Véritable pamphlet littéraire et artistique impulsé en 1966 par plusieurs poètes engagés, dont Abdelatif Lâabi, la revue «Souffles» fête cette année son 50e anniversaire. L’occasion pour nous de revenir sur la mémoire de ce magazine, interdit en 1972 sous Hassan II, qui a marqué de son estampille la création en matière de littérature et d’art plastique au Maroc et dans le Maghreb. Nous avons demandé à des personnalités qui ont connu de prêt (ou de loin) la rédaction de Souffles de remonter le temps pour parler du canard. Et de nous parler d’un numéro qui les a marqué dans cette revue mythique, disponible gratuitement en version numérique sur le site de la Bibliothèque nationale.
Driss Yazami, président du CNDH
La rencontre. L’anecdote peut paraître étonnante, mais elle nous a été confié comme telle:
J’étais étudiant au lycée Moulay Driss à Fès. Un bon dimanche alors que je revenais du hammam, j’ai trouvé Souffles en kiosque. C’était la révélation !
Le flash-back. « Je me rappelle qu’au lycée, avec notre prof’ Jacques Jakobiak qui était aussi membre du comité de rédaction de Souffles, nous avons monté une pièce de théâtre inspirée d’un poème d’Abdelatif Lâabi. La pièce a été censurée mais ça ne nous a pas découragés, on était jeunes et révoltés. On avait monté un magazine ‘réflexion’ une pâle copie de Souffles (rires).»
Le numéro le plus marquant. «Je n’ai pas de numéro en particulier en tête mais j’ai tous les numéros. En revanche, ce qui a été marquant c’est que Souffles était mon premier contact avec les artistes marocains.»
Moulay Ismail Alaoui, ancien ministre de l’Education
La rencontre.
J’ai découvert Souffles grâce à Abdelatif Lâabi à la fin des années 1960. quand il a rejoint les rangs du parti communiste marocain, interdit à l’époque.
Le flash-back. « Souffles est synonyme d’une période d’essor exceptionnelle en matière de création. Elle représente le renouveau de notre culture, que ce soit au niveau littéraire ou plastique. Elle a porté la voix des supporteurs des libertés qui ont combattu pour une véritable modernité. On ne peut que regretter la disparition d’un tel support. Une revue engagée qui n’était pas dans la provocation.»
Le numéro le plus marquant. «Cela serait le numéro consacré à la révolution palestinienne. La lucidité de l’analyse était remarquable. Le traitement de la problématique de la décolonisation palestinienne était conforme à la réalité sioniste.»
Mohamed Achaari, ancien ministre de la culture
La rencontre.
J’ai découvert Souffles quand j’étais à l’Union nationale des étudiants marocains dans les années 70. J’y ai décelé un ton nouveau, une fraîcheur d’analyse, une belle démonstration en somme.
Le flash-back. « Je garde le souvenir d’une tribune politique et culturelle dans la tradition nationaliste et progressiste. Souffles a apporté un nouveau souffle, une nouvelle vision de traiter les préoccupations de l’époque. Sa rédaction a toujours réussi à faire la jonction entre la contestation et le renouveau culturel.»
Le numéro le plus marquant. «Je ne peux pas vraiment citer un numéro en particulier. Toute l’expérience de Souffles est marquante en soit.»
Tahar Benjelloun, écrivain
La rencontre.
Je suis lecteur de Souffles depuis sa création. En 1968, j’avais communiqué certains de mes écrits à Abdelkebir Khatibi (écrivain et sociologue marocain, ndlr). Ce dernier les a donnés à Abdelatif Lâabi et à partir de ce moment là j’ai été publié sur Souffles.
Le flash-back. « Souffles représente un souvenir très fort et important pour moi. Le fait d’avoir contribué à cette revue a changé le cours de ma vie littéraire. Si je n’y avais pas été publié, je n’aurais jamais pu devenir l’écrivain dont les ouvrages sont édités. C’était une revue exigeante et précieuse, car elle était l’expression d’une nouvelle culture marocaine d’une audace incomparable.»
Le numéro le plus marquant. «Le numéro sur la révolution palestinienne qui a dénoté d’un traitement original. Il faut dire qu’à l’époque nous étions très attachés à la cause palestinienne. D’ailleurs, c’est toujours le cas.»
Il est à noter qu’à l’occasion du cinquantenaire de Souffles, la fondation Lâabi pour la culture organise les 8 et 9 avril un colloque de commémoration de la revue à la Bibliothèque nationale de Rabat. Au programme une exposition, des débats autour de Souffles avec des femmes et hommes de lettres (dont le poète Mustapha Nissabouri, l’écrivaine Zakya Daoud ou l’écrivain Abdelhak Serhane).
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