Energies renouvelables: Mohammed VI, le roi Soleil

Alors que le roi Mohammed VI est attendu pour inaugurer la centrale solaire Noor I d’Ouarzazate, ce 4 février,  Telquel revient sur la construction de ce chantier de règne. 

Par , et

C’est dans une salle de réunion au palais royal de Tanger que l’avenir énergétique du Maroc se joue. En ce 13 octobre le cabinet royal se fend d’un communiqué qui ébranle le milieu des affaires. Le souverain accorde à ce tour de table un délai d’un mois pour lui présenter « une réflexion globale quant à la stratégie devant permettre de réaliser une plus grande synergie entre les différents acteurs concernés » et « de définir les moyens à même de rehausser les objectifs de production d’énergies renouvelables ».  Jusqu’à cet instant, personne ne s’imaginait l’ampleur que prendrait cette annonce. Encore moins, lorsque durant la Cop 21, le 2 décembre 2015, le souverain s’engage devant toute la planète à augmenter la capacité de production nationale en énergie renouvelable à 52% à l’horizon 2030.

carte

Chantier royal

 

Le 13 octobre 2015, le roi préside une réunion extraordinaire consacrée au secteur énergétique. Crédit: MAP
Le 13 octobre 2015, le roi préside une réunion extraordinaire consacrée au secteur énergétique. Crédit: MAP

Avec ce nouvel objectif, le pays devrait afficher, dans 14 ans, une capacité installée de 25.000 MW dont 52% issus des énergies renouvelables avec un part de 20% d’origine solaire, 20% d’éolien et 12% seulement d’hydraulique. L’enveloppe d’investissement allouée au développement des énergies renouvelables au cours de la période allant de 2020 à 2030 s’élève à 140 milliards de dirhams. Dès lors, comment atteindre ce nouvel objectif ? Trois semaines plus tard, Abdelkader Amara, ministre de l’Energie, Ali Fassi Fihri, directeur de l’ONEE, Mustapha Bakkoury président du directoire de Masen, Amina Benkhadra directrice de l’ONHYM, en plus Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement, des conseillers du Roi Fouad Ali El Himma et Yassir Znagui et le ministre des Finances, Mohamed Boussaid sont de nouveau réunis. L’annonce qui s’en suivra prend tout le monde de court. Masen (Moroccan Agency for Solar Energy) voit ses attributions s’élargir. Sous sa coupole sont réunies toutes les sources d’énergies renouvelables. Aux côtés du solaire, il compte désormais dans son escarcelle l’éolien et l’hydraulique ; deux sources d’énergies jusqu’à présent sous la tutelle directe de l’ONEE. Le communiqué du cabinet royal n’en dira pas plus sur cette décision.

Le Masen, une super-structure

Mustapha Bakkoury, président du directoire de MASEN, lors de 1ere édition du "Solar Energy" en 2014. Crédit: AFP
Mustapha Bakkoury, président du directoire de MASEN, lors de 1ere édition du « Solar Energy » en 2014. Crédit: AFP

La future délimitation des prérogatives des acteurs du secteur a été interprétée par certains comme une réponse aux retards et aux problèmes de blocage de l’exécution du plan solaire. Mais la réalité est tout autre.  Selon un témoin présent aux séances de travail, ces mesures sont « une résultante ». Il explique le processus de réflexion de ce think tanks : « la priorité était de savoir comment faire pour aller au-delà de 42% sans pour autant impacter les équilibres globaux du réseau ? Le débat a donc porté sur les questions de synergies et d’intervenants auxquelles nous avons données des réponses à travers Masen ». Un canevas a été donc soumis au roi et validé durant la réunion de décembre dernier. Le Masen, jusque-là dirigé par Mustapha Bakkoury qui est restée injoignable malgré nos relances, devient la pierre angulaire de la stratégie énergétique marocaine. Cette institution dont l’actionnariat est composé à parts égales de l’Etat, l’ONEE, la Société d’Investissement Energétique (SIE) et du fond Hassan II connaîtra inévitablement une refonte de ses statuts et même de son nom. Certains parlent déjà de MAREN. « Renewable » remplacerait « Solar ». Pour Abdelkader Amara, ministre de l’Energie qui a reçu Telquel au siège de son ministère, le problème de la dénomination de la structure n’est pas posé.

Les perdants et les gagnants

Ali Fassi Fihri, DG de l'ONEE. Crédit: DR
Ali Fassi Fihri, DG de l’ONEE. Crédit: DR

Le changement de la philosophie-même du modèle énergétique en vigueur jusque-là ne va pas faire que des heureux. A l’instar de la SIE, le bras financier de la stratégie des énergies renouvelables, sera la première à en faire les frais. «La SIE a vu le jour dans le sillage du plan solaire et éolien. Sa nécessité reposerait sur le besoin de mettre en place une structure qui drainerait suffisamment d’investissements », explique une source proche du dossierEt de poursuivre que : «son existence était primordiale lors de la période post-Masen. Cette dernière dispose aujourd’hui d’une expérience et d’un savoir-faire qui lui permettent de jouer amplement le rôle de la SIE». Un destin différent attendrait l’Agence de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétique (Aderee). Dirigée par Said Mouline, elle continuera quant à elle de figurer parmi les acteurs du secteur. Avec un bémol cependant, elle verra ses prérogatives réduites aux seules actions liées à l’efficacité énergétique. «Dans cette nouvelle organisation, Ali Fassi Fihri est, de facto, le grand patron. Il est d’ailleurs président du conseil de surveillance du Masen », ne manque pas souligner Mohammed Fettah, président de la fédération nationale de l’énergie.

Nareva a le vent en poupe

La seule entreprise marocaine qui marque le secteur des énergies renouvelables n’est autre que Nareva, créée en 2005, la filiale du holding royal, la SNI. Cette filiation alimente le débat depuis que la société a réussi à se positionner sur des marchés juteux damnant le pion à des géants internationaux. Le bras « énergie » de la SNI profite du programme intégré des énergies renouvelables initié par le Roi. « Nareva ne prend pas de marché seule, elle fait partie de consortiums dans lesquels figurent toujours des entreprises de renommées internationales », justifie un proche du dossier qui ajoute que : « l’investissement dans l’énergie contrairement à ce que certains peuvent penser est un investissement à risque. Tout surcoût dans la réalisation du projet est d’emblée adossé à l’investisseur». Le secteur est d’autant plus difficile que la concurrence se joue au niveau du prix du KWh. Preuve en est la proposition tarifaire au dernier appel d’offre relatif au marché de 850 MW lancé par l’ONEE : le consortium Nareva, Enel Green Power et Siemens Wind Power a soumis un tarif de 30 cts/Kwh. Un prix que les professionnels du secteur jugent imbattable. Mais il faut dire que « Ali Fassi Fahri est intraitable sur ce volet. Dès le départ, le tarif est un élément décisif dans le choix de l’adjudicataire », nous indique une source proche du dossier.[/encadre]
 * Dossier publié en intégralité dans le numéro 699 de TelQuel du 8 janvier 2016. 

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer