Tant attendu, le projet de loi portant création de l’autorité de la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD) est enfin au parlement. L’instance est prévue par la constitution de 2011, les féministes l’attendent donc depuis quatre ans. Dans son rapport sur la parité de 2015, le Conseil national des droits de l’Homme parle d’ « urgence ». Le 6 décembre, le projet 79.14 a été discuté à la Commission des secteurs sociaux (et non pas celle des droits de l’Homme). Il s’agissait du débat général alors que le spécifique (article par article) devrait avoir lieu dans une dizaine de jours.
D’après Naïma Benyahia, élue Istiqlal membre de la Commission en question, beaucoup d’élus étaient présents lors de l’évènement, y compris des députés d’autres commissions. « On était majoritairement des femmes », nous précise celle qui estime que cela illustre « le désintérêt de nos hommes politiques pour la question ». Mais l’istiqlalienne se félicite : « le débat a été fructueux ».
Pas de définition claire à cause du SGG
Il faut dire que le projet est très critiqué par certains, qui craignent qu’il fasse de cette autorité une coquille vide. Le groupe Istiqlal, tout comme les organisations féministes, regrette par exemple l’absence de définitions de « discrimination », « égalité » ou encore « parité » dans le projet 79.14. « C’est pourtant primordial. L’égalité pour moi n’est pas la même que celle du chef du gouvernement. Pour moi dire que la place de la femme est à la maison est contraire à l’égalité par exemple », argumente Naïma Benyahia.
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D’après ce que nous relate cette élue, sur cette question, la ministre de la Solidarité a été claire. Il n’y aura aucune intégration de la définition de la CEDAW (convention onusienne), à cause d’un véto du Secrétariat général du gouvernement. Pourtant, le Maroc a bien signé cette convention, sans réserve sur les définitions. Aussi, à propos du périmètre de l’autorité : « Le projet de loi n’aborde la discrimination basée sur le sexe que dans son article 2, alinéa 7, laissant supposer que cette autorité est à motifs multiples. Qu’elle ne concerne pas spécifiquement les discriminations basées sur le sexe et la parité Femme-Homme », dénonce l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).
Un manque d’indépendance ?
Lors du débat du 6 décembre, beaucoup de parlementaires auraient aussi réclamé à la ministre des représentations régionales. Mais là aussi, la surprise a été de taille, quand Bassima Hakkaoui aurait avancé « un véto du ministère des Finances ».
Les discussions ont bien sûr également porté sur la composition de l’autorité, certains élus réclamant que les politiciens n’aient pas leur mot à dire dans la sélection. Mais pour le moment, le projet de texte compte placer 14 membres (un issu du Conseil des Oulémas, un du CNDH, deux du parlement…), la plupart désignés par le chef du gouvernement ou les présidents de chambres, y compris pour les trois membres représentants les associations de défense de la parité. Et il y a là justement un désaccord avec l’étude de 2011 du CNDH consacrée à l’autorité. Le Conseil préconisait expressément l’absence de tutelle de la part de l’exécutif.
« Cette autorité doit absolument être dotée d’une autonomie. L’équipe doit être forte de son expertise dans la promotion des droits de femmes », estime Laïla Majdouli, secrétaire générale de l’association Solidarité féminine, qui rêve d’une autorité forte, sur le modèle du Conseil national des droits de l’Homme par exemple. Cette féministe critique fortement le projet de Bassima Hakkaoui, qui d’après elle n’a pas pris la peine de consulter la société civile. « Il n’y a pas d’approche genre, pas d’approche droit et le langage y est machiste », estime-t-elle. Une coalition d’associations « Réseaux et ONG atour de l’APALD » dont elle fait partie réalise actuellement un plaidoyer auprès de tous les partis politiques pour se faire entendre et ainsi éviter ce qu’elle craint le plus : la création d’une « coquille vide ».
Pas de réelles compétences ?
Pour l’empêcher, les féministes et « la majorité des parlementaires présents » au débat du 6 décembre demandent l’autosaisine de cette autorité et le droit pour elle de saisir la justice. Ce qui n’est pas le cas dans le projet qui prévoit seulement que l’autorité donne son avis sur les projets et propositions de lois si le chef du gouvernement ou le président d’une des deux chambres le lui demande. D’après le texte, l’APALD peut recevoir les plaintes des citoyennes, mais il n’est pas précisé qu’elle peut ensuite en appeler à la justice et saisir le parquet.
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