’administration. Faible représentation de l’État, vide juridique du texte législatif régissant les prérogatives des administrateurs indépendants, mauvais choix des administrateurs… Les tares des conseils d’administration se font nombreuses.
1- Faible représentation de l’État
Pour les filiales et sous-filiales, les organes de gouvernance sont en général présidés par les dirigeants des entreprises-mères. La représentation de l’État est en général faible, voire inexistante. Il en découle que les ministères de tutelle n’ont plus d’influence sur le fonctionnement de ces filiales même si leurs missions revêtent une importance d’intérêt national. De ce fait, les aspects stratégiques et les projets d’investissement pourraient se traiter en dehors des orientations de l’État. Ce sont, en général, les dirigeants des holdings publics qui fixent les contours de la stratégie des filiales, avec le risque que cela ne se fasse pas en cohérence avec la politique publique décidée pour le secteur.
Plusieurs entreprises publiques ont adopté le modèle de société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Ce mode ne semble pas encore mature dans le secteur public car le conseil de surveillance, du fait de sa composition, se révèle, dans les faits, dans l’incapacité d’exercer un contrôle permanent sur les activités du directoire. Dans la pratique, le président du directoire s’érige en détenteur de larges pouvoirs de direction avec les conséquences que cela pourrait engendrer dans le processus de prise de décision.
2- La désignation des administrateurs à réviser
Le choix des administrateurs est une question particulièrement complexe dans les établissements publics, d’autant plus que les contraintes imposées par les textes ne sont pas de nature à favoriser la constitution d’organes de gouvernance répondant aux standards internationaux. Concernant les entreprises publiques sous forme de sociétés anonymes, ce sont les statuts qui déterminent la durée du mandat, sans pouvoir excéder six ans lorsqu’il s’agit de nomination par l’assemblée générale et trois ans lorsqu’il s’agit de nomination par les statuts. Dans les faits, ces critères ne sont pas toujours respectés. Il faut noter que le code des bonnes pratiques de gouvernance des EEP a fixé les conditions de choix des administrateurs et a prévu que chaque représentant de l’État ne peut siéger dans plus de sept organes délibérants à la fois hors comités, et que la durée du mandat des représentants de l’État est limitée à quatre années, renouvelables une seule fois pour chaque organisme.
3- Administrateurs indépendants face à un vide juridique
Quant aux administrateurs indépendants prévus par le même code, le cadre actuel ne définit pas clairement leur statut. Il prévoit, toutefois, que les présidents des conseils d’administration peuvent faire appel à des personnes qualifiées disposant d’une expertise dans certaines spécialités afin d’éclairer les conseils lors du déroulement des travaux. « Or, ces principes s’opposent dans plusieurs cas aux textes régissant les établissements publics et n’ont pas été traduits par la promulgation de procédures claires pour la nomination des administrateurs et encore moins, des administrateurs indépendants », soulève le rapport. En effet, l’examen des statuts et des rôles des administrateurs a permis de constater une absence de règles régissant la nomination et les rôles des administrateurs indépendants, ce qui aboutit à la multiplicité et l’hétérogénéité de leurs statuts. S’y ajoute l’absence de la définition de la qualité des administrateurs dans la majorité des EEP. Aussi, les textes de création se limitent à désigner des administrateurs au sein des organes de gouvernance sans exigence de l’expertise qu’ils doivent posséder.
4- Choix et rémunérations des dirigeants à revoir
Pour le choix des dirigeants des EEP des établissements publics et des sociétés anonymes où l’État détient directement une part du capital, les principes et les règles de nomination sont les mêmes que ceux des personnes appelées à occuper des postes de responsabilité dans l’Administration. « Or, ce sont deux natures d’emploi distinctes requérant des exigences différentes en termes de compétences et de qualifications professionnelles », précise la Cour des comptes. Par conséquent, le choix de dirigeants pour les EEP, même non stratégiques, requiert une procédure adaptée par rapport aux critères d’un management moderne des entreprises. De même, la fixation des rémunérations des dirigeants publics n’est pas encadrée par une norme applicable à tous les EEP, déterminant notamment les seuils minima et maxima en fonction de la nature de l’activité et de l’importance de l’entreprise.
Dans la pratique internationale, notamment au niveau des pays de l’OCDE, la rémunération des dirigeants des entreprises publiques comprend une part fixe et une autre variable pouvant être révisée à la hausse ou à la baisse, en fonction du degré de réalisation des objectifs fixés par les lettres de mission établies lors de la nomination par les organes de gouvernance.
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