Mélita Toscan du Plantier : « Much loved est un sujet qui ne me regarde pas »

Mélita Toscan du Plantier, directrice du Festival international du film de Marrakech, revient sur la polémique Much loved, la liberté de création au Maroc et les conséquences des attentats. 

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Mélita Toscan du Plantier lors de la cérémonie d'ouverture du 15e Festival international du film de Marrakech. Crédits : Yassine Toumi

Telquel.ma : Qu’est ce que le Festival du film de Marrakech apporte au cinéma marocain ?

Mélita Toscan du Plantier : Quand le festival a commencé en 2001, il y avait 4 ou 5 films marocains produits dans l’année. Aujourd’hui, c’est plus de 25. Donc le cinéma marocain évolue de son côté. Mais la valeur ajoutée du festival c’est de montrer une partie de ces films, si le directeur artistique juge qu’ils sont bons. On ne sélectionne pas un film simplement parce qu’il est marocain. Ça permet aussi aux artistes, producteurs et distributeurs internationaux de voir ces films marocains, et aux réalisateurs marocains de rencontrer des producteurs.

Mustapha El Khalfi était présent à la cérémonie d’ouverture. En tant que ministre de la Communication, il incarne la censure de Much loved. A quel point êtes vous libre ? Avez-vous pris un risque cette année, avec un film subversif ?

Il y a des scènes subversives dans certains films qui seront projetés, comme tous les ans. Ces scènes suscitent des réactions, mais ça arrive partout dans le monde. Je n’ai pas envie de parler de Much loved, parce que je ne l’ai pas vu. On n’a pas envie que le festival soit pollué par Much loved. C’est un sujet qui ne me regarde pas. On a toujours des questions de ce genre quand il y a ce type de problèmes, mais quand nous prenons des risques sur d’autres films personne n’en parle. Quand en 2003 on a montré en ouverture Mille mois de Faouzi Bensaïdi, personne ne nous l’a interdit. C’était pourtant un film fort politiquement. Je fais ce festival parce que j’ai la liberté de le faire. Et si on m’enlevait cette liberté, je ne le ferais plus.

Est-ce que les récents attentats ont remis en question la tenue du festival ?

Du côté de l’organisation et de la fondation, on ne s’est pas posé la question. Il fallait qu’il ait lieu. En revanche, du côté des invités beaucoup ont eu peur de voyager. Après les attentats, j’ai dû rassurer les membres du jury, les invités. Nous avons eu quelques annulations, mais notre chance c’est d’avoir un président du jury qui n’a jamais eu de doute. Si Francis Ford Coppola avait annulé, tout le monde aurait annulé. Ça fait trois semaines que je me bats pour le festival. Je me suis aussi battue avec des médias français, pour leur faire comprendre que leurs lecteurs avaient envie de voir autre chose que des articles sur les attentats. C’est presque devenu politique, car il s’agit de montrer qu’en terre d’islam nous pouvons avoir un évènement culturel multiethnique et échanger sur des valeurs universelles.

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