En bénéficiant des opportunités de la technologie, différentes plateformes essayent de changer la manière dont nous consommons au quotidien. Sheaply, Carmine et Ktaby s’inscrivent dans la lignée du partage et mettent un point d’honneur sur l’utilisation plutôt que sur la propriété. En dématérialisant le lien qui existe entre ces deux entités, ces plateformes permettent de ne plus avoir besoin de payer des biens ou services onéreux pour pouvoir profiter des possibilités qu’elles proposent. Concrètement parlant, au lieu d’acheter une voiture, on pourra en partager une. Au lieu de payer pour des services postaux traditionnels, on pourra profiter de la place libre d’une valise pour envoyer un colis à l’étranger. Au lieu d’aller en librairie pour acheter un manuel scolaire, on pourra profiter d’une collecte de livres déjà utilisés.
Ces trois initiatives ont pour point commun le partage, mais aussi le fait qu’elles tentent d’exister dans un contexte parfois difficile pour les entreprises issues de la nouvelle économie. Pour Mehdi Reghai, co-fondateur des Maroc Web Awards, le Maroc est encore très loin de devenir le nouveau hub technologique. Très souvent, des initiatives voient le jour, mais ne survivent pas bien longtemps. Un cadre légal rigide, une absence presque totale de mécanismes de soutien et une faible maturité du marché ne sont que quelques exemples d’obstacles que les jeunes entrepreneurs du secteur rencontrent dans le royaume. Le régulateur marocain peut aussi constituer un frein à l’innovation dans le royaume, comme pour le cas du crowdfunding, même si la situation évolue . « Dans le cas du Maroc, ce sont des fonctionnaires qui rédigent des lois. Les parlementaires, censés être en phase avec la société, ne le sont pas. En conséquence, la loi n’est pas adaptée au contexte changeant », estime l’économiste marocain Zouhair Ait Benhamou. Et le contexte change, ça c’est sûr. Misant sur de nouvelles valeurs et de nouveaux modèles socio-économiques, certains jeunes entrepreneurs se frayent un chemin dans la jungle des start-ups marocaines, malgré ces contraintes qui deviennent des défis.
1- Sheaply, ou comment envoyer des colis moins cher
La start-up permet de ne plus devoir passer par les services postaux traditionnels, coûteux, pour envoyer un article ou un colis dans un pays étranger. Elle permet également d’acheter un article qui n’existe pas au Maroc et de se le faire ramener par un particulier. De fait, via sa plateforme, Sheaply met simplement en relation des particuliers : ceux qui voyagent et qui ont de la place libre dans leurs valises et ceux qui ont besoin d’avoir recours à ce genre de service. Seule la personne faisant la demande du service doit s’affranchir des frais, mais avec des prix largement inférieurs aux solutions existantes sur le marché. « Tout ce qu’on a fait c’est organiser quelque chose qui existait déjà. Avant, les gens cherchaient par tous les moyens quelqu’un qui voyage de telle ville à telle ville pour transporter un colis, finalement on a juste proposé un réseau pour le faire plus simplement », explique Hicham Zarrouky, co-fondateur du projet.
Si Sheaply semble être la seule start-up marocaine qui propose des services sans avoir recours à une société extérieure, c’est parce que son secteur d’activité le lui permet. « On n’a pas tous les jours besoin d’acheter quelque chose à l’étranger et on ne voyage pas tous les jours non plus. ‘Ce qui nous sauve’ alors, c’est le caractère très occasionnel de nos services. Le montant que gagne le voyageur est loin de pouvoir être assimilé à un salaire. » N’étant nullement une entreprise de logistique ou de transport (régulées par la loi marocaine), la société technologique profite d’un vide juridique qui lui permet d’être une porte pour l’économie collaborative au Maroc.
2- Ktaby, ou comment faire lire un livre deux fois
Démocratiser l’accès à la lecture. Tel est l’objectif que Ktaby s’est fixé. Pour l’atteindre, rien de plus simple que de faire profiter à quelqu’un d’autre un livre qu’on a déjà lu. Fonctionnant en trois étapes, il s’agit d’abord, pour la start-up, de récolter des livres via leur site, des boîtes de collectes déposées dans des espaces culturels et via un partenariat avec un collectif qui fait payer l’entrée à certains de ses événements. Ensuite 60% des collectes sont redistribués gratuitement à des personnes en besoin et les livres restants sont revendus à des « prix très abordables », annonce la start-up, pour finalement investir la moitié des revenus dans des projets socio-éducatifs. « Nos utilisateurs sont très favorables à l’initiative. La difficulté principale que nous rencontrons c’est de faire parler de notre projet et de collecter les livres. Au Maroc, on est les seuls à avoir recours à un business model du genre, donc on a aucun exemple sur lequel se calquer pour aller de l’avant », nous explique Sami Lamqaddam, fondateur et gérant de Ktaby. Depuis Mai 2015, la start-up a cependant déjà récolté quelques 900 livres.
3- Carmine, ou comment ne plus avoir besoin d’une voiture
Partant du constat qu’une seule voiture peut être utilisée par plus de 30 personnes, Carmine considère ses voitures comme des biens communs. Sur toute sa superficie, la ville de Casablanca a prévu des places de parking pour les véhicules de la start-up. « Ils sont donc à la disposition de nos utilisateurs à toute heure de la journée ou de la nuit selon la disponibilité de la voiture », nous explique Soukaïna Morsad, marketing manager du projet. Même si l’initiative ressemble fortement à une simple location de voiture, elle innove dans le sens où il ne faut jamais passer par l’agence (il suffit de réserver une voiture sur le site ou l’application pour ensuite accéder à une voiture que l’utilisateur ouvre avec sa carte de membre) et qu’on peut utiliser une voiture juste le temps d’aller au supermarché, par exemple. Une flexibilité qui a fini par former une communauté qui utilise le service de manière récurrente. Si les avantages économiques et pratiques sont évidents, un autre permet en plus d’avoir une conscience écologique tranquille. « La réduction du nombre de voiture sur les routes engendre également une réduction d’émission de CO2, ce qui donne également à l’auto-partage une dimension éco-friendly. »
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