Nacer Bourita : Ban Ki-Moon a "manqué de respect" au roi Mohammed VI

Le secrétaire général de l’ONU a insisté pour visiter le Maroc au mois de mars malgré l’absence du souverain.

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Nasser Bourita. Rabat. Crédit: Rachid Tniouni
Nasser Bourita. Rabat. Crédit: Rachid Tniouni

Le voile se lève petit à petit sur les tensions entre le Maroc et le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon. À l’occasion sa première sortie médiatique depuis sa nomination, le  ministre délégué aux Affaires étrangères, Nacer Bourita, a dressé l’historique des échanges entre le royaume et le secrétariat général de l’ONU. Le ministre, qui s’exprimait lors d’une conférence tenue le 18 mars au ministère des Affaires étrangères,  est notamment revenu sur les discussions entre le Maroc et Ban Ki-Moon concernant une éventuelle visite du numéro un de l’ONU au Maroc.

Quand Ban Ki-Moon ignore le roi

Tout comme l’avait fait Abdelilah Benkirane, lors de son intervention devant le parlement le 12 mars, Nacer Bourita a indiqué que le Maroc avait proposé au Sud-coréen de visiter le Maroc durant les mois de novembre 2015 et janvier 2016. Deux invitations refusées par le secrétaire général de l’ONU, selon la même source.

Suite à ces deux refus, le ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, s’est rendu, sur instruction royale, le 4 février  à New York pour convenir d’une date avec Ban Ki-Moon. Celui-ci a proposé au chef de la diplomatie de se rendre au royaume durant le mois de mars, mais s’est vu signaler par le ministre des Affaires étrangères que le roi était absent. Une remarque le Sud-coréen n’a pas pris en compte puisqu’il a indiqué être prêt à voir « n’importe quel responsable ». Une réponse qui a courroucé la diplomatie marocaine qui y a vu « un manque de respect envers le roi » selon Nacer Bourita.

Au vu de l’incompatibilité des agendas du souverain  et du secrétaire général de l’ONU, il a ensuite été convenu que Ban Ki-Moon devait effectuer une visite « partielle dans la région » durant le mois de mars, en se rendant à Alger et Tindouf, avant de venir au royaume au début du mois de juillet. Une visite qui, au vu de la situation actuelle, a été annulée.  Une évidence sur laquelle le ministre délégué aux Affaires étrangères a tenu à revenir en indiquant que le communiqué de l’ONU concernant l’annulation était « insensé » car le Maroc, que le secrétaire général des Nations Unies a qualifié d’ « occupant », n’a aucune volonté d’accueillir le Sud-coréen. À noter que le caractère incomplet de la visite de Ban Ki-Moon devait être signalé dans le rapport du secrétaire général sur la Mission des Nations unies au Sahara (Minurso) qui doit être présenté devant le Conseil de sécurité au mois d’avril.

Ban-Ki Moon ignore la charte de l’ONU

Nacer Bourita est également revenu sur les actes et paroles de Ban Ki-Moon durant ses visites à Alger et Tindouf. Le ministre a qualifié de « dangereuse au niveau diplomatique et politique », l’utilisation du terme « occupation » par le secrétaire général des Nations unies pour designer la présence marocaine dans le Sahara. Selon Bourita, l’utilisation du terme « change la donne » dans le dossier et « provoque un changement de fond »  avant d’ajouter que ce terme sous-entend l’existence d’une « victime » et d’ « un agresseur ».

Le ministre a aussi évoqué le déplacement de Ban-Ki Moon a Bir Lahlou indiquant que le trajet emprunté par le secrétaire général de l’ONU, Tindouf- Bir Lahlou, avait provoqué la colère de la diplomatie marocaine qui y voit un soutien affiché aux revendications de l’auto proclamée RASD qui considère la ville comme sa capitale provisoire.

Dernier point soulevé par Nacer Bourita concernant la visite controversée de Ban Ki-Moon en Algérie, son appel à une réunion  de « bailleurs de fonds » en vue de financer le camp de Tindouf. Un camp ou « l’aide humanitaire est détourné » a  déclaré Nacer Bourita qui faisait référence a un rapport de l’Union européenne sur le sujet. Le ministre a également reproché au secrétaire général de l’ONU d’avoir omis toute référence à un recensement de la population du camp qui est réclamée depuis plusieurs années par le Maroc et qui figure dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité depuis 2011.

« Le Maroc n’a pas de leçons à recevoir »

Enfin, le ministre est également revenu sur la réaction marocaine aux sorties de Ban Ki-moon ainsi que sur la manifestation du 13 mars. Suite à sa visite en Algérie, le roi a ordonné au ministre des Affaires étrangères de se rendre à nouveau à New York pour rencontrer Ban Ki-Moon. Une rencontre durant laquelle le secrétaire général a déclaré que l’utilisation du terme occupation était issue d’une « réflexion personnelle et non pas en tant que secrétaire général de l’ONU ». Or, selon Nacer Bourita, « le secrétaire général n’a pas le droit de faire des déclarations personnelles en vertu de l’article 101 de la Charte des Nations Unies ». Le ministre délègue a tenu à rappeler que le Maroc refuse « tout amalgame entre l’ONU et son secrétaire général ». Autre reproche que Nacer Bourita adresse à Ban Ki-Moon, son « intrusion dans la souveraineté marocaine » suite à sa colère contre les ministres ayant participé a la marche du 13 mars.

Il  a également évoqué les sanctions prises par le Maroc contre l’ONU suite aux sorties de son secrétaire général.  Pour rappel, le royaume avait annoncé la « réduction significative, dans les jours qui viennent, d’une grande partie de la composante civile et plus particulièrement le segment politique de la MINURSO », « l’annulation de la contribution volontaire qu’accorde le Maroc au fonctionnement de la MINURSO ». Un retrait, qui doit intervenir « dans les trois prochains jours » selon Bourita, peu apprécié par le secrétariat général de l’ONU, mais qui n’inquiète pas le royaume outre mesure puisque « le Maroc respecte tous ses engagements vis-à-vis de l’ONU que ce soit dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, le développement humain ou encore la protection de l’environnement. Il n’a pas de leçons à recevoir » selon Bourita. Celui-ci a justifié la demande de retrait des 84 personnes faisant partie  « de la composante civile et politique de la MINURSO » par le fait que le mission onusienne est une mission devant seulement assurer le maintien du « cessez-le-feu ».

L’ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères a aussi évoqué la menace de retrait des 2 300 soldats marocains  participant aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Une menace sur laquelle le royaume est revenu à la demande « de pays africains » dans lesquels les soldats marocains sont basés.

Réunion « positive » du Conseil de sécurité

Autre point abordé par Nacer Bourita, la réunion du Conseil de sécurité consacré au bras de fer entre le Maroc et Ban Ki-Moon qui s’est tenue le 17 mars. Le ministre a affirmé que cette réunion était « positive » car le « Conseil est conscient du problème existant entre le Maroc et Ban Ki-Moon et a réalisé que celui-ci a dévié de son rôle ».

À l’issue de son intervention le ministre a également évoqué le rapport qui doit être présenté par le secrétaire général de l’ONU devant le Conseil de sécurité portant sur la Minurso. « Ce n’est pas un document personnel, mais un document des Nations Unies » a affirmé Bourita qui a également indiqué que le Maroc n’a aucune alternative au plan d’autonomie. Le ministre a conclu son propos en indiquant que c’est le Maroc qui « crée la dynamique » dans la résolution du différend du Sahara alors que l’ « Algérie a toujours voté pour le statu quo et l’impasse ».

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