L’année agricole 2015-2016 s’annonce mauvaise. C’est sur ce postulat que la Banque centrale s’est basée pour revoir à la baisse le taux de croissance en 2016 à 2,1%. La valeur ajoutée agricole devrait se délester de 4,3%, « sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne », annonce l’institut d’émission. Sauf qu’au bout de trois mois sans pluie, même une production céréalière moyenne s’avère une hypothèse peu probable.
Les professionnels de la filière envisagent déjà le pire. « La production céréalière est compromise », annonce d’emblée Najib Akesbi, économiste et spécialiste des questions agricoles. Il ajoute que la filière céréalière pèse pour 70% dans le secteur agricole. Donc si cette composante est compromise, tout le reste le sera. D’ailleurs c’est l’agriculture céréalière qui détermine le PIB agricole et cela impact de facto le PIB.
Même si le ministère de l’Agriculture préfère pour l’instant garder le silence, les rumeurs fusent déjà quant à la préparation d’une stratégie anti-sècheresse. Pour Akesbi, les mesures anti-sécheresse sont souvent du replâtrage. « On essaie généralement de rationner l’eau des barrages pour préserver les arbres et importer de l’orge par exemple pour préserver également le bétail. Le ministère prévoit également la distribution de quelques revenus à la population rurale. Et comme les agriculteurs seront incapables d’honorer leurs dettes, le Crédit Agricole rééchelonnera leurs crédits pour la énième fois », prédit-il.
En attendant le miracle
Si l’absence de pluie persiste, le département de l’agriculture sera obligé de sortir de son mutisme habituel. Najib Akesbi résume la situation : «Le gouvernement qui s’est réuni il y a une quinzaine de jours a déclaré que s’il ne pleut pas d’ici la fin du mois, la saison agricole n’est plus rattrapable. Nous sommes déjà le 29 décembre et il n’a toujours pas plut. Et les prévisions annoncent qu’il n’y aura pas de précipitations au cours des 10 prochains jours. A moins d’un miracle c’est raté». Il tempère son propos en signalant que s’il pleut dans les 15 prochains jours, seul le végétal pour l’animal sera sauvé. Le déficit pluviométrique ressort à près de 50% en comparaison avec une année agricole normale. Il faut dire que le modèle agricole marocain se base pour 85% sur les terres du bourre, c’est-à-dire la pluie. Seul 15% des terres sont irriguées par l’eau des barrages.
Quid des emplois ?
Alors que la saison agricole qui vient de s’écouler était jugée très satisfaisante par l’ensemble des organisations, le secteur agricole, a perdu près de 58.000 emplois. Une réalité pour le moins déroutante. «Cela mérite une analyse», a laissé entendre Bank Al-Maghrib en septembre dernier. Car l’on conçoit très mal une perte d’emploi dans un secteur qui affiche une embellie. Pour Akesbi, cette perte d’emploi est l’un des effets pervers du Plan Maroc vert (PMV). Inonder les gros agriculteurs de subventions a pour effet immédiat « la mécanisation qui les pousse à se passer de la main d’œuvres». Il faut dire que la destruction d’emploi risque d’être encore plus prononcée en vue d’une année agricole 2015-2016 peu prometteuse.
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