Nouvel épisode pour les chiites du Maroc. Le 16 avril dernier, une dizaine d’entre eux se sont retrouvés dans les locaux d’une association de défense des droits humains à Tétouan pour créer une structure, “Al Rissalioun al Taqadoumiyoun”, littéralement : Les Messagers progressistes.
Le gros des troupes de cette nouvelle association vient de “Al Khatt al Rissali”, groupe qui se veut représentatif d’une partie de la communauté chiite du Maroc, fondé en mars 2014 et dont le site Web avait déjà plus ou moins annoncé le lancement de “Al Rissalioun al Taqadoumiyoun” en février 2016.
Les activités de cette structure qui se dit autorisée avaient suscité la polémique ces derniers temps. Après des plaintes de conservateurs, la wilaya de Tanger niait en mars 2015 l’avoir autorisé à exercer. “Al Khatt al Rissali”, qui compte une vingtaine de membres, avait alors initié une manifestation à Rabat pour demander à être reconnu et respecté.
Des membres de “Al Khatt al Rissali” avaient déjà signifié leur intérêt pour la chose politique. En février 2015, plusieurs d’entre eux se pressaient aux réunions de création du parti créé par le chercheur Mohamed Darif, les Nouveaux démocrates. Par ailleurs, le soutien au Hezbollah libanais, la critique de l’establishment religieux saoudien étaient des sujets redondants sur les pages Facebook des sympathisants. En novembre 2015, l’association chiite avait été de ceux qui s’étaient opposés à la venue du religieux saoudien Mohamed Al Arifi, invité au Maroc par le MUR (proche du PJD).
Gauche islamique et tolérance
Mais avec “Al Rissalioun al Taqadoumiyoun”, il s’agit d’aller plus loin “et de devenir une vraie force de proposition”, nous dit Abdou Chograni, président de cette nouvelle entité, et par ailleurs membre du Parti socialiste unifié (PSU). La ligne de l’association : “gauche islamique” éclaire t-il. Le penseur iranien Ali Shariati, inspirateur de la révolution islamique de 1979 figure en bonne place dans les références du mouvement naissant. “Nous essaierons de faire communiquer la gauche et le mouvement islamique” précise Mohamed El Hamouchi, sympathisant de l’organisation. “Al Khatt al Rissali”, via son site, avait déjà manifesté son intérêt pour le dialogue entre laïques et islamistes, via des articles sur Abdelfattah Mourou par exemple, parlementaire islamiste tunisien et promoteur de ce dialogue.
“Nous créons cette structure car nous voulons lutter contre l’obscurantisme”, tonne encore Chograni. Il faut dire que les chiites du Maroc se sont plaints de l’intolérance religieuse. En 2014, un cheikh chiite marocain qui réside à l’étranger, Nour Al Houda, avait été agressé à Tétouan et un membre de Al Khatt al Rissali avait alerté TelQuel après avoir reçu des menaces de mort de la part de militants salafistes. “Nous considérons que le Maroc s’engage sur la bonne piste et nous voulons appuyer cette tendance” continue Chograni, qui avoue avoir été rassuré par le message délivré par Mohammed VI lors de la rencontre de Marrakech sur les minorités religieuses en janvier dernier. Et pour qui les autorités ne devraient pas s’opposer aux activités de cette nouvelle initiative, qu’on a laissé se réunir en toute quiétude la première fois.
Pas de relations avec l’Iran, mais une certaine admiration
Concernant de possibles relations avec l’Iran, une accusation souvent portée à leur encontre, les militants balaient de nouveau l’argument d’un revers de la main. Les chiites marocains, sur le plan religieux, n’en réfèrent pas systématiquement au clergé iranien affirment-ils. En revanche, l’admiration politique pour un “camp de la résistance au sionisme” semble plus ancrée. On retrouve ainsi facilement sur les profils Facebook des membres, des photos à la gloire du général iranien Qassem Soleimani. En mars 2016, Driss Hani, figure du mouvement chiite marocain (qui n’est d’ailleurs pas proche de Al Khatt al Rissali ni de Al Rissalioun al Taqadoumiyoun) s’est même rendu en Syrie et a participé à une réunion en présence de Bachar Al Assad. “En effet, la plupart d’entre nous soutiennent Damas dans sa lutte contre le terrorisme et l’impérialisme” concède Chograni.
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