Au sein de la communauté maghrébine d’Allemagne règnent le malaise et la peur de la stigmatisation depuis que de jeunes migrants marocains et algériens, souvent de nouveaux arrivants, sont accusés d’être les principaux auteurs des violences sexuelles de la Saint-Sylvestre.
« Depuis trois semaines, la communauté maghrébine est stigmatisée comme l’ennemi », affirme à l’AFP Samy Charchira, pédagogue social à Düsseldorf (ouest), et l’un des interlocuteurs du gouvernement sur les questions liées à l’islam. « Cela a de graves conséquences avec des gens agressés verbalement ou physiquement. C’est très inquiétant ».
Un millier de plaintes ont été déposées dans la région de Rhénanie du Nord-Westphalie depuis la nuit cauchemardesque du Nouvel An à Cologne. Ce soir-là, en plein centre de la cité rhénane, des femmes sont devenues des proies sexuelles pour des jeunes hommes, migrants, éméchés et présentés par la police et les responsables politiques comme principalement d’origine nord-africaine.
Viols, attouchements des seins ou de l’entrejambe, vols de téléphones portables, l’Allemagne a découvert avec horreur ces violences. Un seul suspect d’agression sexuelle a été arrêté, un demandeur d’asile algérien.
Parmi les autres délinquants présumés, 14 sur 19 sont, selon les autorités régionales, originaires du Maroc et d’Algérie.
Or avec l’afflux de réfugiés syriens ou irakiens, le nombre de migrants venus d’Afrique du Nord a connu un bond spectaculaire. En juin, seuls 847 Algériens et 368 Marocains avaient déposé une demande d’asile. Six mois plus tard, ils étaient respectivement 2.296 et 2.896.
Accusées d’incurie depuis les violences de Cologne, les autorités s’agitent donc tous azimuts, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat pour tenter de réduire cet afflux, d’autant qu’ils sont quasiment toujours déboutés de leur requête.
La chancelière Angela Merkel souhaite ainsi que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie soient déclarés « pays sûrs » pour accélérer l’examen des demandes d’asile et donc les expulsions. Par ailleurs, le gouvernement fait pression sur ces trois pays pour qu’ils cessent de bloquer la réadmission de leurs concitoyens expulsables d’Allemagne.
Enfin, bien décidée à agir face à une pression populaire de plus en plus vive, l’Allemagne veut aussi renforcer l’arsenal législatif contre les demandeurs d’asile qui enfreignent la loi.
Une communauté bien intégrée
Les travailleurs sociaux regrettent cependant que tous les Marocains et Algériens se soient retrouvés sur le banc des accusés en quelques jours, alors que la Rhénanie du Nord-Westphalie compte notamment depuis des années la plus grosse communauté marocaine d’Allemagne.
A Düsseldorf par exemple, les Marocains sont « ici de longue date, bien intégré(s) et très tolérant(s) », relève M. Charchira.
Les premiers sont arrivés dans les années 60 pour faire tourner les usines du miracle économique ou descendre dans les mines de charbon de la Ruhr. Depuis la fin des années 80, ce sont surtout des étudiants qui rejoignent les bords du Rhin et la région de Francfort.
Dans cette métropole cossue sur les bords du Rhin, « c’est un groupe de 40-50 jeunes hommes qui sont assez connus » pour poser des problèmes, souligne Samy Charchira. « Ils trainent dans la rue et sont dans une situation sociale très précaire », cabossés par la vie avec la fuite vers l’Occident pour seul projet.
Au Maroc, « certains étaient des enfants des rues », selon lui. « D’autres arrivent en fait d’Espagne, d’Italie ou de France où ils séjournaient illégalement ». Ils viennent maintenant en Allemagne en se glissant dans le flot de réfugiés fuyant la guerre, la terreur ou la pauvreté.
Au sein de la communauté marocaine de Düsseldorf, certains avouent cependant sans complexe ne pas vouloir de ces nouveaux venus ne parlant pas allemand et qui une fois déboutés de leurs demandes d’asile n’auront aucune chance de décrocher un emploi.
De son salon de coiffure installé au coeur du quartier baptisé « Le petit Maroc », Karim, 38 ans et qui a requis l’anonymat, observe ces « jeunes criminels venus en Allemagne sans la moindre perspective ».
« Avant, notre petit quartier était tout à fait normal mais maintenant beaucoup de choses ont changé. Je ne vais plus dans certains endroits car j’ai peur des bandes qui se sont installées », poursuit cet habitant de ces rues où s’alignent bars à chicha, pâtisseries et primeurs arabes.
Par Yannick PASQUET à Berlin, Michael REBMANN à Düsseldorf
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