Jalloul Ayed: «Des gros investisseurs ont choisi le Maroc plutôt que la Tunisie»

Jalloul Ayed, ancien employé de la BMCE et ancien ministre des Finances en Tunisie, revient, entre autres, sur l'attrait des investisseurs étrangers pour le Maroc dans un entretien à Telquel.ma

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En 2013, lors d'un sommet de la BAD. Crédit : FETHI BELAID / AFP.

Banquier, ancien ministre des Finances ou encore compositeur de musique classique, Jalloul Ayed a plusieurs cordes à son arc. Ayed a vécu plusieurs années dans le royaume, en travaillant pour City Bank Maghreb d’abord puis pour BMCE ensuite. Entre deux conférences organisées lors du forum Euromed Capital (rencontre d’investisseurs et entrepreneurs des deux rives de la Méditerranée), Jalloul Ayed nous a accordé un entretien. L’occasion pour Telquel.ma de l’interroger sur sa perception de l’économie marocaine.

Que retenez-vous de votre expérience au Maroc ?

J’ai eu la chance de travailler dans un groupe que je respecte beaucoup avec un homme qui est un ami, Othman Benjelloun. Nous avons fait un travail exceptionnel. La BMCE a été la première banque avec une stratégie africaine. Je suis fier d’avoir contribué à celle-ci. La BMCE est devenue aujourd’hui un partenaire de choix. Et je suis de très près l’évolution de la banque, qui est toujours dans mon cœur. Je garde en mémoire de très bons souvenirs au Maroc. Je suis toujours très très attaché au pays.

Une récente étude parle de 2 000 investisseurs étrangers ayant quitté la Tunisie pour le Maroc ces dernières années. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je ne crois pas à ce chiffre. Il y a certainement quelques dizaines d’entreprises concernées, peut-être une centaine, mais pas 2 000. Certainement que 2 000 ont seulement l’intention. Mais si ce sont des entreprises tunisiennes, c’est une très bonne chose. Je suis pour que des entreprises tunisiennes viennent investir au Maroc et que des entreprises marocaines viennent investir en Tunisie ou ailleurs en Afrique. L’investissement intra-africain a augmenté de plus de 12 % par an durant les dix dernières années. Il y a un intérêt certain des Africains pour leur propre continent. C’est très bon signe, et nous ne sommes qu’au début. Le Maroc est pionnier dans ce domaine (à travers les secteurs de la finance, de l’électroménager, de l’immobilier…). Ces entreprises n’auraient peut-être pas eu le courage d’investir en Afrique s’il n’y a avait pas eu la présence de banques marocaines pour faciliter un flux d’investissements.

Le Maroc est-il un exemple à suivre en matière d’avantages fiscaux offerts ?

Il a un système d’incitation et d’encouragement à l’investissement étranger qui est tout à fait louable. Pas mal de groupes étrangers ont choisi le Maroc par rapport à la Tunisie parce que le Maroc leur a offert des conditions beaucoup plus avantageuses. Mais il n’y a pas seulement les conditions en termes de fiscalité. C’est aussi l’environnement des affaires, l’aptitude du Maroc à accueillir les étrangers et à leur faciliter la tâche qui se sont améliorés. Il faut aussi regarder le risque perçu par les investisseurs étrangers. C’est la perception qui compte. Des gros investisseurs ont décidé de s’installer au Maroc plutôt qu’en Tunisie après les dernières attaques terroristes dont la Tunisie a été victime, et c’est tant mieux pour le Maroc, mais les choses peuvent changer demain, quand la Tunisie sera stabilisée et aura résolu les problèmes que l’on espère passagers.

Est-ce que vous croyez en l’unité maghrébine ?

Je suis un Maghrébin né c’est-à-dire que j’ai réalisé la plus grande partie de ma carrière professionnelleau Maghreb : en Libye, Algérie, Tunisie et bien sûr au Maroc, qui est une deuxième patrie pour moi. Personnellement, je crois en ce Maghreb. Si un jour nous devons nous réveiller de nos tombes et regarder nos petits-enfants, nous aurons honte. On ne leur a pas offert les meilleures chances. Le partage de la croissance et de la prospérité aurait été beaucoup plus important si cette unité maghrébine avait été une réalité. Mes petits enfants auraient eu une bien meilleure chance de prospérité si le Maghreb avait été un seul pays. Nous aurions été un seul gros marché, un modèle de croissance basé sur la demande locale aurait pu être justifié. On aurait pris une place de choix sur la scène internationale, nous serions un partenaire sérieux pour les investisseurs étrangers… C’est dommage. Je suis Tunisien, mais je ne me suis jamais senti étranger au Maroc : nous avons la même religion, la même culture, la même langue, c’est le même pays ! Mais c’est un rêve qui malheureusement ne sera pas exaucé de notre vivant, je pense.

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