Ahmed Raissouni, vice-président de l’Association mondiale des ouléma musulmans et ancien numéro 1 du bras idéologique du PJD (MUR) s’est dit, au cours d’une conférence tenue en juin au Qatar, favorable à la dépénalisation de la rupture du jeûne en public durant ramadan. Si beaucoup d’ouléma et de prêcheurs ont pris leur distance vis-à-vis de ces déclarations, d’autres les ont accueillies avec bienveillance.
Un lapsus sur lequel vont surfer les mécréants
Mohamed El Fizazi, prédicateur salafiste
« Ahmed Raissouni est un homme sérieux, mais sa position sur cette question est un lapsus sur lequel vont surfer les mécréants et les laïcs. Depuis quinze siècles, on n’a pas eu besoin de manifester pour dépénaliser la rupture du jeûne en public (…) C’est comme si demain, je sortais dans la rue à poil. C’est une liberté, non ? Les personnes malades, en voyage ou ayant leurs menstruations ne s’empressent pas de manger en public, elles le font dans un cadre privé. Même les touristes évitent de manger en public par respect aux jeûneurs. Personne, que ce soit les autorités ou les citoyens, ne dérangera pas quelqu’un qui ne souhaite pas jeûner et qui le fait chez lui. C’est pour cette raison que je dis oui aux individualités privées, mais pas à la provocation. C’est dangereux avant tout pour eux. Les radicaux et même le peuple pourraient s’en prendre à eux en appliquant “la loi de la rue”. Il faut que ces gens comprennent que le régime marocain puise ses constantes dans l’islam, et vouloir dépénaliser la rupture du jeûne en public équivaut à l’ébranlement de la crédibilité de la monarchie. »
Des propos très sages
Asma Lamrabet, présidente du Centre d’études et de recherches féminines en islam :
« Je trouve les propos de Ahmed Raissouni très sages, sa sortie n’est pas de l’ordre de l’audace ni du courage, mais tout simplement du bon sens. On ne peut pas légiférer sur des convictions religieuses qui sont du registre de l’intime et de la liberté de choix. Cela est contraire d’abord à l’éthique de l’islam —que l’on prétend défendre— et à celles des droits universels tels que disposés dans la dernière constitution du Maroc ».
Les libertés individuelles devraient se pratiquer dans le cercle personnel
M’hamad El Hilali, cadre du mouvement pour l’unicité et la réforme (MUR)
« Ahmed Raissouni est connu pour ses positions de principe. La pénalisation des dé-jeûneurs est un principe civil et non pas un principe religieux. Ce principe civil est foncièrement en faveur de la protection de l’ordre public et on ne peut pas s’y opposer. Il est inconcevable que des personnes qui veulent rompre le jeûne en plein ramadan le fassent dans un espace public, sachant qu’on vit dans un environnement tendu. À mon avis, les libertés individuelles, comme leur nom l’indique, devraient se pratiquer dans un cercle personnel. Et elles s’arrêtent là où commencent les libertés collectives. Et puis, la volonté de la majorité prime sur celle de l’individu. »
Je suis pour. Ce n’est pas à l’État de légiférer sur cette question
Mohamed Abdelwahab Rafiki, alias Abu Hafs, prêcheur et ancien détenu salafiste
« Je suis pour la dépénalisation de la rupture du jeûne en public, tout simplement parce que ce n’est pas à l’État de légiférer sur des questions comme celle-ci. »
« Manger dans la rue est un “mounkar” »
Abdelkrim Chadli, figure du salafisme
« J’ai été surpris par cette sortie de Ahmed Raissouni. Je veux bien que ceux qui ne fassent pas le ramadan le rompent en secret, car après tout c’est une affaire entre Allah et la personne concernée. Je connais des personnes qui ne font pas le ramadan mais qui sont discrètes et respectueuses envers ceux qui le font. Sortir dans la rue pour manger est un mounkar (chose réprouvable) et c’est purement de la provocation. En somme, c’est un sujet qui n’est pas soumis à l’ijtihad. »
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