Abdellatif Jouahri confirme la crise du crédit

Blanchiment d’argent, fuites des capitaux, souscriptions à la Ligne de précaution et de liquidité (LPL), baisse soutenue des crédits, Abdellatif Jouhari, gouverneur de la Banque centrale nous dit tout … ou presque.

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Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale. Crédit : Yassine Toumi.

Les sorties médiatiques d’Abdellatif Jouahri sont limitées aux réunions post-Conseil de Bank Al-Marghrib tenues chaque 3 mois. Cette rencontre reste tout de même l’occasion de revenir sur les sujets les plus problématiques de la scène économique marocaine. Revue des principaux sujets évoqués, lors du point de presse du mardi 22 décembre.

Crédit bancaire: La crise se confirme

La crise du prêt bancaire n’est plus à prouver. Le crédit ne reprend pas malgré deux baisses successives du taux directeur de 50 points de base. La baisse du rythme de croissance des prêts donne du fil à retordre au gouverneur de la Banque centrale. Jouahri a exprimé ouvertement son inquiétude face à cette épineuse situation et il compte bien y remédier. «Nous allons tenir une réunion, début de l’année prochaine, avec le GPBM (Groupement professionnel des banques marocaine), la CGEM (confédération générale des entreprises marocaines) pour essayer de trouver des explications à ce phonème », a annoncé le Wali en marge de la réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), tenue, le 22 décembre. Il faut dire que les banques se retrouvent désormais dans l’obligation de donner une rescousse au crédit bancaire. Parmi les raisons que le gouverneur de BAM a avancé figure le revirement vers l’informel. Ce qui est certain, c’est que les banques ont également une responsabilité dans cette baisse. Même si aussi bien le gouverneur que les patrons de banques infirment une frilosité vis-à-vis des dossiers de crédits en avançant le faible taux de rejet de dossiers, le refus d’une demande de prêt pourrait toujours se faire avant même la requête officielle.

Fuite de capitaux. Libérez le compte capital

Selon le dernier rapport de l’association américaine, GFI (Global Financial Integrity), près de 40 milliards de dirhams fuitent chaque année du royaume. Pour Jouahri, ce montant n’est pas justifié. « En tant que gouverneur je n’ai pas d’éléments de référence pour dire quel montant quitte le Maroc chaque année ». Interpellé par Telquel sur l’après-amnistie de changes, il affirme que « la contribution libératoire n’est pas la réponse à la fuite de capitaux. Il faut chercher du côté de la flexibilité du régime de change, de la libéralisation du compte capital (ndlr, compte figurant au niveau de la balance des paiements) et des réformes structurelles que mène le Maroc pour bâtir une place financière et maintenir les équilibres macroéconomiques ».  La libéralisation progressive du compte capital pourrait être une solution pour les non résidents. Car il faut dire que dans certains cas, les non résidents sont incapables d’obtenir les autorisations parce qu’ils sont confrontés à d’importantes contraintes. « Si on évolue vers un compte capital plus libéralisé, les gens auront confiance dans les réformes que nous menons. Résultat : il n’y aura pas de raisons pour qu’il y ait une fuite des capitaux. » 

Ligne de précaution et de liquidité. Une 3e reconduction est à envisager

L’une des principales raisons évoquées par le Maroc pour justifier la souscription à la Ligne de précaution et de liquidité (LPL), c’est le niveau des réserves de changes très faible. Ce qui ne permet pas au pays de se protéger des chocs extérieurs. Alors que nous sommes actuellement à 8 mois d’importations au titre des réserves de changes et qu’avec un tel niveau, le Maroc pourrait bien se passer d’une 3e reconduction de la LPL. Jouahri ne semble pas être du même avis. « Le niveau actuel des réserves de changes est dû principalement à la conjoncture. Il s’agit essentiellement de la baisse des prix du pétrole et des denrées alimentaires et des dons du Golfe ». Il ajoute : «Il faut attendre la finalisation de la Loi de finances par le gouvernement pour discuter de la sortie ou pas au titre de la LPL ».

Blanchiment d’argent, plus de contrôle

«Nous avons mis en place un système très contraignant qui permet d’éviter le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme », annonce Jouahri. Tout dossier qui apparait désormais douteux chez les banques ou même à notre niveau, nous le signalons à L’UTRF (Unité de traitement des renseignements financiers). L’unité l’examine et c’est à elle que revient la décision de transférer le dossier à la justice ou pas. « Nous continuons à faire tout un travail avec la direction générale de la sureté nationale en ce qui concerne la falsification des CIN. Nous avons également élargi notre champ d’action afin de prévenir le financement du terrorisme. Avec tout ce qui se passe au niveau mondial, nous devons rester vigilant », conclut-il.

 

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