En Espagne, des prostituées marocaines en danger

En Espagne, les prostituées étrangères sont plus vulnérables face aux agressions. Parmi elles, des milliers de Marocaines.

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Les prostituées marocaines sans papier n'osent pas porter plainte en cas d'agression. Crédit : Sascha Kohlmann.

Feminicidio, collectif espagnol de lutte contre la violence à l’encontre des femmes vient de publier un rapport sur les assassinats de prostituées. Il en a répertoriés 31 entre 2010 et 2015. Parmi les victimes, deux Marocaines sont citées : Zineb, 24 ans, et Sabrina, 30 ans. Selon un rapport parlementaire de 2007, le nombre de prostituées marocaines est de plus en plus important, elles sont les Africaines les plus nombreuses après les Nigérianes. D’après un autre rapport parlementaire de 2010, cité par l’ancien hebdomadaire Actuel, environ 30 000 Marocaines se prostituent en Espagne (soit 8 % du nombre total de prostituées) et c’est à Barcelone qu’elles sont les plus nombreuses. Le collectif Hetaira de défense des droits des travailleuses du sexe estime pour sa part qu’aucune étude ne fournit de chiffres vraiment fiables sur la question, mais nous explique que 5 % des 920 femmes approchées en 2015 viennent du Maghreb.

S’il est bien sûr impossible d’élaborer un profil-type, le collectif Hetaira nous explique que «la très grande majorité» des prostituées marocaines vivant en Espagne entretiennent leurs familles restées au Maroc, en leur envoyant régulièrement de l’argent. En général, ces femmes ne se prostituaient pas au Maroc. «Il est plus facile d’exercer l’activité de prostitution loin de ton lieu de naissance ou de résidence habituel», nous explique le collectif. En général, elles savent avant leur émigration qu’il va être difficile pour elles d’obtenir les papiers. «Avant d’arriver, elles ont conscience du manque d’opportunités pour les femmes migrantes dans les pays d’Europe», nous explique le collectif. La prostitution, légale en Espagne (mais le proxénétisme est un délit), apparaît alors comme la seule solution avec le travail domestique, pour celles qui se trouvent en situation irrégulière et sont contraintes de travailler au noir, toujours d’après ce collectif. Le cas de celles se prostituant à Melilla ou Sebta est particulier. Ces femmes traversent quotidiennement la frontière pour dormir chez elles, au Maroc.

Zineb, frappée à mort pour une affaire de tarif

Les prostituées étrangères sont-elles davantage en danger que les prostituées espagnoles ? Oui, estime l’association. Celles qui n’ont pas de papier «ne peuvent pas porter plainte [pour agression, ndlr], de peur d’être expulsées du pays.» Une spécificité à relativiser puisque d’après l’association Amal qui leur vient en aide, citée par Actuel, puisque rares seraient les prostituées marocaines qui n’ont pas de papiers.

Les deux cas répertoriées par le collectif Feminicidio sont très différents l’un de l’autre. Zineb, 24 ans, prostituée à Melilia, a été tuée en 2013 par un client. Un militaire espagnol de 31 ans l’a frappée à mort alors suite à une mésentente sur le tarif du service rendu (elle en demandait 70 euros, soit 760 dirhams environ, lui proposait 20 euros,  soit 220 dirhams). L’homme est aujourd’hui en détention provisoire, son procès n’a pas encore eu lieu. Sabrina, transgenre, a été tuée en 2012 à Malaga par son compagnon roumain. Toujours d’après les recherches effectuées par le Collectif, il se sentait méprisé du fait que Sabrina avait des relations tarifées avec d’autres hommes. Le coupable a été condamné à 11 ans et demi de prison mais le crime de genre n’a pas été reconnu, du fait du sexe de naissance de Sabrina.

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