Au beau milieu d’un terrain de foot à Hay Mohammadi, on peut apercevoir la réplique d’une cellule du tristement célèbre commissariat de Derb Moulay Chrif. Une fois la porte de «la cellule» ouverte, on se retrouve dans un espace exigu à la chaleur étouffante. Il s’agit d’un espace éphémère aménagé par l’artiste Wiame Haddad dans le cadre de son exposition «Ceux qui restent». Un projet photographique autour de la mémoire d’anciens prisonniers politiques, exposé dans le cadre du The Green House Casablanca, un programme de recherche initié par l’atelier de l’Observatoire.
À travers un corps enseveli sous des bougainvilliers, un visage dans un mur ou des objets façonnés dans les bagnes secrets sous Hassan II (Tasbih, ciseau ou encore peigne), Wiame Haddad tisse un lien plutôt poétique que politique autour de bribes d’expériences de ces anciens prisonniers d’opinion. «C’était important pour moi d’appréhender le rapport au corps face à l’enfermement, au repli, à la torture» nous explique l’artiste.
L’idée de cette exposition a émergé chez l’artiste en 2012, l’année durant laquelle la franco-marocaine a rencontré une vingtaine de prisonniers politiques. Wiame Haddad se retrouve alors dans les méandres de la sombre époque des années de plomb, qu’elle ne connaissait pas jusque-là. Les histoires défilent et l’artiste finit par adopter une démarche de dépassement. «Au début, je voulais faire des portraits frontaux des prisonniers politiques mais finalement le projet à évoluer vers autre chose».
Wiame Haddad s’est donc essayée à un autre exercice, celui de raconter les histoires de ces militants à travers des objets qu’ils ont confectionnés lors de leur détention. Il y a ce “tasbih” réalisé en 4 ans avec des noyaux d’olives, servies exceptionnellement dans les geôles, ce “kabazal”, un miroir extensible grâce auquel les prisonniers arrivaient à conserver la lumière dans l’obscurité totale de leurs cellules où ce bout de métal triangulaire façonné est comme un peigne. La beauté des portraits et des objets est telle qu’on feint d’oublier la cruauté de l’histoire.
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