Pour la deuxième année consécutive, des caravanes médicales mobiles sillonnent le pays pendant le ramadan pour apporter les premiers soins aux Marocains des régions reculées. Reportage.
Il est bientôt midi dans le centre ville de Souk El Arbaa, dans la région du Gharb. Farid Tanjawi Jasouli prend une pause sous sa tente en attendant la prochaine vague de patients qui attendent derrière les barrières. Ce lundi 20 juin, en sept jours d’activité, le médecin a déjà assuré la consultation préalable de près de 14 000 personnes, venues se faire soigner par les caravanes médicales de la Fondation Mohammed V pour la solidarité. Et c’est n’est que le début.
Pour sa deuxième édition, l’opération « Caravane médicale – ramadan 1437 » doit apporter le maximum de soins aux Marocains nécessiteux de cette région du pays, en particulier les enfants, les femmes et les handicapés. Si ces caravanes existent depuis 2005, cela fait deux ans qu’une tournée plus importante est organisée pendant le ramadan. Depuis le 11 juin et pendant vingt jours, les sept véhicules mobiles de la fondation parcourent cinq localités successives: Sidi Kacem, Sidi Slimane, Souk Larbaâ, Ksar El Kébir et Ouezzane, où ils restent pendant trois jours.
Les habitants sont plusieurs milliers à s’attrouper devant les grilles du centre où est garé le convoi. Le second jour dans la même commune, comme aujourd’hui, l’affluence est toujours plus importante car le bouche-à-oreille a fait son travail, nous explique docteur Jasouli, directeur du pôle humanitaire de la Fondation Mohammed V pour la solidarité. L’association a été instituée en 1999 sous Hassan II mais a été réellement mise en place par Mohammed VI. « Les citoyens sont rassurés lorsqu’ils voient nos tenues de médecins, ils savent que c’est la touche personnelle du roi pour pallier leurs besoins » ajoute-t-il. Une vieille dame des environs, qui a déjà eu sa consultation la veille, se repose à l’ombre. « Si je suis revenue aujourd’hui, c’est parce que je suis fière de pouvoir profiter d’une intervention lancée par Sidna » se réjouit-elle.
Une opération coûteuse
Après avoir obtenu leur petite fiche signifiant qu’ils ont consulté une première fois, les bénéficiaires sont aiguillés vers le spécialiste qui leur procurera les soins dont ils ont besoin. Sur place, une vingtaine de médecins, huit assistantes sociales et quelques infirmiers travaillent dans sept véhicules spécialisés. Parmi les cabinets à quatre roues, deux sont dédiés à la radiologie, les autres pour l’échographie, la rhumatologie, l’ophtalmologie, l’analyse biologique et la médecine dentaire. Il y a aussi une ambulance en cas d’urgence ainsi que des bâtiments mobilisés pour la médecine générale, la pédiatrie et la pharmacie.
La remorque d’ophtalmologie du docteur El Marzouki, bénévole auprès de la fondation depuis deux ans, est l’une des plus visitées. Parmi ses tâches les plus récurrentes, le dépistage la cataracte, une opacification partielle ou totale de l’œil qui touche un grand nombre d’habitants de cette région sèche et ensoleillée. Si le mois sacré l’empêche de pratiquer des chirurgies réparatrices, c’est l’une des opérations qu’effectuent les caravanes médicales hors période de jeûne.
Pour ce faire, les médecins disposent de tout le matériel nécessaire, obtenu grâce aux centaines de milliers de dirhams que l’association débloque pour les campagnes de soins. Pour se financer, l’organisme dépend à 70% du conseil d’administration et du comité de soutien permanent, composés des PDG des plus grosses entreprises marocaines dont la Banque Populaire, BMCE, la RAM, Méditel, Bank Al-Maghrib et beaucoup d’autres encore. Le reste provient des dons et des ventes de produits dérivés.
Sensibilisation et actions ponctuelles
Mais malgré l’ampleur des moyens déployés, les praticiens auront du mal à recevoir toutes les personnes qui ont fait le déplacement aujourd’hui. Devant la fenêtre du pharmacien, la foule se bouscule et les patients brandissent leurs ordonnances dans le désordre. Plus loin, une habitante de Souk El Arbaa, qui a entendu parler de l’opération à la télévision, attend son tour avec sa carte numérotée. Elle regrette le manque d’organisation : « Je suis là depuis 6h du matin et on m’a informée que certains n’ont pas eu de médicaments parce qu’il n’y en a plus ». La mère de famille veut comprendre pourquoi elle n’arrive pas à avoir un second enfant. Elle s’est déjà déplacée chez un médecin généraliste à Kénitra mais voudrait l’avis d’un gynécologue, une profession qui fait défaut dans sa région. « Je me demande si on va tous passer », s’inquiète la maman.
Dans sa caravane, Noor Rahmani, dentiste au Centre national Mohammed VI des handicapés, essaie de convaincre une petite fille en pleurs de la laisser ausculter sa bouche. Mais après la dizaine de coups de pied envoyés par la jeune enfant, l’extraction de la dent cariée paraît bien compromise. « Dans un vrai cabinet, on aurait eu plus de temps pour l’aborder psychologiquement mais avec tous le monde qui attend dehors, on ne peut pas se le permettre » se désole le docteur. Pourtant, comme à chaque fois, elle prend un moment avec la mère pour lui expliquer le brossage des dents.
Dans cette opération, la sensibilisation est presque aussi importante que les soins. Et docteur Jasouli d’ajouter : « Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les caravanes médicales ne prétendent pas résoudre les problèmes de santé qui existent au Maroc, mais mener des actions ponctuelles et servir de locomotive. » En vingt jours, la fondation espère fournir des soins médicaux primaires à plus de 25 000 Marocains.
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