La crise Iran—Arabie saoudite en cinq points

Manifestation contre l'exécution de l'opposant chiite saoudien Nimr Crédit: AFP

L’Iran a annoncé dimanche qu’il n’enverrait aucun de ses ressortissants en pèlerinage à La Mecque en septembre. Telquel.ma revient sur une crise diplomatique qui dure depuis cinq mois.

Nouveau rebondissement dans la crise diplomatique entre Téhéran et Ryad. La république islamique a annoncé dimanche 29 mai qu’elle n’enverrait aucun fidèle en pèlerinage à La Mecque cet automne. La raison avancée est la protection de ses ressortissants après la gigantesque bousculade de l’année dernière qui avait fait 2 300 morts, dont 464 Iraniens. C’est la première fois depuis près de 30 ans que le pays prend une telle mesure. «L’Iran a réclamé le droit d’organiser des manifestations, ainsi que des avantages (…) qui créeront le chaos au hajj, ce qui est inacceptable», a riposté le ministre saoudien des Affaires étrangères. Il fait référence aux manifestations de «l’aversion des athées» que les pèlerins chiites iraniens tentent d’organiser chaque années et qui fourmillent de slogans hostiles aux États-Unis et à Israël. Cette polémique n’est que l’arbre qui cache la forêt. Quelles sont les vraies raisons d’une discorde qui dure depuis cinq mois entre les deux puissances régionales ? Éclairage en cinq points.

C’est l’événement déclencheur de la crise. Le 2 janvier 2016, le royaume wahhabite organise la plus grande exécution de masse depuis 1980 en décapitant ou fusillant 47 personnes dans douze villes du pays. Parmi les condamnés, une majorité de terroristes présumés de l’organisation sunnite Al-Qaïda. Mais également quatre opposants chiites, dont  Nimr Baqr al-Nimr, l’un des principaux pourfendeurs du régime. L’exécution de ce chef religieux charismatique et défenseur de la minorité chiite est ressentie comme une provocation par le voisin moyen-oriental. A partir de là, tout se passe en quelques heures. Des manifestations monstre éclatent en Iran, guerre de mots entre les chefs d’État, annonce par l’Arabie saoudite du départ des diplomates iraniens sous 48h… La rupture des relations diplomatiques devient officielle le 3 janvier.

2- L’opposition chiisme et sunnisme

L’Arabie saoudite, qui abrite les principaux lieux saints de l’islam, dont Médine et La Mecque, cherche à se positionner comme la gardienne du sunnisme, qui compte près de 1,4 milliard de fidèles partout dans le monde, soit plus de 85% des musulmans. L’Iran se veut, quant à lui, le garant du chiisme, branche issue d’une scission dans l’islam en 632. Le courant compte 200 millions de fidèles et considère l’imam comme un guide indispensable à la communauté, tirant directement son autorité de Dieu. Ce statut iranien est consolidé par l’instauration de la république islamique en 1979.

4- Le poids des alliances

Le «croissant chiite» rassemble l’Iran, le Pakistan, l’Irak, la Syrie et une partie du Liban. L’Iran, allié avec ces pays, ne se contente pas de jouer un rôle de protecteur. Il les finance et soutient des groupes armées : le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Irak ou encore la guérilla houthiste au Yémen, dont le gouvernement, sunnite, est, lui, soutenu par l’Arabie saoudite [Le Maroc faisait partie de la coalition menée par l’Arabie saoudite, ndlr]. De son côté, le royaume saoudien protège, entre autres, le Bahreïn, le Soudan et le Koweït, qui savent lui rendre puisque ces pays avaient également demandé aux diplomates iraniens de quitter leur pays en janvier. Mais il arrive que les alliances politiques dépassent les différences religieuses. L’Iran soutient le président syrien alaouite (chiite) Bachar Al-Assad, mais aussi  le Hamas palestinien (sunnite). Toutefois, les relations entre Téhéran et le groupe palestinien sont devenues tendues depuis la guerre en Syrie. En outre, sur la scène internationale, l’Arabie saoudite est l’allié historique de pays Occidentaux, tels que les États-Unis et la France.

 

3- La question du pétrole en toile de fond

Depuis des mois, l’or noir est la pomme de discorde entre les deux puissances. En décembre 2015, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a décidé de maintenir son offre de brut malgré la chute des prix. Une mesure causée par le refus de Riyad de se fixer des quotas de production. D’une part pour faire concurrence au pétrole de schiste américain, mais également en réaction à la fin des sanctions et à la crainte d’un retour iranien sur le marché. Si cette décision a provoqué une crise pétrolière mondiale, elle a aussi durement affecté l’Arabie saoudite qui a vu son déficit plonger et a dû mettre en place des mesures d’austérité.

5- Une rivalité historique

Mais cette crise récente ne doit pas faire oublier la rivalité historique qui oppose les deux géants du Moyen-Orient. L’opposition séculaire entre Arabes et Perses est encore prégnante. Les Iraniens parlent encore persan et continuent à célébrer des fêtes datant d’avant le VIIe siècle, date de la conquête du territoire par les troupes musulmanes. Plus récemment, en 1979, la révolution islamique a suscité les inquiétudes de l’Arabie saoudite qui veut contrer l’influence grandissante de son voisin et de l’islam chiite. L’année suivante, pendant la guerre Iran-Irak, Riyad soutient financièrement Saddam Hussein. En 2003, l’intervention américaine provoque la chute du dirigeant irakien et renforce la communauté chiite, ce qui facilite la montée en puissance de l’Iran. Les pays sunnites du Golfe réagissent en durcissant leurs positions vis-à-vis des chiites.

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