Des murs noircis de dessins et écrits intimes sur l’amour, un poème torturé de Nizar Kabbani et un corps presque nu en flammes, autant d’éléments qui animent les compositions du jeune photographe Abderrahmane Doukkane, qui expose Jidariat jusqu’au 7 mai à la ThinkArt Gallery, à Casablanca. On y découvre trois séries avec lesquelles le photographe défriche la mémoire des fermes (et de leurs murs) abandonnées à Bouskoura, en écho à sa propre expérience. “Je suis lié aux fermes. Jeune, je vivais dans une ferme à Azbane [à côté de Casablanca, ndlr], on a été contraint de céder la terre pour rien puis de s’installer en ville. J’avais l’impression d’avoir été délogé et, depuis, ça me travaille”, nous confie l’artiste.
The dark side of…
À peine est-on entré dans la première salle que la série Souffles d’un corps nous happe. Dans les ruines d’une ferme, le photographe découvre une chambre avec des textes et dessins au charbon. Doukkane fixe alors de son objectif des bribes de ce journal intime, mural et dark. On y trouve L’Amour le plus violent que j’ai vécu, un poème torturé de Nizar Kabbani, et un autre, aussi mélancolique, Larmes et brisures, de Khadija El Ouarrak, une poétesse peu connue, ainsi que d’autres inscriptions comme “J’en ai marre d’attendre”. Mention spéciale pour les focus sur les dessins naïfs de l’anonyme, un démon humain, un couple avec une femme en burqa ou des bimbos marocaines avec, au choix, robe ou survêtement… “Je n’ai aucune idée de qui a pu écrire ces transcriptions, mais c’est assez poignant”, nous glisse le photographe.
Fire walk with me
Après les prospections, qu’il commence dès 2011, il invite un danseur. Nous sommes devant les deux grands formats de la série Souffles d’un corps : une silhouette en flammes se met sur pied devant le poème de Khadija El Ouarrak. Ne vous méprenez pas, les deux photos ne sont pas retouchées par Photoshop, “elles ont été réalisées selon le procédé de la pose longue”, nous explique l’artiste.
L’artiste présente aussi La Ferme abandonnée, qui compile les détails de trois sites différents, à Bouskoura, prises en trois ans. “C’est une manière pour moi de recomposer des bouts de ma mémoire d’enfant”, nous explique le photographe. Et Salma Lahlou, fondatrice de ThinkArt, de lancer : “C’est une série qui m’a prise à vif, le rapport à la ruine, le dépérissement, l’effacement du rapport entre le privé et le public…” Jidariat se présente donc comme un round up autour du travail du jeune photographe sur l’abandon. À suivre de près.
Jusqu’au 7 mai.
Think Art Gallery, 130, bd Zerktouni, esc. gauche, 9e étage.
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