Colère et indignation gagnent les rues de Guelmim suite à la mort du diplômé chômeur Ibrahim Sika. Depuis l’annonce de son décès le 15 avril, les événements se sont accélérés et la ville a connu des sit-in et une marche de protestation. Les militants sur place confirment que le mouvement protestataire se maintiendra tant que les résultats de l’enquête en cours ne sont pas dévoilés.
Le procureur du roi, a en effet, ordonné le 15 avril à la Brigade nationale de la police judicaire (BNPJ) d’ouvrir une enquête sur les circonstances du décès de Ibrahim Sika. Trois médecins ont été désignés pour réaliser une autopsie qui a conclut le même jour que «la mort est naturelle et due à une infection microbienne répandue».
Cette version est réfutée par les camarades du défunt qui dénoncent la torture qu’il aurait subie. Sa famille refuse de récupérer la dépouille qui se trouve actuellement dans la morgue d’Agadir.
Une arrestation politique ?
Tout a commencé le 1 avril. Ibrahim Sika, membre de la coordination de terrain des chômeurs sahraouis à Guelmi est arrêté. La coordination organise «depuis plusieurs mois des sit-in réguliers pour l’emploi», nous explique Maaelaynine El Moudden, président de la section de l’association de défense des droits de l’Homme à Guelmim. Selon ce responsable associatif, «Ibrahim Sika a été arrêté alors qu’il se rendait au sit-in des chômeurs ce jours là».
Après son arrestation, il a entamé une grève de la faim pour protester. Il avait été accusé d’«outrage à des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions», «violence à l’encontre d’un fonctionnaire» et «outrage envers des corps constitués», selon un communiqué du procureur du roi de la cour d’appel d’Agadir. Des accusations que la coordination de terrain des chômeurs sahraouis à Guelmim rejette pour sa part dénonçant «une arrestation politique ». «Avant son arrestation, il avait signé un papier dans l’assemblée générale dans lequel il s’engage à coordonner l’action sur le terrain de la coordination», nous raconte El Houceine Bouhriga, ami du défunt et membre de la coordination des chômeurs.
Ibrahim Sika est resté en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le parquet général le 4 avril qui a décidé de le poursuivre en état d’arrestation et a ordonné son emprisonnement dans la prison locale de Bouizakarne. «Sa défense explique qu’il a été victime de torture dans le commissariat», nous confie El Moudden. Son avocat a alors demandé une expertise médicale. Réalisé par un médecin à l’hôpital régional de Guelmim, elle a toutefois conclut que «le corps du concerné ne porte aucune trace de violence». Les soutiens du militant, eux, n’en démordent pas. L’expertise «a été faite pas un médecin généraliste qui n’a pas la compétence nécessaire», nous explique El Moudden.
Torture ou mort naturelle ?
Le jour suivant son emprisonnement, Ibrahim Sika est affaibli. Il est donc transporté à l’hôpital local de Bouizakarne pour «recevoir les soins nécessaires, puis il a été reconduit à la prison, suite à l’amélioration de son état de santé», souligne le communiqué du procureur du roi. Mais le lendemain, soit le 6 avril, suite à une tournée d’inspection, Ibrahim Sika est «retrouvé évanoui près de son lit, puis a été transféré à l’hôpital régional d’Agadir pour recevoir les soins nécessaires jusqu’à sa mort en date du 15 avril», toujours selon le communiqué.
La coordination des chômeurs, soutenue par une dizaine d’organisations syndicales, politiques et associatives, ne compte pas en rester là. Elle veut maintenir la pression jusqu’à la révélation des résultats de l’enquête. Elle a déjà organisé une marche le 15 avril dernier qui a arpenté «les principales artères de Guelmim et qui a connu la participation d’environ 2000 personnes», nous raconte El Moudden. Des chiffres qui n’ont pas été confirmés par une autre source. Des sit-in réguliers sont organisés dans différents points de la ville, ajoute Bouhriga, précisant que d’autres seront programmés.
Cette affaire commence à prendre une dimension nationale. Elle a été évoquée au parlement où le député Adil Tchikitou ainsi que Adil Benhamza ont adressé une question écrite au ministre de la justice et des libertés Mustapha Ramid. Dans cette question écrite, les deux députés de l’Istiqlal demandent à connaître «les circonstances réelles» de la «mort soudaine du jeune Ibrahim Sika».
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