Que cache le profit warning de Risma?

Depuis septembre dernier, les rumeurs fusent quant à une manipulation des comptes au niveau des hôtels Sofitel d’Agadir. Désormais c’est un fait avéré. Risma vient de publier un profit warning pour le signaler. Que cache l’alerte sur résultats de la société ? Réponse.

Par

Amine Echcherki, président du directoire de Risma.

Risma est sur une pente savonneuse. Le dernier communiqué de l’entreprise, qui détient les murs des hôtels du groupe Accor, évoque de sérieux problèmes financiers suite à des détournements. « La direction de Risma a été informée par la société de gestion des hôtels (ndlr : Accor) de certaines irrégularités comptables constatées sur deux sites hôteliers et a procédé, par mesure de prudence, à la constatation d’une provision de 50 millions de dirhams », indique le management de l’entreprise. Alors que la société évoque des manipulations comptables consistant principalement en dissimulation de charges et détournements dont le montant total est estimé à cinq millions de dirhams.

Ce volet-là ne serait pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Une source proche de Risma nous confie que « les malversations ont été découvertes dans deux hôtels Sofitel d’Agadir. Ce sont ces malversations qui ont eu pour conséquence la publication du profit warning ». Risma vient en effet de publier une alerte sur résultat où elle annonce que son résultat avant impôt sera impacté de 132 millions de dirhams. Un sacré coup pour cette entreprise qui vient à peine de renouer avec les bénéfices qui n’ont dépassé guère les 6 millions de dirhams en 2014.

Mauvaise gestion

«Des personnes au sein de l’équipe Accor s’amusaient à maquiller les comptes. Elles ont introduit des charges dans les comptes du bilan sous forme d’investissements pour fausser les comptes d’exploitation qui ont, du coup, l’air favorables», explique une source ayant requis l’anonymat. Lorsque le groupe Accor Gestion Maroc a eu des doutes sur ces pratiques, il a essayé de tirer ces irrégularités comptables au clair. D’autant que cette façon de comptabiliser impactait, de manière très positive, le résultat financier des hôtels.

Risma ne serait intervenue qu’après le constat de ces irrégularités en mandatant un audit indépendant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 août 2015. Il faut noter que si Risma est impacté par ce qui se passe chez Accor Gestion Maroc c’est que les deux partenaires partagent, en quelque sorte, les performances bilancielles. Dans la même activité, Risma est le propriétaire des murs et le groupe Accor s’occupe de la gestion opérationnelle des six hôtels Sofitel. «Le groupe Accor s’occupe de la partie production du résultat économique. Ses écritures s’arrêtent au résultat d’exploitation. Après, c’est Risma qui récupère les comptes d’Accor et rajoute les éléments qui sont liés au patrimoine (amortissement, financement, taxes…, ndlr)», explique notre source. Il faut dire que c’est également Risma qui valide, certifie et publie les résultats.

Une responsabilité partagée

Il faut dire que la responsabilité dans cette affaire de détournements est partagée entre trois intervenants : Accor qui gère les hôtels et qui est donc responsable des malversations, Risma qui a validé les comptes sans constater qu’il y existe des irrégularités et enfin le commissaire aux comptes qui est également incriminé, car il n’a pas constaté les écarts de gestion. Les trois se jettent pour l’instant la patate chaude. Preuve en est « Risma a porté plainte contre les auteurs, coauteurs et complices présumés des infractions résultant des manipulations comptables constatées » affirme le communiqué du management de l’entreprise. Cette dernière affirme avoir « entrepris des démarches pour obtenir réparation des préjudices subis et a demandé à la société de gestion de prendre les mesures nécessaires afin de renforcer le dispositif de contrôle interne ».

Selon nos sources, les comptables ont été mis en garde à vue à Agadir. La tension est à son comble entre le gestionnaire et le propriétaire. « Depuis le changement du management de Risma il y a 3 ans avec l’arrivée de Amine Echerki, président du directoire de Risma, rien ne va plus avec Accor gestion groupe. Il n’y a plus de communication entre les deux entités. C’est pour cette raison d’ailleurs que les irrégularités comptables durent depuis trois ans sans que l’on réussisse à les tirer au clair », confie notre source. Un manque de communication qui va coûter à Risma 180 millions de dirhams cette année. C’est un véritable retour en arrière pour la société dont les pertes s’élevaient à près de 200 millions de dirhams en 2012 et qui tentait de les éponger avec succès jusque-là.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer