Le patron du Haut-commissariat au plan (HCP) n’est pas satisfait du rendement de l’investissement au Maroc. Ahmed Lahlimi Alami vient de livrer sa feuille sur « le rendement du capital physique eu Maroc » en pointant du doigt la détérioration du rendement escompté de l’investissement (mesuré par l’efficacité marginale du capital, notion cher à l’économiste britannique John Maynard Keynes). «Avec un taux moyen annuel de croissance de 4,4% par an durant cette période et celui de l’investissement de 6,2%, l’efficacité marginale s’est détériorée. Le coefficient marginal du capital (ICOR) se situe à près de 7 unités en 2014», a souligné Lahlimi, mercredi, 13 janvier dernier lors d’une rencontre avec la presse au siège du HCP à Rabat.
La Turquie fait mieux que nous
Selon l’étude du HCP, l’analyse en benchmark du niveau d’accumulation du capital au Maroc montre qu’il n’a pas encore atteint le niveau observé dans d’autres pays comparables. L’intensité capitalistique de la Turquie représente deux fois celle du Maroc et celles de la Corée du Sud et de la Malaisie sont de 6,3 et 3,5 fois plus importantes respectivement. « Dans ce cadre, le Maroc est appelé à revisiter l’allocation sectorielle des investissements afin de valoriser les larges marges de croissance et d’emploi disponibles dans des secteurs où les taux d’investissement sont en deçà de leur contribution à la valeur ajoutée nationale », soutient le Haut-commissaire. Cette situation est de nature à engager le pays dans une réforme profonde de ses structures économiques et une ouverture sur un nouveau modèle de croissance donnant aujourd’hui des signes évidents d’essoufflement.
Capital physique. L’industrie du service en tête de peloton
L’analyse sectorielle du processus d’accumulation du capital physique montre que les services ont été le principal secteur qui a contribué à l’intensification des investissements durant les années 2000. Le taux d’investissement réalisé par ce secteur est passé de 36,8% par an en moyenne entre 1998 et 2007 à 45,6% par an entre 1998 et 2014, au moment où celui du secteur de l’industrie est resté quasi-constant, à près de 29,3% par an durant les deux périodes, alors que celui du secteur de l’agriculture a fléchi de 13% par an à 7,3% par an respectivement.
Dans ces conditions, l’intensité capitalistique s’est améliorée de 5,2% par an durant la période 1998-2014 dans le secteur des services au lieu de 4,9% dans l’industrie et 1,2% dans l’agriculture. Toutefois, si l’amélioration de l’intensité capitalistique dans les services a été portée par l’accumulation effective du capital dans ce secteur, celle dans l’agriculture et l’industrie aurait été induite par les baisses d’emplois enregistrées dans ces secteurs.
Emploi : qui en créée, qui en perd
Le secteur agricole n’a cessé de perdre des postes d’emploi durant toute la période 1999-2014, de l’ordre de 13600 postes en moyenne annuelle et, particulièrement, de manière aiguë entre 2008 et 2014, avec 23900 pertes d’emploi par an. Un constat déjà étayé par la Banque centrale. Selon Najib Akesbi, économiste et profession de l’enseignement supérieur à l’IAV (Institut agronomique et vétérinaire Hassan II), « la perte d’emploi dans la filière agricole est l’un des effets pervers du Plan Maroc vert. Inonder les gros agriculteurs de subvention a conduit à la mécanisation. Pour la micro irrigation, les subventions peuvent atteindre jusqu’à 60% ». Il faut dire que la destruction d’emploi risque d’être encore plus prononcée cette année en vue d’une année agricole 2015-2016 peu porteuse. Selon les statistiques du Haut-commissariat au Plan, près d’un marocain sur deux travaille dans le secteur agricole.
Pour sa part, le secteur de l’industrie a perdu en moyenne 7500 postes d’emploi par an durant l’ensemble de la période et plus précisément de manière significative entre 2008 et 2014, avec 16500 pertes d’emploi par an. A contrario, le secteur des services a pu créer, en revanche, des opportunités d’emploi qui ont largement compensé les pertes observées au niveau de l’agriculture et de l’industrie. Ce secteur a créé et de manière soutenue 84500 postes d’emploi en moyenne annuelle entre 1999 et 2014.
Un avenir meilleur ?
Lahlimi affiche, en revanche un optimisme mesuré quant aux perspectives de développement. Pour lui, «l’approche de la croissance endogène montre que la transformation des structures économiques au Maroc, confortée par les intensifications capitalistiques dans l’agriculture et l’industrie, tout en étant accompagnée par la poursuite de l’accumulation du capital humain et l’amélioration de la gouvernance, permettraient, à terme, des gains de croissance de plus de 3 points ». Dans cette perspective, la croissance économique potentielle du Maroc devrait se situer globalement entre 7 et 8% en moyenne annuelle.
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