« Pour converser, il faut d’abord être face à face. Il y a un côté sensuel et charnel que vous n’obtenez pas via des espaces virtuels. Et qu’on ne comble pas avec des émoticônes », annonce Guillaume Villemot, fondateur du festival des Conversations et directeur associé d’une agence de communication de région parisienne. Mais encore faut-il savoir en profiter. « Un chef étoilé m’a confié un jour que le pire jour de l’année pour lui était la Saint-Valentin : pas un bruit dans la salle, des amoureux, les nez collés à leurs écrans, qui ont perdu l’habitude de se parler. » Hors écrans, les parasites susceptibles de brouiller les ondes d’une bonne conversation sont partout ; les fonds sonores qui obligent à hausser le ton, les interlocuteurs qui monopolisent la conversation – en général pour parler de la chose la plus importante à leurs yeux, eux-mêmes -, le manque de spontanéité et une dénonciation personnelle : « Je déteste les gens qui se collent à moi quand ils me parlent », frissonne Guillaume Villemot.
Place maintenant à ce qui nourrit une conversation vertueuse. Le nombre idéal ? « Entre deux et sept, c’est bien. Au-delà, c’est fatigant. » La forme géométrique idéale ? Le cercle – jusqu’ici, rien de nouveau pour le plat de couscous – qui « permet l’échange ». Car les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, le festival des Conversations se joue sur une estrade, devant une quarantaine de participants assis en rangées. Et c’est Guillaume Villemot, l’animateur et modérateur, qui passe la parole. Malgré les remarques de certains de ses invités sur le format contradictoire de l’événement, ce dernier ne se défait pas de son sourire. « La première règle d’une bonne conversation est la bienveillance. Chacun a le droit de ne pas être d’accord avec ce qu’il entend mais il faut exprimer son point de vue en respectant l’écoute de l’autre », annonce le communiquant professionnel. Une façon, pour lui, de combattre l’auto-censure naturelle de certaines cultures.
Gourmandise, gourmandise, gourmandise
« Les Anglais disent qu’il y trois sujets à ne surtout pas aborder en société : le foot, la politique et la religion. C’est dommage de se priver de ces sujets de conversation, alors qu’il suffit de le faire sans agressivité et avec respect des sensibilités de l’autre. » Sommes-nous tous égaux face à la conversation ? « Non », tranche le spécialiste autoproclamé de la conversation, « Cela dépend des natures de chacun, mais aussi des sujets abordés. Nous ne sommes pas tous capables de converser de tout. » Attention toutefois à ne pas se laisser « bouffer » par les complexes. « Tout le monde est capable de discuter. Les notions les plus importantes sont l’empathie, la générosité et l’envie des autres. » Le mot de la faim de cette première édition du festival des Conversations au Maroc ? La gourmandise, terme évoqué une bonne dizaine de fois, ce 18 février.
« La conversation c’est la gourmandise de l’autre dans l’échange. J’aime l’idée que je puisse m’enrichir du point de vue de l’autre et de ressortir différent d’une conversation », se délecte Guillaume Villemot, « c’est pour ça qu’il faut se laisser porter dans une conversation, et accepter d’atterrir dans un endroit que nous n’avions pas anticipé. » Un atterrissage qui doit aussi marquer la fin d’un voyage. « Il faut savoir arrêter une conversation. Cela dépend du nombre d’intervenants, mais une heure, c’est un bon moment. Au-delà, on tourne un peu en rond. » Et il paraît qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses.
André Azoulay, invité d’honneurInvité d’honneur du 1er festival des Conversations au Maroc, le conseiller du roi a participé à la dernière table-ronde, intitulée « Le bonheur des conversations ». André Azoulay a commencé par insister sur l’importance de protéger « l’art de la conversation », menacé, selon lui, par l’augmentation du temps passé à « parler avec son ordinateur, plutôt qu’en société ou en famille ». Le fondateur de l’association Essaouira-Mogador, à l’origine du festival de musique des Andalousies atlantiques, est également revenu sur « la plus belle des conversations » : la musique. « Parfois, je me demande si je trouverai de la musique là-haut », a-t-il confié, amusé, à l’auditoire. Avant d’évoquer une autre « poésie » : la darija. « Nous, Marocains, ne pouvons partager l’étendu de ce que nous ressentons qu’avec notre dialecte. »[/encadre] |
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