Environ deux millions de Marocains âgés de plus de 20 ans souffrent de diabète. La moitié d’entre eux ignore en être atteinte. Un chiffre alarmant, annoncé par le ministre Houcine El Ouardi en marge de la célébration de la Journée mondiale de la santé le 7 avril, centrée cette année sur le thème du diabète.

Expliquant que 625 000 personnes reçoivent actuellement des traitements pour le diabète dans des centres spécialisés, le ministre a précisé qu’une nouvelle campagne de sensibilisation se déroulera du 7 avril au 7 mai prochain  au profit de 500 000 autres personnes qui bénéficieront de dépistage. Le tout pour un coût de 3 millions de dirhams.

Etat d’urgence et chiffres contestés

Contacté par Telquel.ma, Dr Lhassani Hamdoun, président de la Société marocaine d’endocrinologie et de diabétologie (SMEDIAN) estime que «le diabète constitue une épidémie mondiale en progression effrénée et connaît une ascension vertigineuse au Maroc.» Selon ce spécialiste, les chiffres énoncés par le ministère sont trop optimistes: «le ministère dit deux millions, nous disons trois, en nous penchant sur les observations faites aussi bien dans le secteur public, privé, militaire et associatif. » Aussi, face aux 15 000 jeunes diagnostiqués diabétiques de type 1, que le ministère assure avoir pris en charge, Hamdoun confie que le nombre de jeunes concernés au royaume serait de plus de 120 000 et s’interroge: «Que fera-on des autres qui ne sont pas pris en charge ?»

«Selon les projections de l’OMS, le diabète sera, d’ici 2030, la septième cause de mortalité dans le monde, sans parler des complications dégénératives dont il peut être responsable», prévient-il, estimant qu’au Maroc, les projections parlent d’environ 4 millions de diabétiques d’ici 2030.

Témoignant de l’urgence de la situation, Lhassani Hamdoun estime qu’au Maroc, le diabète est «une maladie silencieuse qu’il faut combattre dans les campagnes, c’est là qu’elle se propage le plus» et insiste sur le fait que «le ministère ne contrôle que les hôpitaux publics, alors que les consultations dans les hôpitaux privés dépassent largement celles effectuées dans les hôpitaux publics.» La SMEDIAN demande en outre au ministère «un mécanisme de contrôle pour dépister les gens dans ces endroits.»

Une prise en charge coûteuse

Lors de sa présentation, Houcine El Ouardi a affirmé que 40 000 nouveaux cas étaient diagnostiqués et pris en charge gratuitement chaque année, ajoutant même que «90 millions de dirhams sont réservés annuellement pour l’acquisition de médicaments», par les centres de santé adaptés pour recevoir les malades. La lutte contre le diabète étant inscrit dans la stratégie nationale du ministère de la Santé, ce dernier assure former les médecins généralistes à la maladie, étant donné qu’il n’y a pas suffisamment d’endocrinologues dans certaines régions du royaume (1.440 médecins généralistes par an bénéficient d’une formation continue dans le domaine de la prise en charge du diabète, selon les déclarations du ministre).

En juin 2015, l’Assurance maladie obligatoire (AMO) a intégré le diabète dans sa liste des six nouvelles pathologies prises en charge. Toutes ces prises en charge coûtent excessivement cher à l’Etat. D’après un rapport de la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale (CNOPS), établit entre 2008 et 2013, 6 000 personnes déclaraient cette maladie à la caisse. Cette dernière a déboursé pas moins de 379 millions de dirhams (chiffres de 2013) rien que pour le diabète. Ce qui représente environ 8% du total de ses dépenses. Contacté, un membre de l’organisme révèle que le coût annuel par personne pour la prise en charge de cette maladie est estimé aujourd’hui à plus de 7 000 dirhams.

Promouvoir la «vie saine»

Lors de la réunion au sein de la Chambre des représentants, El Ouardi a indiqué que les campagnes de sensibilisation sur les facteurs de risque de développement du diabète ont été organisées «en parallèle à l’élaboration d’un plan multisectoriel pour promouvoir la vie saine.» Autrement dit, les médecins du royaume sont encouragés à prodiguer à leurs patients une alimentation saine et équilibrée, une activité régulière et une autosurveillance de leur diabète.

Interrogé sur la création d’un éventuel plan équivalent au Programme national nutrition santé (PNNS), (plan lancé en janvier 2001 dans plusieurs pays occidentaux, à l’instar de la France, ayant pour objectif général l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs : la nutrition), le président de la SMEDIAN explique qu’il serait «extrêmement favorable à une telle pratique.» «Aujourd’hui, afficher le slogan “Manger-Bouger” pour contrer certaines publicités favorisant la malbouffe serait très utile», affirme Lhassani Hamdoun. Contacté sur la possibilité de mettre en place un tel programme, le ministre de la Santé n’a pas pu être joint dans l’immédiat.

La campagne de sensibilisation lancée le 7 avril comprend la diffusion de trois spots à la télévision et à la radio, la diffusion de reportages depuis les sites de sensibilisation dans le journal télévisé, ainsi que la publication d’articles dans les journaux et les revues. Ajouté à cela, «plus de 20 conventions de partenariat ont été signées entre les fédérations et les associations pour mener des campagnes de sensibilisation, pour un coût estimé entre 80 000 et 500 000 dirhams, consacré chaque deux ans pour une association», a précisé le ministre de la Santé, lors d’une réunion le 4 avril.