Pour rendre hommage à la photographe tué par Al-Qaïda, Telquel.ma donne la parole à des personnes qui l’ont connue personnellement. Ils témoignent de son talent et son humanisme.
Le 18 janvier, la jeune artiste franco-marocaine succombait à ses blessures, après avoir été grièvement blessée vendredi dernier dans l’attaque terroriste de Ouagadougou. Née en 1982, Leila Alaoui était considérée comme l’une des artistes les plus prometteuses de la scène artistique contemporaine marocaine. Des personnalités de la culture qui ont déjà croisé son chemin lui rendent un dernier hommage.
Nourredine Lakhmari, réalisateur
« Nous nous sommes connus quelques mois après la sortie de Casanegra. Elle m’avait contacté pour un portrait, et nous nous sommes rapidement liés d’amitié. J’ai toujours été impressionné par son humanisme, et l’énergie positive qu’elle dégageait. Elle était toujours souriante, agréable à vivre, et très attentionnée envers les gens. Parfois, lorsqu’on se baladait dans Casablanca, elle ne pouvait pas s’empêcher d’aller vers des enfants des rues ou des cireurs pour leur parler, et savoir comment ils allaient. Elle avait une grande sensibilité envers les personnes marginalisées. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a beaucoup travaillé sur les immigrés clandestins par exemple ».
Fatym Layachi, actrice
« Leila était mon amie d’enfance, et aussi l’une des plus belles personnes que j’ai connue. Elle avait la capacité et la générosité unique de voir la beauté partout. Elle ne jugeait jamais personne ; elle essayait toujours de comprendre. Dans ses portraits, elle arrivait à sublimer tout le monde, alors qu’elle ne faisait pas de la photographie de mode. Ce qui l’intéressait, c’était la vraie beauté des gens. A travers son objectif, elle voulait leur rendre leur dignité. Son travail lui ressemblait : magnifique, exceptionnel, et humain ».
Fouad Bellamine, artiste
« Leila était une artiste curieuse, passionnée dès ses débuts par la pratique artistique photographique. Elle était ouverte sur le monde, et était à l’affut de tout ce qui se faisait d’avant-gardiste dans le domaine. Elle s’intéressait également au Moyen-Orient, où elle commençait d’ailleurs à se faire un nom depuis qu’elle s’était installée à Beyrouth. Elle avait une brillante carrière internationale devant elle, qui a été brisée par ces salopards d’islamistes. Ils ont enlevé à l’école contemporaine marocaine une artiste pleine de talent et d’espoir, qui commençait à affirmer sa personnalité ».
Hicham Daoudi, galeriste
« Je l’ai connue quand elle avait à peine 4 ans. Nos familles étaient très proches, donc j’ai énormément de souvenirs avec elle. J’ai assisté à ses premiers pas dans la photographie, sous les encouragements de sa mère, Christine. Aujourd’hui, je ne pleure pas Leila l’artiste, mais Leila l’amie. Elle a toujours été là pour moi, même dans les périodes les plus difficiles de ma vie. Elle était la perfection humaine ; une belle jeune femme avec des valeurs humanistes. Nous avons perdu quelqu’un de bien, une nomade, qui n’avait peur de rien ».
Mostapha Aghrib, directeur culturel du MMP+
« Leila était une artiste créative et engagée, qui s’impliquait totalement dans les causes qu’elle défendait. Elle croyait en son travail, et choisissait souvent des sujets difficiles. Elle venait de terminer une série de photos dans un camp de réfugiés au Liban, et n’avait pas hésité à s’envoler pour le Burkina Faso pour un projet d’Amnesty International dénonçant le mariage précoce. Beaucoup auraient eu peur, et se seraient posés des questions. Mais pas elle, parce qu’elle croyait en ses principes. Ce qui était incroyable, c’est qu’elle avait gardé sa joie de vivre malgré ce qu’elle voyait dans le cadre de son travail ».
Hassan Sefrioui, galeriste
« J’ai fait la connaissance de la très regrettée Leila en 2007, alors qu’elle me présentait son travail photographique « No pasara ». J’ai été impressionné par son courage et sa sensibilité artistique qui faisait « corps » avec sa personnalité : vive, curieuse, et surtout doté d’une compassion honnête vis à vis de ceux qu’on regarde trop peu. Les sacrifiés de la globalisation sont devenus au fil de ses nombreux voyage les témoins d’une époque qu’elle a désormais figé dans la mémoire collective ».
Mehdi Qotbi, artiste et président de la Fondation nationale des musées
« J’ai toujours eu énormément d’affection envers Leila et sa famille. C’était une fille pleine de talent, qui avait du cœur et une grande sensibilité. Une sensibilité qui se ressentait dans ses photographies, et qui lui a toujours permis de faire ressortir le meilleur des personnes qui posaient pour elle. Elle arrivait à percer en profondeur le caractère des gens. Leila était également très douce et généreuse, et elle n’a pas hésité à faire don spontanément au Musée Mohammed VI d’une de ses œuvres. Elle restera vivante à travers son art ».
Jamal Abdennassar, directeur de la Fondation Hiba
« Leila était mon amie. Souriante, instinctive, talentueuse et toujours généreuse. Je me souviendrais toujours du jour où elle m’a sauvé d’entre les mains de mauvaises personnes, à un moment où j’étais sans défense. Je ne la remercierais jamais assez d’avoir été ce repère de sincérité et d’optimisme dans ma vie. En m’enlevant ma sœur, cette humaine de cœur, ces terroristes barbares ont rendu leurs actes moins abstraits. Je suis en colère, mais je sais que Leila continuera à vivre dans nos cœurs, tant que nous serons vivants ».
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